Libye: un chaos qui n’en finit pas (2011-2022)

L’Afrique réelle

ChroniqueDébut 2019, maître de la Cyrénaïque, le maréchal Haftar disposait alors de la seule force militaire de Libye et il contrôlait 85% des réserves de pétrole du pays, 70% de celles de gaz, 5 de ses 6 terminaux pétroliers et 4 de ses 5 raffineries. Tout le croissant pétrolier par lequel est exporté 60% du pétrole libyen était en son pouvoir.

Le 08/11/2022 à 11h02

En 2011, la mort du colonel Kadhafi ne marqua pas la fin de la guerre civile libyenne car, dans tout le pays, les milices s’opposèrent sur fond de rupture entre la Cyrénaïque et la Tripolitaine.

De la fin de l'année 2011 jusqu'à la fin de l'année 2013, ce fut le temps de l'illusion démocratique. L'année 2014 fut ensuite celle de l'embrasement anarchique avec une situation de guerre de tous contre tous. Puis, en 2015, plana la menace de coagulation islamique, avec l'entrée en scène de l'Etat islamique.

Le 12 mars 2016, formé sous l’égide de l’ONU, le Gouvernement d’union nationale (GUN) dirigé par Fayez el-Sarraj fut installé à Tripoli et l’ONU ainsi que l’UE prétendirent alors reconstruire la Libye autour de lui. L’illusion était grande car, en Tripolitaine, l’autorité était exercée par une mosaïque de milices. A la fin du mois de décembre 2016, à Tripoli, des combats éclatèrent entre plusieurs d’entre elles dont celles de la coalition islamiste de Fajr Libya (Aube de la Libye).

Début 2019, maître de la Cyrénaïque, le maréchal Haftar disposait alors de la seule force militaire de Libye et il contrôlait 85% des réserves de pétrole du pays, 70% de celles de gaz, 5 de ses 6 terminaux pétroliers et 4 de ses 5 raffineries. Tout le croissant pétrolier par lequel est exporté 60% du pétrole libyen était en son pouvoir. Soutenu par la Russie, par l’Egypte et par les Emirats arabes, il avait l’appui de la confédération tribale de Cyrénaïque et des tribus kadhafistes de Tripolitaine.

Quatre possibilités s’offraient alors à lui:1-Une tentative de conquête militaire de toute la Libye.

2-Une sanctuarisation de la seule Cyrénaïque, prélude à une partition de fait entre Tripolitaine et Cyrénaïque.

3-La constitution d’un gouvernement national dans lequel il serait l’homme fort.

4-Une candidature aux élections présidentielles théoriquement prévues en 2019.

Au début de l’année 2019, le maréchal Haftar lança une première offensive éclair sur la partie du Fezzan qui échappait à son contrôle, puis, au mois d’octobre 2019, estimant le moment favorable, il tenta de prendre Tripoli.

Dans un premier temps, l’avance de ses forces fut rapide. Puis ce fut l’enlisement et l’échec, l’intervention militaire de la Turquie ayant renversé le rapport de forces au profit du GUN. De plus, l’offensive du maréchal Haftar eut pour résultat de coaguler autour du GUN les forces de Tripolitaine qui se combattaient jusque-là. Les milices qui vivaient de la guerre et des trafics ne voulaient en effet pas d’une victoire du maréchal car ce dernier avait déclaré que le but de sa campagne était précisément leur destruction. Aussi:

-Les Amazigh qui se tenaient jusque-là à l’écart du GUN se rallièrent à ce dernier par crainte d’une victoire «arabiste».

-Zintan (Zenten) ancienne alliée du général Haftar et dont les milices regroupées dans un «Conseil militaire» se rangèrent majoritairement derrière le GUN.

-Les radicaux islamistes chassés de Tripoli en 2017 firent leur retour à la faveur des combats.

Au début de l’année 2021 la situation était figée dans l’attente des élections du mois de décembre. Mais il fut impossible de les organiser compte tenu des divisions du pays. Depuis, la tension n’a cessé de monter, jusqu’aux affrontements de la dernière semaine du mois d’août à Tripoli quand Fathe Bachaga, nommé Premier ministre par le parlement de Tobrouk, voulut prendre le pouvoir à Tripoli et que Abdelhamid Dbeibah, le Premier ministre en place, s’y opposa. 

Par Bernard Lugan
Le 08/11/2022 à 11h02