La destinée de la femme? Se marier, enfanter, marier ses enfants, s’occuper de lahfayède (petits-enfants), de elbayathe (arrières petits-enfants) et msamère elmida (arrières arrières petits-enfants: les clous de la table !). Mariée à 12 ans, elle marie sa fille à 14 ans. A 27 ans, elle est grand-mère. Sa petite-fille se marie à 15 ans. A 43 ans, elle est arrière-grand-mère. Elle continue à enfanter en même temps que sa fille et sa petite-fille. D’où des oncles et tantes plus jeunes que leurs nièces et neveux.
L’espérance de vie ne dépassait pas 50 ans. Un âge où la femme a passé toutes les étapes de sa vie et entrait dans l’antichambre de la mort. Elle peut être déjà morte lors d’accouchements ou fausses-couches.
Aujourd’hui, une femme de 27 ans peut être encore célibataire ou à peine mariée et pas encore mère. L’âge moyen du premier mariage pour les femmes était de 17 ans en 1960. Il est de 26 ans aujourd’hui (23,9 pour les rurales et 26,6 pour les citadines.) Pour les hommes, il est de 31,9 ans.
Les femmes se marient et enfantent tardivement à cause de la scolarité, la formation, le travail. Parce que les parents ne marient plus leurs filles précocement. Le phénomène existe encore: en 2020, il y a eu 12 600 contrats de mariage pour des filles mineures. Mais combien ont été mariées sans acte de mariage? L’âge du mariage a reculé aussi parce que les femmes cherchent le conjoint idéal.
Donc l’âge où la femme devient grand-mère a reculé. Un nouveau profil de grands-mères est né: elles refusent d’être esclaves de leurs enfants!
Les femmes ont des responsabilités hors du foyer, alors qu’avant, elles étaient enfermées. Travaillant ou non, elles sont très actives et jonglent entre les obligations des femmes traditionnelles et celles des femmes modernes. Si elles travaillent, elles peinent à concilier vie privée et vie professionnelle. Stress!
L’éducation des enfants et surtout leur scolarité, dans un monde en mutation, les usent, alors que leurs mères étaient plus sereines: elles suivaient un modèle éducatif traditionnel préétabli. Stress!
La modernité a brisé la chaine de transmission du savoir et du savoir-faire de mère à enfants. Les enfants prennent du pouvoir sur les mères car ils maîtrisent le digital. Les mères déploient donc beaucoup d’énergie pour éduquer leurs enfants devenus exigeants, moins soumis à l’autorité des parents. Stress!
Les femmes étaient entretenues par les hommes et n’avaient pas de soucis de budget. Aujourd’hui, elles participent aux dépenses. Stress!
Ayant fait le choix de vivre dans des ménages nucléaires, elles assument seules les charges domestiques. Stress!
Le pauvre mari pouvait aider l’épouse débordée en ramenant une autre épouse. Mais fini le bon vieux temps: en 2020, il y eut seulement 658 mariages polygames. Pas stress! Au contraire!
Tous ces facteurs font que lorsque la femme devient grand-mère, à partir de 45 ans, elle n’a plus de khatère (patience). Elle a déjà rempli, péniblement, sa mission et aspire à lahna wa rahète albaaaaaale (bien-être).
Les femmes préfèrent confier leurs enfants à leurs propres mères au lieu de la belle-mère. Mais mère ou belle-mère peuvent refuser de redevenir nurses, d’autant qu’elles n’ont pas d’aide à la maison ou qu’elles travaillent encore.
Mais la majorité, démunie, continue à assumer son rôle car ni les mères, ni les filles n’ont le choix.
Elles sont en meilleure santé et vivent plus longtemps: l’espérance de vie des femmes est passée de 47 ans dans les années 60, à 78,3 ans aujourd’hui. Les hommes vivent en moyenne 75 ans. Eh oui Messieurs, nous vivons plus longtemps que vous! Pas stress!
Elles sont libres et ont des activités diverses hors du foyer: obligations, promenades, sport, marche. Elles sont connectées et suivent des séries télévisées. Certaines, retraitées, entament une activité professionnelle nouvelle, des formations, des cours d’alphabétisation, adhèrent à des associations…
Elles ont leurs programmes et veulent profiter de la vie: «je refuse d’être l’esclave de mes enfants. Baaaaraka (assez). Si tu n’es pas égoïste, ils te dévorent». Elles aiment leurs petits-enfants, mais veulent s’en occuper à petite dose: «mes enfants veulent me confier leurs enfants tous les week-ends et les vacances pour se reposer. Et mon repos à moi? Je les accompagne à l’école, c’est assez».
Même les grands-pères ont changé. Ils vivent plus longtemps, sont actifs et continuent à travailler une fois retraités. Beaucoup sont dérangés par la garde des petits-enfants et se disent délaissés par l’épouse: «mon épouse est passée de mère à grand-mère. Elle n’a été épouse que les premières années de mariage, avant notre premier enfant. C’est trop! Je veux enfin un peu de repos!».
Les enfants peuvent être tyranniques. Une grand-mère: «mes enfants m’imposent leurs enfants, sinon ils boudent. Mon mari râle. Ils vont finir par me faire divorcer de leur père!».
Ces grands-mères des temps modernes adorent leurs petits-enfants, lakbida lamâaouda (tendresse renouvelée), mais tiennent à leur bien-être. C’est leur droit. Une grand-mère: «j’adore les recevoir, mais cela ne doit piétiner sur ma vie et celle de mon mari. En plus, on ne les intéresse même pas! Ils sont toujours plongés dans leurs écrans».
L’image attendrissante de la grand-mère, entourée de ses petits-enfants, leur transmettant de la sagesse en les entraînant dans le monde magique des contes, est désormais révolue!