L’affaire la plus traitée et commentée au Maroc s’appelle «Hamza mon bb». Ce n’est pas glorieux. De quoi s’agit-il? D’une sombre histoire de chantage et de racket, sur la base d’un compte anonyme et «lanceur d’alertes», spécialiste dans la diffamation et la violation de la vie intime de certaines célébrités du showbiz, essentiellement des chanteuses et des mannequins.
Cette affaire est devenue virale le jour où on a appris qu’une starlette locale y était mêlée. Alors les sites et les journaux d’information ne parlent plus que de «Hamza».
Hamza par-ci, Hamza par-là… Cette affaire relève du fait divers sordide. Mais c’est un attrape mouche. Les mouches, c’est nous, les consommateurs, les voyeurs. Hamza sent mauvais, avec du sexe et du racket, et des célébrités par-dessus le marché, donc ça marche.
Mettez Hamza à la sauce américaine si vous voulez, mais avec les mêmes ingrédients. Ça marchera aussi.
Les gens se prennent la tête pour rien. Cette affaire, pensent-ils, renseigne sur la nullité et la médiocrité de notre époque. Sur la vacuité de nos starlettes botoxées. Sur l’état de délabrement dans lequel patauge notre société. Et puis quoi encore?
J’ai vu passer un texte qui dit quelque chose comme: «Marre de ces starlettes et de ces faux artistes qui salissent l’image du Maroc… Place aux vrais artistes et aux gloires nationales!». Les «gloires» en question s’appellent, d’après le texte, Abdallah Laroui, Mahdi Elmandjra, Abed Al-Jabri, etc.
Ça veut dire gommons les botoxées et retournons à l’école. Surfons utile. Arrêtons de regarder ou de lire n’importe quoi. Gavons-nous de Laroui, Jabri, des philosophes, sociologues, anthropologues et autres apôtres du savoir humain. Sauvons nos âmes. Le Maroc, ce n’est pas «ça».
J’ai trouvé ça drôle. Parce que rien à voir.
J’ai lu aussi une sorte de pétition ou charte qui engage celui qui la signe à ne pas répercuter des affaires à la Hamza mon bb. Parce que c’est nul, anti-éthique, honteux, indigne…
C’est encore une fois très drôle parce que rien à voir. On ne peut pas remplacer les mauvaises histoires par les bonnes. Il n’y a d’ailleurs pas de bonnes ou mauvaises nouvelles. Hamza est un fait divers glauque, mais pourquoi voudriez-vous vous cacher avant de le croquer comme une pomme pourrie?
Il y a pas mal de choses à «sociologiser» et à «transversaliser» dans cette histoire. Hamza n’est que l’arbre qui cache la forêt. Les tribunaux marocains regorgent d’affaires qui renvoient au même schéma: des jeunes femmes issues des quartiers pauvres font chanter des hommes et des femmes riches et célèbres vivant dans les pays du Golfe. Les jeunes femmes ont souvent des complices, généralement leurs petits amis.
Le développement de l’Internet et le piratage informatique ont fait exploser ce genre d’arnaques. Parce qu’il est plus facile de piéger quelqu’un ou de voler ses données personnelles.
Notons que la plupart de ces affaires mettent en scène des femmes et des hommes en relation avec les pays du Golfe. C'est-à-dire les sociétés où le sexe est encore enfermé dans le sacré et le haram.
Notons aussi que, pour leur défense, les mis en cause, hommes et femmes, mettent souvent en avant leur religiosité. Les «preuves» de leur foi sont présentées comme des preuves d’innocence. Nous aimons dieu et nous sommes des musulmans pratiquants, nous disent-ils, (donc) nous ne connaissons pas le vice et le péché.
Fascinant, non?
Si quelqu’un est capable de nous «sociologiser» Hamza et de pousser le bouchon un peu plus loin, je serai son premier lecteur.