2021: la dernière guerre d’Idriss Déby

L’Afrique réelle

ChroniqueAprès quatre ans de guerre menée par le Soudan par rébellion interposée, après l’échec de dix campagnes, après 43 batailles livrées, le 15 janvier 2010, la guerre du Tchad s’achevait. Les principaux rebelles se rallièrent ensuite au président Déby. Mais la parenthèse de paix ne dura qu’une décennie.

Le 11/01/2022 à 11h01

Durant l’année 2021, Idriss Déby, chef de guerre et chef d’Etat du Tchad, est mort au combat. Un homme dont toute la vie a été rythmée par la guerre et cela à travers trois grandes périodes.

La plus ancienne le vit combattre aux côtés d’Hissène Habré entre 1979 et 1989, puis, contre ce dernier en 1989 et jusqu’au 1er décembre 1990, date à laquelle il s’empara du pouvoir.

La seconde période, entre 2006 et 2010, le vit résister à plus d’une dizaine d’offensives rebelles lancées depuis le Soudan. Le 8 février 2006, les présidents Idriss Déby et Omar el-Béchir signèrent les accords de Tripoli qui mettaient théoriquement fin au conflit tchado-soudanais. Mais, un mois plus tard, le 6 mars 2006 des rebelles franchirent une nouvelle fois la frontière tchadienne. Le 13 avril, les forces d'Idriss Déby les écrasèrent. Puis, le 1er février 2007, une nouvelle force rebelle fut refoulée au Soudan.

Les Soudanais réarmèrent les opposants tchadiens qui lancèrent de nouvelles attaques à la fin de l’année 2007. Puis, les mouvements rebelles qui ne cessaient de changer d’appellation, se regroupèrent pour l’essentiel dans l’Union des Forces de Résistance (UFR) dont le président était le Zaghawa Timan Erdimi. L’UFDD/F (Arabes et Ouadaïens), le RFC (Rassemblement des forces pour le Changement), mouvement zaghawa et l’UFDD de Mahamat Nouri (mouvement gorane anakaza) constituaient l’essentiel des troupes.

De très dures batailles se déroulèrent pendant les derniers mois de l’année 2007. Puis, les 30 et 31 janvier 2008, juste avant le déploiement de l’EUFOR destinée à protéger les camps de réfugiés du Darfour, armée à neuf par le Soudan, la coalition rebelle lança une nouvelle offensive, la huitième depuis 2005. Mais, une fois de plus, les forces d'Idriss Déby l’emportèrent après de durs combats dans N’Djaména, notamment ceux des 1er et 2 février 2008.

Au printemps 2009, la dernière campagne rebelle se termina par la brillante victoire d’Idriss Déby à Am Dam, près de Mongo.

Après quatre ans de guerre menée par le Soudan par rébellion interposée, après l’échec de dix campagnes, après 43 batailles livrées au Tchad, le 15 janvier 2010, avec les accords de paix et le rapprochement Tchad-Soudan, la guerre du Tchad s’achevait. Les principaux rebelles se rallièrent ensuite au président Déby.

Mais la parenthèse de paix ne dura qu’une décennie car les adversaires d’Idriss Déby n’avaient pas renoncé à le renverser. Au mois de janvier 2019, depuis la Libye, et sous la bannière de l’UFR (Union des forces de la résistance), les frères Timan et Tom Erdibi, tous deux Zaghawa Bideyat et neveux du président Idriss Déby Itno avec lequel ils étaient brouillés depuis 2004, lancèrent une offensive. Le 3 février 2019, à la demande des autorités tchadiennes, des avions français firent une passe d’intimidation au-dessus de la colonne de l’UFR qui traversait la partie orientale de l’Ennedi, longeant la frontière avec le Soudan. Puis, les 4,5 et 6 février, l’aviation française détruisit la colonne dans la région de Bao dans le nord-est de l’Ennedi, cœur du clan Déby.

Au mois d’avril 2021, des rebelles commandés par Mahamat Mahdi Ali, un Gorane Daza, pénétrèrent au Tchad et ce fut en les combattant qu’Idriss Déby trouva la mort.

Par Bernard Lugan
Le 11/01/2022 à 11h01