Chasubles et t-shirts noirs, chants revendicatifs, affiches, masques de déguisement noirs et un cercueil blanc… Plus d’un millier d’étudiants en médecine ont tenu à marquer le coup lors d’un sit-in organisé le jeudi 1er février dans le grand hall de la Faculté de médecine et de pharmacie de Casablanca. Une nouvelle étape dans leur grève nationale entamée depuis plus de 40 jours et marquée par le boycott des amphithéâtres, des examens semestriels et des stages.
Leur principale revendication: le retour de la durée de la formation à 7 ans, contre 6 actuellement, une décision actée en 2022 par le ministère de l’Enseignement supérieur pour combler le gap de praticiens au Maroc. Cette doléance découle, selon les manifestants, de l’absence de mesures d’accompagnement nécessaires au déploiement de cette réforme et du manque de visibilité sur la sixième année de formation.
Boycott des examens semestriels
«Nous avons décidé d’organiser ce sit-in sous le thème “jeudi noir” pour alerter sur les funérailles de la formation médicale et pharmaceutique au Maroc. C’est une manifestation pour exprimer notre colère par rapport à la non-satisfaction de nos revendications légitimes par les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Santé», a expliqué Narjisse El Hilali, étudiante en 5ème de médecine et représentante du Conseil des étudiants en médecine de Casablanca à la Commission nationale des étudiants en médecine, médecine dentaire et pharmacie, dans une déclaration pour Le360.
«C’est aussi une manière de protester contre des mesures prises par certains présidents et doyens d’universités qui ont programmé des rencontres avec les parents pour leur demander de convaincre les étudiants à suspendre la grève et de ne pas boycotter les examens semestriels prévus ce mois de février», a-t-elle ajouté.
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Les étudiants en médecine protestent contre la réduction de la durée de la formation parce qu’aucun pays au monde n’autorise l’exercice direct de la médecine après six années de formation. D’après Narjisse El Hilali, dans les pays ayant opté pour la formation de six ans, «les étudiants n’obtiennent qu’un diplôme en médecine qui ne leur permet pas de pratiquer», et il existe dans ces pays un an de formation pratique en santé publique qui équivaut à la septième année au Maroc, laquelle est consacrée à la formation pratique des étudiants dans les centres hospitaliers provinciaux (CHP) ou les centres hospitaliers universitaires (CHU). Durant cette période, ils prescrivent aussi des médicaments aux patients et effectuent des diagnostics.
Dégradation du niveau d’encadrement des étudiants lors des stages
Auteur de cette réforme, le ministre de l’Enseignement supérieur Abdelatif Miraoui, n’avait pas réagi à ce mouvement d’humeur depuis son déclenchement. Mais le 29 janvier dernier, il est sorti de son mutisme lors d’une séance de questions orales à la Chambre des représentants. Selon lui, la réduction de la formation n’aura pas d’impact sur la qualité de la formation et la compétence des futurs médecins. Et d’ajouter que ce cursus de six ans ne s’applique pas uniquement au Maroc puisqu’il est aussi adopté en Espagne, en Allemagne et en Italie. Le ministre a également cité l’exemple des États-Unis, où la formation se fait en quatre années.
Ces arguments ne convainquent pas Narjisse El Hilali: «En Espagne, la formation de base dure six ans et ne permet pas de pratiquer. Et l’étudiant doit effectuer quatre années d’études supplémentaires pour se spécialiser en médecine générale. On retrouve aussi un autre modèle aux États-Unis avec quatre ans d’études pré-médicales, quatre ans d’études médicales et un an d’internat pour se spécialiser en médecine de famille ou en médecine générale.»
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Outre la réduction de la durée de la formation, les étudiants en médecine dénoncent aussi l’augmentation significative de leur nombre au cours des deux dernières années. Ce qui a entraîné un surpeuplement des amphithéâtres et la dégradation du niveau d’encadrement des futurs médecins lors des stages dans les CHU. Ils pointent également le retard dans la publication du cahier des charges pédagogique pour le troisième cycle, après la signature d’un accord en 2019 avec le ministère de l’Enseignement supérieur qui prévoyait leur intégration dans la conception et la mise en œuvre de ce projet.
«Nous avons contacté nos deux ministères de tutelle pour leur faire part de notre mécontentement et leur expliquer nos revendications. Malheureusement, jusqu’à présent, ils n’ont pas pris en considération nos doléances. Ils doivent revoir l’approche avec laquelle ils traitent ce dossier. On ne souhaite pas vivre une année blanche. Mais s’ils campent sur leurs positions, cela pourrait malheureusement se produire», alerte Narjisse El Hilali.