Une grossesse de six mois... Mais c'est là, cas rare, celui d'une femme, qui porte un fœtus anencéphale. Et voilà que le débat sur l’Interruption volontaire de grossesse (IVG) ou sur l'avortement paraît reprendre, sur Facebook.
Sur ce réseau social, un gynécologue-obstétricien exerçant à Safi, le Dr Hassan Essouiti, avait fait état, le 30 novembre dernier, du cas d'une de ses patientes enceinte d'un foetus anencéphale.
L’anencéphalie d'un foetus est une malformation congénitale (du latin congenitus, «né avec») qui atteint le système nerveux central, et qui est présente dès la conception. Son origine se situe tout au début de la vie intra-utérine. Elle se traduit par l'absence d'une grande partie du cerveau, et conduit le plus souvent à une mort du foetus in utero (avant l'accouchement).
© Copyright : essouiti / Facebook (capture d'écran)
Le professeur Chafik Chraïbi, président de l’Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin au Maroc (Amlac) a par la suite réagi, toujours sur Facebook, rappelant que ces situations nécessitaient obligatoirement une interruption médicale de la grossesse en cours.
«Pourquoi faire subir à la mère une grossesse inutile, puisque le bébé va mourir dans les minutes qui suivent sa naissance?», s'est interrogé, dans les commentaires qui ont suivi la publication de ce post, le professeur Chafik Chraïbi.
© Copyright : Facebook / chafik.chraibi via Essouiti (Capture d'écran)
Une autre spécialiste, la gynécologue-obstétricienne Ilham Rhazi, s'est elle aussi invitée dans ce débat, quand le professeur Chafik Chraïbi a relayé, sur son propre compte Facebook cette fois-ci, le post de son confrère de Safi, le jeudi 1er décembre dernier.
© Copyright : chafik.chraibi / Facebook
Dans un long commentaire, la Dr Rhazi a expliqué que «l’interruption thérapeutique de toute conception malformative létale non viable permet d’alléger des souffrances de parturientes, à des délais et moments cruciaux de sa vie conceptrice, en limitant les dégâts psychologiques profonds d’attente, de celui de mener à terme la naissance (...) que nous, praticiens, surveillons…».
Le docteur Hassan Essouiti, à l'origine de ce partage d'idées entre spécialistes, a été contacté au téléphone par Le360.
Ce gynécologue-obstétricien dit plaider pour l’Interruption volontaire de grossesse (IVG) en ce qui concerne certains types de malformations congénitales. C’est le cas de sa patiente, enceinte d'un fœtus anencéphale: à l’échographie, ce médecin a découvert que son fœtus avait cette malformation.
«Lorsque la mère a appris [la nouvelle] et pris conscience que la grossesse [allait] se poursuivre jusqu’au neuvième mois, que le bébé [allait au maximum] mourir une heure plus tard, elle n’avait plus que ses yeux pour pleurer, qu’est-ce qu’elle pouvait faire d’autre?», s'est exclamé, au téléphone, le gynécologue-obstétricien de Safi.
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Comme chacun le sait, l'interruption médicalisée d'une grossesse n’est pas autorisée au Maroc. «En théorie, la future mère, dans ce genre de situation, peut demander un avortement réglementaire, une décision de justice, mais c’est une procédure très longue et inutile, puisqu’il n’y a jamais eu au Maroc une autorisation du tribunal pour un avortement médicalisé», a expliqué le docteur Hassan Essouiti.
Un projet de loi sur l’avortement médicalisé, en cas de malformation congénitale, de viol, d’inceste ou de cas particulier, comme le handicap mental, a été soumis à deux reprises aux députés du Parlement. Il a été retiré, sans qu'aucune explication officielle n'ait été donnée. C'était à la période où le Parti de la justice et du développement (PJD, aujourd'hui dans l'opposition) menait l'attelage gouvernemental.
Au cours du mois d'octobre dernier, Aawatif Hayar, ministre de la Famille, de la Solidarité et de l’Insertion sociale avait assuré au Parlement, dont les députés étaient réunis en séance plénière, que la révision de ces dispositions du Code pénal faisaient l’objet «d’un intérêt sérieux du gouvernement». Mais la ministre avait aussi par ailleurs souligné que les propositions des ONG et des partis se devaient de «respecter la charia (la loi islamique, organisant principes et règles émanant de l'islam, qui codifie droits et devoirs, Ndlr) et être acceptées par la société marocaine».
Pour le professeur Chafik Chraïbi, cette évidence: ce sont «le pouvoir religieux et le conservatisme des Marocains» qui, actuellement, «bloquent la dépénalisation de l'avortement».