Trouble sexuel féminin, le vaginisme, ça se soigne!

Soumaya Naâmane Guessous.

Soumaya Naamane Guessous.

ChroniqueCombien sont-elles, ces femmes, à travers le monde, pour qui la sexualité est une torture? Elles sont nombreuses, mais souffrent en silence!

Le 02/06/2023 à 11h01

Hind, 29 ans: «Ma nuit de noces a été un cauchemar. Une douleur intense, impossible de me faire déflorer. Mon mari a douté de ma virginité, ma mère me reprochait de faire des caprices. Mon intimité est devenue une affaire publique. Au bout de 7 jours de souffrances, on m’a emmenée chez un gynécologue. Je hurlais quand il me touchait. Il m’a anesthésiée pour déchirer mon hymen. Un traumatisme! Je suis mariée depuis 6 ans et mon mari n’a jamais pu me pénétrer!»

Voici un cas de vaginisme, méconnu des victimes, de leur famille et des époux.

Le vaginisme, un trouble sexuel féminin: les muscles du vagin se contractent et se resserrent involontairement à chaque tentative de pénétration, rendant la pénétration difficile ou impossible. S’il y a pénétration, il y a de grandes douleurs.

C’est un trouble purement psychologique!

Le vaginisme est primaire, c’est-à-dire depuis le début de l’activité sexuelle, ou secondaire, arrivé à un moment de la vie. Il peut être partiel: il se déclenche selon les situations. Mais dans la grande majorité des cas, c’est un vaginisme primaire.

Plus rarement, il peut être provoqué par une malformation du vagin, une infection vaginale ou la ménopause.

A chaque tentative de pénétration, la femme ressent une grande douleur et sa peur augmente: plus elle a peur d’avoir mal, plus ses muscles se resserrent.

Le refus de la femme de copuler entraîne des conflits dans le couple, allant jusqu’au divorce. Ce trouble, inconnu, déclenche la colère des maris. Hind: «Il m’insulte, me traite de femme inutile, anormale, qui ne sert qu’à manger du pain.»

Les femmes vivent très mal cette situation, elles complexent, perdent leur épanouissement et sont méprisées par leur entourage qui ne comprend pas. Souvent, elles n’en parlent que lorsque les maris menacent de divorcer. Elles n’enfantent pas car il n’y a pas de pénétration.

A la campagne, il y a des femmes qui se chargent de les «élargir»: la pratiquante introduit son pouce enduit d’huile d’olive dans le vagin et fait des rotations. La douleur est intense, mais la femme se laisse faire pour conserver son mari. Souvent, l’opération est inutile!

En ville, elles souffrent en silence et subissent la colère des maris et les remarques culpabilisantes de leurs proches. Elles ne vont pas toujours chez le médecin, soit par manque de moyens, soit par honte.

Le vaginisme est associé à une pratique qui fut courante au Maghreb et qui tend à disparaître aujourd’hui: au Maroc, on l’appelle tqaf (blocage), en Algérie rbat (action d’attacher) et en Tunisie teskar ou teskah (ferrure, action de mettre des fers sur les sabots des chevaux pour les protéger).

Pour protéger la virginité jusqu’à la nuit de noces, on fait passer les filles par des pratiques censées blinder leur hymen. Par exemple, une femme de l’entourage leur fait enjamber 7 fois de suite le manejèje (métier à tisser), dans le sens des aiguilles d’une montre, en répétant: «Notre fille est un mur et le fils des gens est un fil.» Tout homme qui l’approchera sera impuissant. La veille de son mariage, on répète le même rituel, mais dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, en disant: «Notre fille est un fil et le fils des gens est un mur.»

Quand la mariée n’arrive pas à se faire pénétrer, les femmes de son entourage suspectent le tqaf et la font passer par un rituel. Sinon, on pense qu’elle est safha: un hymen épais. A la campagne, il n’est pas rare que la mariée se fasse déflorer par une femme spécialisée à l’aide d’un instrument. En ville, c’est le gynécologue qui s’en charge.

Dans une étude que j’avais réalisée sur le lien entre le vaginisme et le tqaf, il est apparu qu’une partie des femmes questionnées qui souffraient de vaginisme avaient été mtaqfates. La même étude a été réalisée en Tunisie et a eu les mêmes conclusions. Non pas que je crois en la magie du tqaf, mais plutôt à son impact psychologique sur les femmes.

Beaucoup de filles mtaqfates croient en l’efficacité du tqaf et se donnent à des hommes en pensant qu’elles ne seront pas déflorées et ne pourront pas tomber enceintes. Nous en trouvons parmi les mères célibataires.

La raison principale du vaginisme est l’éducation stricte par rapport à la virginité qui entraîne des blocages psychologiques. Depuis leur plus jeune âge, les fillettes sont harcelées pour fermer leurs cuisses, protéger leur virginité, ne pas se toucher. Au point que nombres d’entre elles n’arrivent même pas à faire leur toilette intime de peur de se déflorer elles-mêmes. L’éducation se fait par la violence, l’intimidation, la peur, les menaces. Adultes, elles ont honte de posséder des organes génitaux, en font un déni et, inconsciemment, bloquent l’entrée du vagin pour le protéger.

Le vaginisme a comme origine une phobie, une peur panique de la défloration!

Moins souvent, il peut apparaître suite à des traumatismes chez des femmes ayant été abusées sexuellement ou mariées précocement et violentées lors de la nuit de noces.

Même l’examen gynécologique est difficile, voire impossible.

Si le vaginisme a des effets dévastateurs sur les femmes et sur leurs couples, la médecine le guérit totalement.

Il peut y avoir une prise en charge psychologique pour en déterminer la cause et faire accepter à ces femmes leur sexe qu’elles apprennent à découvrir et maîtriser leur peur.

Il y a aussi une prise en charge par des médecins, souvent des sexologues: des exercices pour apprendre à détendre les muscles du vagin, avec l’utilisation d’outils adaptés. Petit à petit, les femmes apprennent à se relâcher, à mieux contrôler leur corps et leur phobie.

De nombreuses femmes souffrent de vaginisme et du regard de la société sur elles, surtout si les maris divorcent. Pourtant, ce symptôme sexuel guérit si les femmes se font soigner par des médecins.

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 02/06/2023 à 11h01