Dans un nouveau rebondissement judiciaire, la Chambre criminelle près la Cour d’appel de Rabat a décidé, tard dans la nuit de jeudi dernier, de commuer la peine de prison à perpétuité prononcée contre le principal accusé dans l’affaire du meurtre d’une jeune femme étrangère, en une peine de 20 ans de réclusion criminelle. Cette décision, indique le quotidien Al Akhbar dans son édition du lundi 7 juillet, marque l’épilogue d’un long feuilleton judiciaire entamé en 2020, et relancé par la Cour de cassation qui avait ordonné un nouveau procès.
Le dossier, à la croisée des débats judiciaires, médiatiques et de défense des droits humains, avait défrayé la chronique. L’accusé, un jeune homme originaire de Salé et issu d’un milieu social aisé, n’a eu de cesse de clamer son innocence, relayant depuis sa cellule des messages dénonçant un «dossier bâclé» et appelant à sa réhabilitation.
Initialement condamné en janvier 2023 à la prison à perpétuité par la Chambre criminelle de première instance de Rabat, l’accusé avait été jugé coupable du meurtre d’une citoyenne étrangère dans un appartement à Salé, suivi du démembrement de son corps. Deux autres complices avaient été condamnés à six ans de prison chacun pour avoir aidé à faire disparaître des parties du corps de la victime, selon les chefs d’inculpation retenus à l’époque.
Selon les éléments de l’enquête policière, le principal mis en cause aurait emmené la victime depuis un bar de Rabat jusqu’à un logement isolé à Salé, où il l’aurait séquestrée pendant une semaine avant de la tuer, puis de la démembrer. Le torse aurait été abandonné près du quartier dit «al-Qawas», tandis que les jambes et autres parties du corps auraient été dispersées dans une autre zone de Salé, avec l’aide de deux acolytes.
En mars 2020, les forces de l’ordre avaient organisé une reconstitution complète de la scène du crime. Le scénario, rejoué par les trois suspects, tous connus pour des antécédents judiciaires dans des affaires de violence, montrait en détail le modus operandi du meurtre, le démembrement du cadavre et les tentatives de dissimulation.
Les services de la police judiciaire de Salé avaient rapidement identifié et interpellé deux des suspects, âgés de 24 et 32 ans, pour leur participation présumée au transport et à l’abandon du corps. L’arrestation du principal suspect était intervenue le lendemain matin, dans un bâtiment abandonné proche du lieu de découverte de la victime.
Cette version a été vigoureusement contestée par les avocats de la défense. Ces derniers ont pointé du doigt de «graves irrégularités» dans l’enquête préliminaire, affirmant que celle-ci avait été menée dans la précipitation et sans les garanties nécessaires. Certaines expertises techniques et scientifiques réalisées ultérieurement auraient mis en lumière des défaillances majeures dans la procédure, au point que des membres de la police judiciaire impliqués dans le dossier auraient eux-mêmes fait l’objet de sanctions disciplinaires.
À la lumière de ces éléments, et après de nombreuses audiences marathoniennes, la Cour d’appel de Rabat a donc requalifié les faits et décidé d’alléger la peine infligée au principal accusé. Les deux autres complices ont, quant à eux, vu leur peine ramenée à trois ans de prison ferme chacun pour «non-dénonciation d’un crime».
Les proches de la victime dénoncent un verdict jugé trop clément; les soutiens de l’accusé y voient une victoire partielle.