Les masculinistes sévissent surtout dans les pays les plus développés, où les femmes ont obtenu beaucoup de droits. Ils s’expriment à travers des influenceurs sur TikTok, YouTube et Instagram où ils collectent des millions de vues.
Des youtubeurs, comme Andrew Tate, revendiquent le retour à la domination masculine. Cet influenceur britannico-américain, soupçonné de trafic d’êtres humains et de viol aux États-Unis, s’est autoproclamé coach et donne des «conseils de vie» aux hommes pour leur apprendre à dominer les femmes.
L’influenceur français La Menace met en garde les hommes contre le complot féministe. Il propose une formation, bien sûr payante, pour devenir un «homme de haute valeur». Des milliers de jeunes hommes de moins de 30 ans le suivent sur les réseaux sociaux.
Le youtubeur français Mickaël Philétas, haineux, s’était proclamé coach en séduction. Il a assassiné son ex-compagne de 80 coups de couteau et a tenté de tuer son nouveau compagnon et sa sœur.
Sur TikTok, plus de 200 000 vidéos appellent au «mâle alpha», avec des millions de vues. Le terme désigne un homme puissant, dominateur. Dans un couple, il est protecteur, mais aussi très jaloux, contrôlant tout. Certains discours sont modérés, d’autres sont plus violents, poussant à la haine. Certains groupes radicaux, comme celui des «incels» («célibataires involontaires»), considèrent qu’ils sont célibataires à cause des femmes.
Selon les masculinistes, les changements sociaux et les droits des femmes ont affaibli les hommes. Le féminisme n’est qu’une idéologie créée pour les dominer. Les femmes modernes seraient profiteuses. Elles se marient pour divorcer et obtenir des pensions alimentaires. D’où le courant «Red Pill»: reprendre le pouvoir sur les femmes pour les dominer.
Ces influenceurs exploitent l’angoisse des jeunes dans un monde où il devient difficile de réussir. Des jeunes perdus dans leur relation aux femmes qui ne cesse d’évoluer, alors qu’ils ont été éduqués dans un système traditionnel où l’homme est supérieur. Ces influenceurs s’enrichissent. Le sujet génère de gros gains sur le web.
Selon les masculinistes, la violence conjugale s’exerce sur les hommes autant que sur les femmes. Ce qui est bien évidemment faux. Elle est bien moins importante pour les hommes. Dans le monde, les statistiques de viols, de féminicides et de violences exercées sur les femmes le prouvent.
Ces influenceurs séduisent les jeunes hommes en quête de repères et d’identité avec des discours simplistes: «Tu es malheureux parce que tu es faible avec les femmes.» «Ressaisis-toi. Soit puissant.» «Ne te laisse pas avoir, sois un mâle alpha!»
«Sur YouTube, TikTok et Facebook, des influenceurs marocains diffusent des contenus sur la “vraie masculinité”.»
Les masculinistes sont présents massivement sur les réseaux sociaux. Ils utilisent des références à la culture populaire, à travers des films, des séries ou des jeux vidéo. Ils proposent des cours en ligne, bien sûr payants, pour «reprendre le contrôle de sa vie», «redevenir un alpha». Ils renforcent les stéréotypes de genre et légitiment la violence contre les femmes. Chaque femme devient une menace pour l’homme. Ils empêchent les hommes de développer une sensibilité et une intelligence émotionnelle.
Le masculinisme existe au Maroc. Il s’attache aux normes sociales, aux traditions, aux évolutions législatives et à des arguments liés à des interprétations obscurantistes de la religion.
Des hommes défendent les droits des pères en cas de divorce. Ils remettent en question la garde de enfants accordée automatiquement aux mères et, surtout, les restrictions des horaires des visites aux enfants. Ce qui, dans certains cas, est légitime et sensé.
Ils dénoncent les avancées du Code de la famille qui leur fait perdre des privilèges. Ils font la promotion d’une masculinité traditionnelle où les femmes étaient soumises. Mais ils acceptent la participation des femmes dans le budget familial et conjugal, contrairement aux préceptes de l’Islam!
Le discours est parfois modéré, mais souvent hostile au féminisme, accusé de détruire la famille, le couple et les valeurs religieuses. Les avancées affaibliraient la structure familiale et encourageraient des comportements qu’ils qualifient «d’occidentalisés». Elles menaceraient les valeurs islamiques en remettant en cause le rôle de l’homme chef de famille. Les plus conservateurs veulent contrôler les femmes pour éviter la «décadence morale».
Au Maroc, le masculinisme est moins structuré qu’en Occident. Sur YouTube, TikTok et Facebook, des influenceurs marocains et des «coachs en masculinité», inspirés par Andrew Tate, diffusent des contenus sur la «vraie masculinité». Des hommes partagent leurs expériences de divorce difficile, en accusant les femmes d’être ingrates.
Les revendications masculinistes traduisent le malaise d’hommes marocains dépassés par les évolutions sociales. Les jeunes se plaignent de la crise économique. Ils peinent à satisfaire les attentes traditionnelles: assurer les frais d’un mariage, acquérir un logement, fonder une famille. Certains ressentent une perte de statut social face aux femmes autonomes.
Mais les masculinistes scolarisent leurs filles et oublient qu’ils contribuent ainsi à l’autonomisation de femmes et que le statut des femmes concerne également leurs filles et non seulement leurs épouses.
Le masculinisme est le reflet d’un changement de société qui bouscule les rôles traditionnels. Mais au lieu de revenir en arrière, on peut inventer une nouvelle masculinité, forte mais pas toxique, affirmée sans être oppressive. On pourrait aussi créer un débat sur la toxicité féminine, puisqu’elle existe.
Au lieu d’une guerre des sexes, ouvrir un dialogue où hommes et femmes peuvent coexister dans l’harmonie, avec respect et équité.
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