Les produits Netflix semblent toujours sortir de la même usine. D’un point de vue marketing, ils sont conçus pour détendre et divertir l’employé modèle, après une dure journée de labeur. Ce n’est pas une mince affaire. Parce que le temps dont dispose notre abonné modèle n’est pas extensible, ses goûts couvrent un spectre trop large, et la tentation de zapper, ou de s’endormir, pose un problème quasi insoluble.
Que faire alors? Comment maintenir l’intérêt de ce cher abonné, sans l’assommer, sans lui laisser le moindre répit?
Regardez «The Messiah» («Le Messie»), la série qui cartonne sur Netflix. Elle apporte toutes les réponses. Les acteurs sont beaux, la diversité ethnique et culturelle est la règle, les conflits sont abordés d’une manière qui n’est pas tranchée, sans jamais prendre parti, sans heurter personne.
Que ce cher abonné soit croyant ou pas, qu’il soit juif, chrétien ou musulman (quoique…), qu’il soit un cynique ou un enfant de chœur, il va s’accrocher à son fauteuil.
Et puis les «cliffs», ces rebondissements et saillies scénaristiques censés nous tirer de notre torpeur, sont là pour nous reconduire au moins jusqu’à l’épisode suivant, voire la saison d’après.
Ce cahier de charges ne m’a pas empêché de regarder «Le Messie», et jusqu’au bout s’il vous plait. Jusqu’au bout, donc, j’ai essayé de comprendre pourquoi la série a déchainé les passions et créé la polémique dans plusieurs pays musulmans? Je n’ai rien trouvé.
Pourquoi ont-ils crié à l’islamophobie? Pourquoi appellent-ils à boycotter, interdire, retirer ? Pourquoi crient-ils au complot? Qu’ont-ils donc de si spécial, pour exiger d’être systématiquement caressés dans le sens du poil, protégés et rassurés comme des enfants fragiles ?
On va donc oublier ces gesticulations ridicules et revenons. La série de Netflix repose sur une belle idée: un homme qui prétend être le messie fait son apparition en Syrie, avant de sillonner le monde, transitant par la Palestine occupée ou les Etats-Unis. Là où il met les pieds, c'est-à-dire dans tous les foyers de tension et de désespoir, un miracle a lieu. Alors, dit-il vrai ? Est-il ce messie tant attendu? Est-il le bienvenu?
Le scénario nous donne autant de raisons de croire que de ne pas croire. Comme s’il s’adressait à deux parties distinctes de notre cerveau, que rien ne relie l’une à l’autre. Et si c’était vrai ? Et si c’était faux?
L’autre question, qui est belle, et qui n’a rien à voir avec la foi, est : que peut faire un prophète pour les humains du XXIème siècle? A-t-on encore besoin d’un prophète et devrait-on au besoin en créer?
De grands esprits se sont déjà penchés sur la question, au cinéma comme en littérature. Netflix aussi, donc, le fait à sa manière. Cela revient à transformer une question existentielle en source de divertissement.