Ces couples qui veulent avoir un enfant unique

Soumaya Naâmane Guessous.

ChroniqueLa première raison? Le coût de la scolarité des enfants!

Le 24/02/2023 à 11h03

Fini le temps où l’on disait que la meilleure des femmes a un enfant sur son dos, un autre accroché à son sein, un autre à sa main et un autre dans son ventre!

De plus en plus de couples décident de n’avoir qu’un enfant, garçon ou fille, peu importe. Essayons de comprendre leurs motivations.

Dans les années 60, une femme avait en moyenne 7 enfants. Aujourd’hui, c’est 2,2!

La destinée d’une femme était de se marier à la puberté et d’enfanter jusqu’à la ménopause. Plus l’époux avait de garçons, plus il était admiré pour sa virilité. La femme sans garçons était considérée comme stérile et menacée de répudiation ou de polygamie.

Les femmes enfantaient aussi pour «alourdir les ailes du mari»: lui faire dépenser son argent afin qu’il ne se remarie pas.

Epuisées par les grossesses, les femmes utilisaient des produits pour retarder une grossesse ou se faire avorter, au détriment de leur santé. La sexualité du couple était une menace pour elles. La pilule contraceptive les a libérées.

Les rurales ont continué à enfanter pour avoir de la main-d’œuvre car tous les travaux s’effectuaient à la main. La mécanisation a allégé leurs corvées.

Les parents, ruraux et citadins, ont pris conscience de l’importance de la scolarisation des enfants et d’en avoir peu pour financer leur éducation.

Les besoins étaient primaires: avoir un toit, manger et acquérir des vêtements une ou deux fois par an. Aujourd’hui, la consommation massive est devenue liée au bonheur.

Les outils de la technologie moderne deviennent indispensables et exigent de grandes dépenses. Les habitudes alimentaires ont changé et deviennent coûteuses.

Les femmes qui attendaient que leurs maris ramènent les paniers de nourriture ont quitté les foyers pour le travail et pour de nouvelles responsabilités. La carrière devient une priorité qui ne peut être sacrifiée par de nombreux enfants. Les démunies refusent de s’alourdir pour pouvoir travailler.

Refusant d’habiter avec la belle-famille, les couples se retrouvent sans aide dans le foyer et pour la garde des enfants.

Les femmes, toutes catégories, considèrent qu’enfanter détruit la santé, la beauté, la jeunesse et mène au vieillissement prématuré.

Le travail occupe toute la journée des parents, occasionnant le stress, et laisse peu de temps pour s’occuper des enfants.

Les parents recherchent leur bien-être dans de multiples activités de loisirs: sorties, café, restaurant, voyage… Les anciennes générations se regroupaient dans les foyers, dans la simplicité, autour d’un plateau de thé. Les hommes se rencontraient également dans les mosquées, les souks ou des cafés aux locaux simples et aux prix des consommations raisonnables.

Le confort c’est aussi avoir un moyen de transport personnel, deux parfois dans un couple, moto ou voiture, acquis souvent par endettement.

Avant, on disait que c’était haram (péché) d’utiliser une méthode contraceptive. Les familles ne faisaient pas de lien entre un enfant à naître et l’argent pour l’élever, car quand un enfant né, il vient avec razquou. Dieu le pourvoit de moyens de subsistance. Les gens mettaient tout entre les mains de Dieu et du maktoube (écrit par Dieu). Aujourd’hui, les couples prennent leur destin en main, programment, planifient dans le court, moyen et long terme.

L’âge du mariage a reculé: 25,5 ans pour les femmes et 31,9 ans pour les hommes. Les couples veulent profiter de la vie, sans perdre des années à élever plusieurs enfants.

Maris et femmes veulent passer du temps ensemble, avec des activités en commun, alors que chez les anciennes générations, les épouses étaient orientées foyer et les époux à l’extérieur.

Mais l’élément le plus important dans la décision de faire un enfant unique est la scolarité. L’angoisse! Le plus grand rêve des parents est d’offrir à leurs enfants la meilleure éducation. Mais l’enseignement public gratuit ne donne pas d’espoir. Seul le privé le peut. Un enfant à la crèche c’est entre 300 et 4.000 DH par mois. Au primaire et au secondaire, c’est entre 500 et plus de 6.000 par mois. Combien de parents peuvent assurer ces dépenses?

La scolarité inquiète des jeunes qui n’ont même pas encore l’idée du mariage. Adyl, 34 ans: «Je penserai au mariage quand j’aurai assez de moyens pour payer la scolarité de mon enfant!»

Une bonne éducation c’est aussi un confort pour l’enfant: avoir sa propre chambre, son ordinateur, son smartphone, ses habits à la mode, des loisirs pour son épanouissement.

Hier encore, les frères et sœurs partageaient le même espace; les habits, les chaussures et les livres étaient passés du plus grand au plus petit.

La scolarité, le chômage et le recul de l’âge du mariage font que les parents entretiennent plus longtemps leurs enfants adultes.

Beaucoup de parents continuent à aider financièrement leurs enfants mariés et leurs petits-enfants.

Les rôles se sont inversés: les parents faisaient des enfants-reconnaissance, qui les prenaient en charge une fois adultes. Les enfants deviennent des aspirateurs.

L’endettement et le surendettement deviennent courants et empêchent de prévoir le second enfant, qui sera un autre gouffre financier.

Beaucoup de parents angoissent et refusent d’enfanter plus d’un enfant dans ce monde qu’ils trouvent incertain, sur une planète malade.

Toutes ces raisons font que des parents se limitent à un seul enfant.

Le taux de natalité va donc continuer à chuter. A moins que l’enseignement public s’améliore et que les couples soient rassurés par des infrastructures et des services adaptés aux nouveaux profils des familles et de leurs enfants.

Sinon, nous tomberons très prochainement dans les problèmes liés au vieillissement rapide de la population.

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 24/02/2023 à 11h03