Lavage auto sans eau: le pari écolo d’une start-up marocaine

Omar Bouziane, fondateur de la start-up Ewash.

Le 17/02/2024 à 15h27

VidéoPromouvoir l’économie d’eau à travers le lavage auto, c’est le pari que s’est lancé, depuis six ans, la start-up marocaine Ewash, basée à Casablanca. Découverte d’une solution écologique qui tombe à pic dans ce contexte de stress hydrique.

Le gouvernement a récemment mis en place nombre de mesures pour gérer le stress hydrique et rationaliser l’usage de l’eau. Parmi celles-ci figure la réduction du temps d’ouverture des stations de lavage automobile, grandes consommatrices d’eau… sauf quand elles n’en utilisent pas.

Ce qui ressemble à un oxymore est plutôt le pari tenté, il y a six ans, par Omar Bouziane. À travers sa start-up baptisée Ewash, il propose aux automobilistes une solution de lavage aussi novatrice que méconnue, se passant (pratiquement) d’eau et ayant un recours exclusif à des produits «écofriendly». Depuis novembre 2022, l’entreprise a élu domicile dans le parking souterrain d’un centre commercial à la Marina de Casablanca, où elle accueille chaque jour un important volume de voitures.

Consommation minimale d’eau

«Nous utilisons des produits biodégradables et non nocifs qui respectent les normes européennes, et dont certains sont 100% naturels. Pour pouvoir les asperger, ces produits concentrés sont dilués dans une très faible quantité l’eau. Trente-cinq centilitres, l’équivalent d’une canette de soda, suffisent pour le lavage d’une grosse voiture», explique avec enthousiasme l’entrepreneur marocain de 37 ans, affairé aux côtés de ses neuf collaborateurs.

Pour mieux illustrer son propos, et donner une idée des économies d’eau ainsi réalisées, notre interlocuteur évalue à 800 le nombre de voitures que la solution Ewash pourrait nettoyer… en utilisant l’eau dépensée lors du lavage classique d’une seule et unique voiture. De quoi économiser jusqu’à 300 litres d’eau par lavage, «soit la consommation d’eau que boit une famille marocaine pendant quinze jours», renchérit-il.

Les prix proposés varient de 60 dirhams pour un lavage de l’extérieur du véhicule, à 115 dirhams pour un nettoyage intérieur-extérieur. «Ces tarifs pourraient sembler élevés pour l’automobiliste qui paie souvent 50 dirhams pour un lavage classique. Sauf que notre solution permet un entretien du véhicule d’une semaine à dix jours, ce qui leur permet d’économiser leurs dépenses», souligne M. Bouziane, qui ajoute que la grille tarifaire d’Ewash a même «été définie dans le but de démocratiser le lavage écologique».

Rien ne prédestinait ce natif de Meknès à une carrière dans l’univers du lavage automobile, et encore moins dans le business écologique. Après avoir obtenu son baccalauréat, le jeune Omar dépose ses valises à Paris en 2007, où il décroche quelques années plus tard un Master II, en finance des marchés, trading, négoce et gestion d’actifs.

«Nous avons économisé l’équivalent de 12 piscines olympiques»

Le déclic arrive en 2015. Lors de vacances à Dubaï, il découvre la technique du lavage auto sans eau. Une innovation qu’il gardera «dans un coin de sa tête» avant de la matérialiser à son retour au bercail, onze ans plus tard. «J’avais à cœur de lancer ce projet à mon retour au Maroc en 2018, après avoir constaté une grave crise hydrique dans le Royaume. L’objectif était de mettre en place cette solution d’économie d’eau à travers le lavage auto», raconte-t-il.

Six ans plus tard, le pari est réussi. «Depuis le démarrage de notre activité, nous avons économisé assez d’eau pour remplir douze piscines olympiques. Nous avons également accueilli plus de 9.000 clients, toutes catégories confondues», révèle notre interlocuteur, pas peu fier de ce résultat. «Je suis actuellement en discussion avec une multinationale spécialisée dans la location de voitures dans plusieurs villes du Maroc afin de gérer le lavage de leur flotte. Et rien que sur cette phase de test, nous avons déjà économisé l’équivalent de quatre piscines olympiques», rajoute-t-il.

Prochaine étape: l’Afrique

Pour financer son projet, Omar Bouziane affirme s’être basé sur ses fonds propres et l’appui de ses proches pour pérenniser l’activité d’Ewash, pointant au passage la frilosité des investisseurs à l’égard des projets «verts». «J’ai essayé de lever des fonds à travers plusieurs structures de financement ou auprès d’investisseurs pour développer le projet, mais ces tentatives n’ont toujours pas abouti», regrette-t-il.

Quid de l’appui des autorités gouvernementales, qui poussent aujourd’hui activement aux économies d’eau? «J’avais reçu la visite de responsables du cabinet du ministère de l’Équipement et de l’Eau en 2022, dans un contexte qui était déjà marqué par de fortes restrictions des ressources hydriques. Il y a quelques mois, des collaborateurs d’une publication dédiée à l’eau et éditée par le même ministère étaient aussi venus réaliser un reportage dans nos locaux. Mais j’attends toujours un soutien concret», précise Omar Bouziane.

Aujourd’hui, l’entrepreneur envisage de dupliquer la technique de lavage auto sans eau dans d’autres pays du continent. Il a entamé des discussions avec des contacts au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Mali et en Angola, qui souhaitent nouer des partenariats pour l’ouverture de franchises. L’aventure Ewash ne fait que commencer…

Par Elimane Sembène et Adil Gadrouz
Le 17/02/2024 à 15h27