Le Souverain relance le projet. Un comité de pilotage est désigné: Chef du gouvernement, ministre de la Justice, président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et président du ministère public.
D’autres instances sont associées: Conseil supérieur des oulémas, Conseil national des droits de l’homme et ministère chargée de la Solidarité, de l’insertion sociale et de la famille.
Une approche participative, à base de concertations: magistrats, chercheurs, académiciens, professionnels du droit de la famille, associations des droits de l’homme, des droits de la femme et de l’enfant.
Un délai de 6 mois a été fixé.
Les réseaux sociaux s’enflamment et les fake news pullulent.
Beaucoup d’hommes, mais aussi quelques femmes, ignorants, à la recherche du buzz, débitent des grossièretés et mentent en annonçant des réformes déjà appliquées.
Ils inquiètent, scandalisent et chauffent les esprits d’internautes naïfs, facilement manipulables.
Ces vidéos alimentent les discussions des sphères privées, professionnelles et publiques: les hommes vont perdre tous leurs droits. S’ils divorcent, les femmes les dépouilleront de tous leurs biens et les enverront en prison… Plus aucun homme ne voudra se marier…
La paranoïa s’empare de personnes qui décrètent que ces féministes bla dine bla mella (sans religion) veulent salir l’islam.
Cette campagne d’intoxication dangereuse doit être contrecarrée par une stratégie nationale d’information, en parallèle avec les travaux de consultation. Qui devrait s’en charger? Le ministère de la Communication, de la Solidarité, des Habous? Les associations? Mais elles n’en ont pas les moyens. Les instances des droits de l’homme qui ont les moyens humains et matériels?
Il faut publier des vidéos en arabe dialectal et en différents dialectes amazigh qui expliquent, dans un langage simple, l’utilité de réviser ce code.
Les mosquées devraient se mobiliser pour sensibiliser les croyants, les rassurer. Les médias le font, mais souvent dans un langage inaccessible à la majorité de la population.
Un des sujets qui inquiètent les hommes est l’éventuelle obligation des tests ADN pour prouver la paternité.
Voici un dialogue avec des paradoxes courants chez ceux qui s’improvisent défenseurs de l’islam… quand ça les arrange!
Lui, agressif: Ceux qui veulent changer la moudawana sont des kouffar (mécréants). Les paroles de Dieu sont sacrées. On ne peut les changer. Les filles veulent nous piéger. Tu couches avec elle, elle te tire par le nez pour t’emmener au laboratoire faire une analyse ADN. Plus aucun homme ne pourra sortir avec une fille.
Moi, moqueuse: Effectivement. Mais tu es un bon musulman. Dieu a interdit la sexualité hors mariage. Les paroles de Dieu sont sacrées! Tu n’as pas à t’inquiéter du test ADN.
Lui, vexé: Tu te moques de moi, je suis un homme, moi.
Moi, étonnée: Dieu n’a interdit la sexualité hors mariage que pour les femmes?
Lui, en colère: C’est pas pareil! Les temps ont changé!
Moi, naïve: Ok, mais si ce test ADN devient obligatoire, les hommes seront prudents et protégeront les femmes qu’ils fréquentent.
Lui, scandalisé: Si je vais avec une femme, sa contraception ne regarde qu’elle.
Moi, indignée: Si tu mets enceinte une fille, son enfant sera le tien. Tu n’auras pas de responsabilité vis-à-vis de lui?
Lui, effrayé: A’oudou billah (je reviens à Dieu)! Dieu dit que les bâtards ne doivent pas être reconnus.
Moi, apitoyée: Mais c’est ton enfant. Tu pourrais vivre en paix alors que tu as abandonné la chaire de ta chaire?
Lui, agacé: Moi je respecte la parole de Dieu, pas comme toi.
Moi, faisant l’imbécile: Chouffe akhouya, interdis-toi les relations sexuelles avec une fille que tu n’as pas épousée. Tu seras un bon musulman, tu ne mettras pas enceinte une fille, tu ne seras pas soumis au test ADN et tu n’auras pas d’enfants «bâtards» que tu seras obligé d’abandonner.
Lui, hors de lui, s’en va en implorant la clémence de Dieu: Ya Latif, ya Latif.
Moi, je reprends mon bâton de pèlerin pour prêcher la bonne réforme!
Que d’incohérences qui, j’espère, seront corrigées par la réforme. Imaginez la petite Sana qui a été violée et a accouché à 13 ans. Le test ADN a prouvé la paternité d’un des 3 violeurs. Il est emprisonné et aucune loi ne l’oblige à reconnaître son enfant!
Seuls deux laboratoires sont habilités à faire ces tests: celui de la police scientifique à Casablanca et celui de la Gendarmerie royale à Rabat.
Une femme peut être enceinte ou avoir accouché, la loi ne lui donne pas accès à ce test. Elle doit déposer une demande au juge, en payer les frais, prouver qu’elle a eu des fiançailles traditionnelles avec le père de son enfant, avec des photos. Ou qu’ils ont été mariés depuis longtemps sans acte, preuves à l’appui. Sinon, pas de test ADN!
Le juge donne une ordonnance avec laquelle la femme se présente au laboratoire avec le père biologique. Mais ce dernier n’est pas contraint par la loi à se présenter. S’il se présente et que la preuve de sa paternité est établie et qu’il refuse de reconnaître l’enfant, la femme doit commencer une nouvelle procédure au tribunal, longue et coûteuse, pour le contraindre.
Le test ADN doit être obligatoire pour tout homme accusé d’être le père d’un enfant.
Ces enfants non reconnus par les pères sont des citoyens marginalisés et précaires. Leurs mères peinent à les entretenir alors que les pères peuvent les pendre en partie en charge. Ils grandissent sans connaître leur identité et risquent d’avoir des relations sexuelles ou des mariages incestueux.
J’ai connu une femme qui s’est trouvée mariée à son propre père, avec lequel elle a eu 3 enfants.
Je vous laisse imaginer le drame!