C’est une année extrêmement fébrile que l’on s’apprête à quitter. Une année stressée et stressante, inquiétante, parfois angoissante. Avec l’impression que la société marocaine passe par des turbulences et vit une certaine mutation. Et qu’en face, la réaction de l’Etat a été tendue, nerveuse.
Le plus grand moment de stress aura été la campagne de boycott, qui a été impressionnante parce que longue et efficace. C’est une forme de protestation nouvelle, inattendue, qui s’attaque au nerf de la guerre (l’argent). Longtemps, la question se posait de savoir où est-ce que tout cela allait s’arrêter, et comment y répondre?
Avec le recul, cette campagne de boycott apparait comme un ras-le-bol de la société, un mouvement d’humeur. Qui a peut-être exprimé, à un moment donné, quelque chose qui va au-delà de sa revendication initiale (en gros la cherté de la vie). La société a dit : «attention, on est là!».
Face à la société qui change, face à la jeunesse qui pousse, qui gronde, qui se cherche, l’Etat a essayé d’apporter un certain nombre de réponses indirectes. Le retour du service militaire obligatoire fait partie de ces réponses. Est-elle bonne? Peut-on, face à des problèmes d’aujourd’hui, apporter des réponses du passé?
Si ce genre de réponse a le mérite d’exister, il traduit avant tout la montée de cette inquiétude et de cette fébrilité. Qui auront caractérisé toute cette année.
Comment ne pas parler de fébrilité, voire de nervosité, quand on voit, par exemple, que les meneurs des événements du Rif croupissent toujours en prison après avoir été condamnés à de lourdes peines?
Comment ne pas parler de nervosité quand on voit la très lourde condamnation qui a frappé le journaliste Taoufik Bouachrine, à l’issue d’un procès étrange, dans lequel on a fini, à un moment, par ne plus savoir exactement ce qui lui était reproché?
C’est cette même nervosité qui a prévalu, pas plus tard qu’en début de semaine, quand un tribunal de Casablanca a décidé la dissolution d’une jeune et dynamique association (Racines), qui abat pourtant un formidable travail sur le terrain et qui défend tout haut l’idée que la culture (et accessoirement la liberté, bien sûr) est la solution.
L’année qui s’achève nous a rappelé aussi que si le terrorisme est en train d’opérer des mutations dans son mode opératoire (Imlil), il n’est pas que le résultat de la précarité et de la pauvreté. C’est aussi l’aboutissement de tout un processus qui travaille la société marocaine, et qui est une sorte de «daechisation des esprits». Ou comment de plus en plus de Marocains en viennent à normaliser la pensée extrémiste et stupide, qui exclut l’autre et le diabolise. Dernier avatar, il y a quelques jours à peine: une pâtisserie qui refuse de vendre des gâteaux de Noël parce que «haram»…
En espérant que tous ces dérapages ne soient que de passage, et que la nervosité dont l’Etat a fait preuve soit suivie de détente, je vous souhaite, amis lecteurs, une heureuse fin d’année. Et que 2019 soit meilleure !