Vidéo. Addiction au jeu: mineurs en détresse, génération en danger!

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Ils sont mineurs, ils jouent petit, mais sont accros… Les cagnottes mirobolantes des Loto, Keno, et autre Chrono font aussi tourner la tête aux adolescents, peu protégés dans les points de vente. Le360 a mené l’enquête sur un phénomène qui risque de devenir une problématique de santé publique.

Le 16/09/2021 à 08h37

Les jeux d’argent ne sont pas un jeu pour enfants! Pourtant, des adolescents marocains ont parfois libre accès aux points de vente de certains opérateurs de ces jeux dans le Royaume et peuvent y placer librement leurs mises.

Le360 a baladé sa caméra à Casablanca, et a suivi trois adolescents, âgés entre 16 et 17 ans, à proximité d’un des distributeurs agréés de la Loterie nationale. Ils y accèdent comme s’ils allaient chez le boulanger, et ce, en vue remplir leurs grilles du loto. «Personne ne nous demande notre âge! Personne n’est là pour nous donner des conseil! Le vendeur nous a même offert un stylo neuf», nous explique l’un d’entre eux à la sortie de l’échoppe, sa grille à la main.

Pendant qu’avec leur stylo, ils cochent des cases, leur esprit s’envole vers des rêves inatteignables, aussi momentanés que fuyants, ceux de gagner une fortune. C’est que le montant stratosphérique de la cagnotte en jeu suscite une excitation telle que les zéros s’entremêlent dans la tête de ces adolescents, qui feraient mieux de reprendre leurs cours de mathématiques. «Il y a 3 milliards à gagner, c’est énorme!», lance l’un d’entre eux. «Il n’y a que six zéros, bouffon! Ce ne sont que 3 millions», le reprend son associé de la grille du jour.

Ni l’un, ni l’autre ne savent qu’il y a une probabilité sur 14 millions de tomber sur la combinaison gagnante du loto. Et si les règles du Jocker n’ont aucun secret pour eux, ils sont loin de connaître les subtilités du taux de redistribution de la Société de gestion de loterie nationale (SGLN), qui ne dépasse guère les 62%.

Nul besoin, non plus, d’être psychiatre pour diagnostiquer chez ces adolescents les symptômes des joueurs compulsifs. «L’addiction est devenue telle que je peux faire n’importe quoi pour les 5 à 10 dirhams de mise», confie l’un d’entre eux. «Il m’est déjà arrivé de voler des objets de la maison pour jouer», surenchérit son acolyte.

Responsabilité socialeCette facilité d’accès aux points de vente est loin de répondre à la charte d’un jeu responsable, pourtant défendue par la Société de gestion de la loterie nationale. «Notre politique ‘Jeu Responsable’ publiée sur notre site parle explicitement de la protection des mineurs», insiste cependant Mohamed Sulaimani, directeur général de cette entreprise publique. «La référence à l’interdiction des jeux aux mineurs est présente dans l’intégralité des communications de la Loterie Nationale, apposant systématiquement la mention 18+, qu’il s’agisse des coupons de jeux, de la publicité sur les lieux de vente ou encore des plateformes digitales», poursuit-il.

Quant aux détaillants, la SGLN prétend effectuer auprès d’eux tous les contrôles nécessaires. «Tout signalement porté à la connaissance de la Société de Gestion de la Loterie Nationale donne lieu à une investigation dont l’issue, si les faits sont avérés, conduit à la désinstallation et résiliation du contrat», explique Sulaimani, qui rappelle que la Loterie Nationale est en conformité avec toutes les lois en vigueur, notamment l’ensemble des dispositions édictées par la convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE), dûment ratifiée par le Maroc depuis le 21 juin 1993.

Vide juridiqueLa protection des mineurs de l’addiction au jeu laisse donc clairement à désirer. Contrairement à la France, par exemple, où la relation des mineurs et des jeux d’argent est particulièrement encadrée par le code de la sécurité intérieure, au Maroc, cette législation reste dépassée. Le Royaume ne dispose pas non plus d’une autorité nationale des jeux, à l’instar d’autres pays.

Pourtant, la protection des mineurs doit être érigée en priorité dans la réglementation de ce marché des jeux, qui brasse dans les 10 milliards de dirhams de chiffre d’affaires. Car si la dépendance aux jeux d’argent de hasard reste un phénomène méconnu, peu étudié, il risque de devenir à terme l’une des préoccupations de santé publique.

Certains parmi les opérateurs sont plus sensibilisés que d’autres. La MDJS vient par exemple de lancer un spot publicitaire qui évoque clairement le phénomène de l’addiction au jeu des mineurs et qui rappelle cette interdiction. La loterie nationale devrait en prendre de la graine.

Par Fahd Iraqi et Adil Gadrouz
Le 16/09/2021 à 08h37