Le conflit ukrainien a contraint les acheteurs européens à réorienter leurs achats de gaz, d’où un regain d’intérêt pour le gaz africain devenu un enjeu majeur.
En plus des fournisseurs traditionnels que sont l’Algérie et la Libye, en Afrique du Nord, l'Egypte devient un acteur de plus en plus important. Durant les quatre premiers mois de 2022, elle a ainsi exporté pour 3,9 milliards de dollars de gaz. La visite de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen en Egypte s’est achevée par la signature d’un accord pour approvisionner l’Europe en gaz naturel.
Au sud du Sahara, là encore, en plus du fournisseur traditionnel qu’est le Nigeria, de nouveaux acteurs sont désormais sur le marché ou en passe de l’être, tant à l’est (Ethiopie, Tanzanie ou Mozambique), qu’à l’ouest (Angola, Ghana, Côte d’Ivoire). Au nord-ouest, le Sénégal et la Mauritanie vont bientôt être en mesure d’alimenter l'Europe grâce au projet offshore Grande Tortue Ahmeyim (GTA) basé sur l’exploitation de deux gisements à cheval sur les deux pays.
Se pose désormais la question de l’acheminement du gaz africain vers les consommateurs européens. Trois grands projets de gazoducs sont en concurrence.
Le projet algérienL’Algérie, qui voit ses réserves diminuer, cherche à installer chez elle le terminal de l’éventuel gazoduc transsaharien qui la relierait au Nigeria en passant par le Niger, ce qui ferait d’elle un incontournable fournisseur indirect de l’Europe. Voilà pourquoi elle est particulièrement prenante dans le projet de gazoduc transsaharien.
D’une longueur de 4.128 kilomètres, ce gazoduc serait en mesure de transporter 30 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an vers les ports algériens puis vers les marchés européens à travers deux gazoducs qui relient déjà l’Algérie à l’Europe, le TransMed et le Maghreb Europe (GME), via le Maroc.
Cependant, un tel projet apparaît peu réaliste en raison du contexte terroriste sous-régional. Ce gazoduc devrait en effet traverser des régions en guerre ou même en situation de totale anarchie, ce qui, outre son problème de construction, posera immanquablement celui de son exploitation. Dans ces conditions quels investisseurs seraient-ils prêts à risquer des dizaines de milliards de dollars pour faire remonter vers le nord un gaz produit dans la région littorale du Nigeria alors que le plus sûr est de l’exporter directement par gazoduc marin?
Le projet alternatif libyenLa Libye s’oppose au projet du gazoduc transsaharien porté par l’Algérie car elle souhaiterait que le terminal aboutisse sur le littoral libyen déjà relié à l’Italie par le Greenstream, un gazoduc de 520 kilomètres de long qui, à partir de la Tripolitaine achemine du gaz jusqu’en Sicile. La Libye a donc soumis une option alternative au tracé du projet de gazoduc transsaharien destiné à acheminer le gaz du Nigeria vers l’Europe et qui, depuis le Nigeria, passerait toujours par le Niger, mais pour aboutir non plus en Algérie, mais en Libye.
Or, se posent ici les mêmes problèmes sécuritaires que ceux qui viennent d’être mis en évidence avec le projet algérien. Plus encore, il faudrait y ajouter la question de l’irrédentisme toubou dans le nord-est du Niger et celle découlant de l’anarchie libyenne, tant au Fezzan qu’en Tripolitaine.
Le projet marocainA l’heure actuelle, le projet le plus réaliste semble être celui porté conjointement par le Maroc et le Nigeria, un projet né lors d’une visite du roi Mohammed VI au Nigeria au mois de décembre 2016, suivie d’un accord de coopération entre le Maroc et le Nigeria signé à Rabat le 15 mai 2017.
Ce projet colossal qui permettrait d’associer tous les pays de l’ouest de l’Afrique producteurs de gaz, est le Nigeria Morocco Gas Pipeline (NMGP), qui, depuis le littoral du Nigeria, longerait la côte ouest-africaine, engerbant au passage les productions gazières des pays côtiers. Ici, pas de problèmes de sécurité car, étant offshore, ce gazoduc serait donc indépendant des aléas sécuritaires régionaux.
Au total, 16 pays sont concernés par ce projet, dont tous les pays de la CEDEAO qui pourraient profiter de ses retombées, notamment les pays enclavés comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger qui bénéficieront de bretelles terrestres. Ce gazoduc permettrait d’électrifier des régions entières et de créer des pôles industriels intégrés.
Une première étape de ce gazoduc pourrait relier les champs gaziers offshore de Grande Tortue Ahmeyim (GTA ) situés de part d’autre de la frontière maritime Mauritanie-Sénégal à Tanger au Maroc, son point d’aboutissement.
D’une longueur de 5.500 kilomètres, 569 km existant déjà entre le Nigeria et le Ghana via le Bénin et le Togo, la fabrication de ce gazoduc est estimée dans une fourchette de 25 à 50 milliards de dollars.
Le projet est entré dans la phase des études détaillées confiées à des cabinets spécialisés. Aujourd’hui, sur les 7 tracés primitivement envisagés pour ce gazoduc, trois sont actuellement retenus mais ils n’ont pas encore été officiellement présentés.