Révision du Code de la famille: l’âge de mariage des jeunes filles fixé à 18 ans, la polygamie limitée à l’infertilité de la première épouse

Une famille marocaine. (Photographie d'illustration)

Fixé à 16 ans, l’âge légal du mariage pour les jeunes filles a été relevé à 18 ans, indique l’instance chargée de la révision du Code de la famille. Sans être totalement abrogée, la polygamie n’est désormais autorisée qu’en cas d’incapacité avérée de la première épouse à avoir des enfants.

Le 24/12/2024 à 11h44

On en sait désormais davantage sur les dispositions de la révision à venir du Code de la famille. Lors d’une conférence de presse donnée ce mardi 24 décembre à Rabat, dans une salle contiguë à l’Académie du Royaume et devant un parterre de plus de 500 personnes, l’Instance chargée de cette réforme en a présenté les points saillants et les détails. On notera que, désormais, le mariage des jeunes filles de moins de 18 ans sera formellement interdit. Jusqu’à présent, cette limite était fixée à 16 ans pour les autorisations de mariage exceptionnelles sur lesquelles se prononçaient les juges.

Dans le projet de réforme, il est ainsi stipulé que l’éligibilité au mariage d’un garçon et d’une fille est déterminée à 18 ans solaires révolus. Ceci, avec une exception à la règle susmentionnée, dans laquelle l’âge du mineur est fixé à 17 ans, «encadré par plusieurs conditions qui garantissent qu’il reste, lorsqu’il est appliqué, dans le cercle de l’exception».

La polygamie réduite à l’infertilité

La loi sur la polygamie ne sera pas abrogée. Néanmoins, en plus de l’accord explicite de la première épouse, son application sera dorénavant conditionnée par l’incapacité prouvée de celle-ci à avoir des enfants.

Dans la réforme, il est ainsi clairement indiqué que la «justification objective exceptionnelle» de la polygamie «se limitera à l’infertilité de la première épouse, ou à une maladie empêchant les rapports conjugaux, ou à d’autres cas, que le juge appréciera selon des normes juridiques spécifiques, qui sont de l’ordre du même degré d’objectivité et d’exception».

Il est par ailleurs obligatoire de demander l’avis de l’épouse lors de la rédaction du contrat de mariage pour savoir si elle stipule que l’époux ne doit pas prendre une autre femme. La clause doit être consignée dans le contrat de mariage. Le mari perd de facto tout droit à la polygamie.

Parmi les autres principaux changements attendus figurent le maintien de la garde de la mère divorcée sur ses enfants, même en cas de remariage. La mère chargée de la garde bénéficiera également de la tutelle légale des enfants.

Point important: le foyer conjugal est exclu de l’héritage. Le mari ou la femme ont de facto le droit de conserver le domicile conjugal, en cas de décès de l’autre époux. Le domicile où auront vécu les époux ne pourra donc jamais être occupé ou partagé par une personne autre que l’un des deux époux encore en vie.

De nouvelles ouvertures

À préciser que dans un exposé devant le roi Mohammed VI, lors d’une séance de travail présidée par le Souverain, lundi 23 décembre au Palais royal à Casablanca, Ahmed Toufiq, ministre des Habous et des Affaires islamiques, a énuméré les principales propositions de l’Instance chargée de la révision du Code de la famille relatives à la Charia, et qui ont reçu un avis conforme de la part du Conseil supérieur des Oulémas. Il en ressort que trois questions sont relatives à des textes formels n’autorisant pas l’Ijtihad (recours à l’expertise génétique pour établir la filiation paternelle, abrogation de la règle du Taâsib, successibilité entre un musulman et un non musulman), la réforme prévoit certaines ouvertures. Une personne peut céder de son vivant un bien ou de l’argent à ses héritières. Comme elle a la possibilité de laisser un testament et une donation à son conjoint en cas de différence de religion. «Étant donné qu’il s’agit d’une question liée à une révision en profondeur du Code de la famille, une formulation plus adaptée sera adoptée», indique l’instance.

Des mesures d’accompagnement

Pour accompagner cette réforme, les départements concernés, notamment la Justice, entendent se doter des ressources humaines qualifiées nécessaires, y compris des juges et des cadres, tout en assurant une formation spécialisée continue. Un guide pratique du Code de la famille à venir sera élaboré. Un «guichet unique» sera également créé au niveau des tribunaux de la famille. Des cycles de formation des postulants au mariage seront aussi menés en les sensibilisant aux droits et devoirs résultant du mariage. Un registre national des contrats de mariage et de divorce est à l’étude.

Par Mohamed Chakir Alaoui et Tarik Qattab
Le 24/12/2024 à 11h44