Il y a des villes qui se visitent et d’autres qui se vivent. Essaouira appartient à la seconde catégorie. Dès que l’on franchit ses portes, le vent des alizés vous caresse le visage, les mouettes dessinent des arabesques dans le ciel et les ruelles vous happent dans un tourbillon de couleurs, de sons et de senteurs. Anciennement appelée Mogador, cette cité portuaire marocaine, classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2001, est un joyau où l’histoire, la culture et la nature se mêlent harmonieusement.
Une médina comme nulle autre
Dessinée avec rigueur au 18ème siècle par l’architecte français Théodore Cornut sur ordre du sultan Mohammed ben Abdallah, la médina d’Essaouira est la seule au Maroc à avoir été conçue sur plan. Et pourtant, on s’y perd avec plaisir. Les ruelles labyrinthiques, bordées de maisons peintes à la chaux, regorgent d’ateliers d’artisans, de petites librairies, de galeries d’art et de cafés patinés par le temps.
Même si l’on peut faire le tour d’Essaouira en une après-midi, on n’a jamais envie de partir aussi tôt. La médina conserve depuis des années une âme populaire et artistique. On y croise des chats paresseux étendus au soleil, des enfants courant derrière un ballon et des commerçants qui n’insistent pas, mais dont l’hospitalité vous pousse à revenir.
Les remparts, sentinelles de pierre face à l’océan
À quelques pas, les remparts crénelés longent l’Atlantique avec majesté. C’est là, face à l’horizon infini, que les couchers de soleil prennent une teinte dramatique. Les couples se réfugient dans les alcôves de la muraille, à l’abri du vent qui décoiffe, pendant que les rêveurs laissent vagabonder leur esprit au rythme des vagues. Les canons, vestiges du passé militaire de la cité, semblent encore veiller sur elle. Et sous les remparts se trouve un jardin calme où d’anciens entrepôts ont été rénovés avec goût, devenus boutiques et galeries.
Aux alentours de la Kasbah d'Essaouira. (R.Bousfiha/Le360)
Le port: cœur battant de la ville
Au bout de la médina, le port d’Essaouira bruisse d’une activité franche et authentique. Dès la fin de matinée, les chalutiers bleus rentrent de leur sortie nocturne, suivis de près par des armées de mouettes affamées. Ici, les goélands sont les chefs des lieux, les cris des poissonniers résonnent et l’odeur iodée s’incruste dans les narines.
Passée la grande porte de la Marine, on découvre le chantier naval où l’on fabrique encore, à la main, des bateaux de bois. Un peu plus loin, la Sqala du port offre une vue panoramique sur les îles Purpuraires et la plage immense. À quelques pas, sur les étals du marché aux poissons, on choisit sa dorade ou son calamar avant de les faire griller sur place accompagnés d’huitres fraiches. Une expérience aussi brute que savoureuse.
La plage, un terrain de jeu pour tous
Essaouira, c’est aussi une plage immense où l’Atlantique se montre tantôt calme, tantôt sauvage. Spot prisé des amateurs de kitesurf et de planche à voile, elle devient, en fin de journée, un immense terrain de jeu. Joggeurs, cavaliers, enfants en cerf-volant ou couples en promenade romantique s’y croisent. Les plus téméraires s’essaient au surf, tandis que d’autres préfèrent la douceur d’une balade à dos de cheval ou de chameau, les cheveux au vent.
Essaouira, terre de culture et de mémoire
Essaouira vibre au rythme des pinceaux et des cordes. À la galerie d’art La Kasbah, installée dans un ancien riad, la calligraphie côtoie la sculpture et la peinture. Près de la porte Bab Doukkala, musiciens et plasticiens s’installent à l’ombre, donnant vie à ce qu’on appelle la place des artistes.
Le musée Sidi Mohammed Ben Abdallah, quant à lui, expose le riche patrimoine de la région: bijoux berbères, instruments de musique ou encore objets en bois de thuya. Bayt Dakira, installé dans une synagogue rénovée, célèbre la coexistence des cultures amazighe, juive, musulmane, africaine et européenne, dans un récit vibrant de tolérance. Portraits de conseillers royaux ou de négociants de la grande époque du port d’Essaouira, objets du culte, trésors d’orfèvrerie, caftans brodés, tout ce qui est exposé est une célébration de la diversité du royaume.
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Au cœur de l’artisanat local, le centre de bijouterie «Maâlem Ali» propose de magnifiques bijoux en argent, entièrement façonnés à la main et parfois rehaussés par l’éclat de pierres précieuses. Ce lieu est aussi un atelier où l’on peut observer les artisans à l’œuvre, témoignant d’un savoir-faire local précieux. L’atmosphère y est paisible, sans aucune obligation d’achat, mais la beauté des créations rend la tentation bien difficile à éviter.
Et que serait un passage à Essaouira sans un détour par la pâtisserie Driss? Depuis 1928, cette institution familiale régale les visiteurs de ses créations en trompe-l’œil, gourmandes et patrimoniales.
Diabat, Sidi Kaouki, Cap Sim: les échappées belles
Hors les murs, l’arrière-pays d’Essaouira déroule une palette de paysages singuliers. À seulement quatre kilomètres, Diabat, village paisible et venté, conserve les traces du passage de Jimi Hendrix en 1969. Même si son séjour fut bref, l’empreinte fut assez forte pour qu’un café et un hôtel portant son nom ouvrent leurs portes et existent encore aujourd’hui. Dans les dunes, les ruines du palais Dar Sultan témoignent d’un passé ensablé mais fascinant, dont l’accès est libre. L’attraction principale à Diabat? Le quad.
À une vingtaine de minutes, la ville endormie de Sidi Kaouki attire surfeurs et rêveurs. Plus sauvage, plus intime qu’Essaouira, ce petit village offre un décor propice à la déconnexion. À marée basse, les enfants explorent les piscines rocheuses, tandis que les adultes savourent le silence et les couchers de soleil depuis une modeste auberge.
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Quant à Cap Sim, il marque la transition vers des terres plus sauvages encore. Forêts d’arganiers, figuiers et eucalyptus jalonnent les sentiers de randonnée. Le Jbel el Hadid, perché à 650 mètres d’altitude, offre une vue à couper le souffle sur la côte, pour qui prend le temps de l’escalader. C’est aussi là que l’on découvre les coopératives féminines de production d’huile d’argan, où le savoir-faire ancestral perdure entre deux pierres, dans un rythme immuable.
Essaouira, l’âme à la fête
Au-delà de son charme tranquille, Essaouira sait aussi faire vibrer ses murs au rythme des festivals. Si le Printemps musical des alizés, tout juste terminé, invite à la contemplation, le festival Gnaoua, en juin prochain, embrase la ville tout entière. Percussions hypnotiques, transe mystique et dialogues entre cultures font de cette célébration une fenêtre ouverte sur l’âme d’Essaouira. Une occasion parfaite de la visiter.
Essaouira ne se visite pas, elle se ressent. À chaque coin de rue, chaque bouffée d’air marin, chaque note de musique, elle rappelle qu’un lieu peut être à la fois mélancolique et vibrant, figé dans le passé et tourné vers demain. Elle est cette ville qui vous retient sans aucun effort.










