Ils pouvaient être victimes d’abus sexuels de la part de voisins, cousins et d’inceste (grand-père, père, oncle...). Mais ils n’en parlaient pas. Informés, les parents agissaient en secret pour éviter le déshonneur et l’éclatement de la famille.
La fille était enfermée jusqu’au mariage. Le garçon pouvait étudier au msid, auprès du fqih qui le terrorisait. Sinon, il était met-âalam (apprenti) chez un artisan. Abusé sexuellement, il se taisait. L’adage marocain dit bien «li bgha yt-âalam, khassou ydouze mine tahte kèrche lam-âalame» (qui veut apprendre, doit passer sous le ventre de l’artisan).
La pédophilie a toujours existé. Aujourd’hui, le tabou est brisé par des militantes et des militants. Les réseaux sociaux en informent le public.
El Jadida. Une plage. Deux jeunes filles remarquent un homme (57 ans) qui se baigne avec un garçon (9 ans) en lui faisant des attouchements. Elles le filment allongé sur le sable, abusant de l’enfant. La vidéo fait le tour des réseaux sociaux.
Première leçon? L’engagement de ces jeunes filles est à saluer.
Deuxième leçon? On a beau critiquer l’utilisation des téléphones portables par les jeunes, certains et certaines en font bon usage!
Troisième leçon? Chaque personne doit dénoncer des actes abjects. Comportement citoyen.
Quatrième leçon? Nous ne pouvons qu’être fiers de la diligence et l’efficacité des autorités pour arrêter le suspect.
Cinquième leçon? Il n’est pas permis que le président d’une association sportive de quartier rassemble des jeunes de 9 à 15 ans et les emmène en colonies de vacances sans autorisation administrative ni assurance. Une vingtaine de jeunes transportés dans une camionnette. Il soutire aux parents 400 à 800 DH par enfant et publie même une annonce sur les réseaux sociaux. Il loue un appartement à El Jadida: deux chambres, l’une pour les adolescents, l’autre pour lui avec les enfants. Étonnant que les autorités n’aient pas été informées par les voisins ou le Moqaddem!
Sixième leçon? Les parents devraient être plus vigilants vis-à-vis des personnes à qui ils confient leurs enfants pour quelques heures ou quelques jours.
Septième leçon? Difficile de responsabiliser des parents, pauvres, ayant des enfants et des adolescents, surtout garçons, oisifs lors des vacances, déscolarisés ou chômeurs… Les filles s’occupent dans les travaux ménagers et entre copines. Les garçons occupent la rue, surtout quand l’espace dans les foyers est exigu: les membres de la famille se marchent dessus, sans aucune intimité. Les mères chassent les garçons dans la rue pour faire le ménage et trouver un peu de paix. Quand les mères travaillent hors du foyer, les garçons sont livrés à eux-mêmes dans des quartiers à haut risque de délinquance. Beaucoup consomment des drogues. Que faire alors de ses enfants quand on est pauvre?
Huitième leçon? Aucun jeune ne mérite de passer ses vacances dans l’ennui, la misère, la frustration. L’État doit offrir aux jeunes nécessiteux des centres culturels, sportifs, de loisirs, des colonies de vacances pour les divertir, les discipliner, leur transmettre des valeurs citoyennes, les sensibiliser à l’écologie…
Des centres ont bien fonctionné pendant longtemps. Beaucoup ont été fermés, sans susciter de scandale, sans que les responsables ne soient poursuivis pour mauvaise gestion, négligence, mise en danger des jeunes, dégradation de biens de l’État et que sais-je encore!
Neuvième leçon? L’école doit sensibiliser les enfants sur la pédophilie. Nous autres Marocains, nous sommes tactiles: nous exprimons nos émotions par le toucher. Les enfants sont embrassés, caressés, mis sur les genoux. Des étrangers, dans la rue, peuvent embrasser un enfant. Beaucoup d’adultes embrassent les enfants sur la bouche.
Comment distinguer les signes d’affection des intentions pédophiles et apprendre aux enfants à détecter la menace? Les parents peuvent sensibiliser. Mais quelle est la bonne dose? Ils peuvent exagérer les avertissements et rendre les enfants méfiants, angoissés.
À quel âge un enfant peut-il comprendre le danger? Les parents ignorent les réponses. On peut ne pas embrasser le bébé sur la bouche, lui apprendre à refuser ces baisers, arrêter de l’obliger à embrasser tous les adultes qu’il croise: bousse khaltèke, bousse âammak!
Les parents doivent expliquer à l’enfant que son corps lui appartient et que personne n’a le droit de le toucher, surtout dans ses parties génitales.
Et surtout, répéter à l’enfant qu’il peut et doit tout dire à ses parents. Qu’il n’y a aucune bêtise qu’il doit leur cacher. Quand il est inquiet, angoissé, gêné par une personne, c’est d’abord vers ses parents qu’il doit s’orienter. Les parents doivent rester vigilants face aux personnes que leurs enfants fréquentent, y compris les proches.
À l’école, l’éducation sexuelle doit commencer à 5 ans. Quand vous en parlez, on vous accuse de vouloir débaucher les jeunes! Il faudrait expliquer aux parents le lien entre éducation sexuelle et protection des enfants.
L’école doit s’impliquer par des programmes adaptés. Les enseignants en sont incapables, à moins d’être formés et d’avoir des outils pédagogiques: des vidéos, des bandes dessinées, pour sensibiliser et non terroriser les enfants. Les adolescents doivent être encadrés afin d’apprendre à maîtriser leurs pulsions sexuelles.
Dernière leçon?
La réforme urgente du Code pénal: définir la pédophilie. Ne plus réduire le viol à l’atteinte à la pudeur (art. 484 et 488). Les verdicts doivent être en conformité avec la loi et exclure toute circonstance atténuante… Les criminels ne doivent jamais figurer sur les listes des prisonniers graciés par le Souverain. Ils doivent figurer sur une liste noire pour être exclus de toute activité qui les rapproche des enfants.