Foodeals, la startup qui lutte contre le gaspillage alimentaire au Maroc

Yassine Bentaleb, fondateur de la startup Foodeals.

Depuis 2021, la startup Foodeals lutte contre le gaspillage alimentaire au Maroc à travers son application éponyme qui propose aux consommateurs des invendus alimentaires à prix réduit mis en ligne par des restaurants et distributeurs. Un business model qui a produit des résultats encourageants.

Le 02/04/2024 à 12h32

C’est un secret de polichinelle. Le gaspillage alimentaire demeure une triste réalité au Maroc. Une pratique qui prend des proportions inquiétantes durant le mois de ramadan, particulièrement dans les grandes surfaces et autres professionnels de l’agroalimentaire. Un phénomène auquel Yassine Bentaleb souhaite remédier, à travers sa startup Foodeals, lancée en 2021.

«Quand je travaillais en tant que consultant en marketing et évènementiel pour de nombreux clients, j’avais constaté que des hôtels et traiteurs jetaient des quantités considérables de nourriture dans les poubelles après les évènements organisés par nos partenaires. Cette situation m’a interpellé et m’a poussé à réfléchir à des solutions adéquates pour remédier à ce gaspillage», raconte l’entrepreneur marocain contacté par Le360.

Donner une seconde vie aux invendus

Après un travail de benchmark international, il découvre l’existence de solutions anti-gaspillage développées aux États-Unis et en Europe et décide de les adapter au contexte local, en ciblant des hôtels, industriels, supérettes, supermarchés, restaurants, traiteurs, boulangeries, pâtisseries, etc. «Notre application est une plateforme qui connecte ces professionnels de l’agroalimentaire et les consommateurs pour leur permettre de réduire leur gaspillage alimentaire et transformer ce manque à gagner en opportunité», explique Yassine Bentaleb.

Le business model de la startup est simple: ces entreprises mettent en ligne leurs excédents alimentaires ou des produits dont la date limite de consommation est proche, qui pourront être achetés à prix réduit par les utilisateurs. Pour rémunérer ce service, Foodeals prélève des commissions sur chaque vente réalisée ou facture des abonnements annuels aux distributeurs.

Les entreprises et particuliers peuvent également mettre des denrées alimentaires à la disposition d’associations caritatives et de banques alimentaires inscrites sur la même plateforme. La jeune pousse, actuellement basée à Fès, dispose d’un bureau à Rabat et prévoit d’en ouvrir un autre à Casablanca prochainement. «Nous constatons de plus en plus une prise de conscience des industriels sur l’importance de lutter contre le gaspillage alimentaire. De nombreux clients n’hésitent pas aussi à acheter des produits dont la date de péremption est proche», se réjouit-il.

Notre interlocuteur révèle que son équipe développe actuellement, en partenariat avec la Netherlands Entreprise Agency (RVO), un logiciel d’intelligence artificielle doté d’un système d’alerte qui va détecter rapidement les produits dont la date de péremption est proche, et informer à temps les grandes surfaces et supérettes.

Plus de 1.400 repas vendus

À en croire Yassine Bentaleb, ces différentes actions ont un impact social et environnemental considérable. «Outre le fait de donner une seconde vie aux invendus, nous contribuons aussi à la protection de l’environnement en évitant la destruction des produits alimentaires qui génèrent plusieurs gaz à effet de serre. Le gaspillage alimentaire est d’ailleurs le troisième pollueur mondial après les États-Unis et la Chine», indique-t-il, précisant que Foodeals collabore actuellement avec la société néerlandaise Behold International pour l’obtention du label RSE «B Corp», qui certifie les entreprises ayant un impact sociétal et environnemental positif.

Trois ans après le lancement de son application, l’entrepreneur marocain n’est pas peu fier des résultats. «Nous avons dénombré jusque-là plus de 8.000 téléchargements. Nos partenaires ont vendu plus de 1.400 repas et en ont distribué plus de 150.000. Cela a permis de conserver plus de 40 tonnes de denrées alimentaires, ce qui représente une réduction de 15 tonnes de CO2», affirme-t-il.

Pour assurer son développement, Foodeals a noué plusieurs partenariats, notamment avec la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD), qui a mis à la disposition de la startup un budget de plus de 500.000 dirhams, et l’ambassade des Pays-Bas au Maroc qui lui a remis un chèque de 400.000 dirhams à travers son programme d’accélération de startups Orange Corners.

Lutter contre le gaspillage des consommateurs

Après le Maroc, Yassine Bentaleb vise l’Afrique subsaharienne. Il a paraphé cinq partenariats avec des restaurants et professionnels de la chaîne alimentaire à Conakry, en Guinée, et s’est déplacé à Abidjan pour échanger avec des responsables de la banque alimentaire de Côte d’Ivoire sur une future collaboration. Le Sénégal aussi est dans sa ligne de mire.

Mais, détrompez-vous! Le gaspillage alimentaire n’est pas uniquement l’apanage des professionnels de la chaîne agroalimentaire. De nombreux consommateurs excellent aussi dans cette gabegie, particulièrement durant le ramadan. D’ailleurs, dans sa récente note consacrée à ce sujet, le Haut-Commissariat au plan (HCP) révèle que le budget alloué par les ménages à l’alimentation est de 17,8% plus élevé pendant le ramadan, comparé à ceux des autres mois de l’année, principalement en milieu urbain.

Après les distributeurs, Foodeals compte s’attaquer à ce phénomène. «Nous travaillons actuellement sur un projet dédié aux particuliers, afin de lutter contre leur gaspillage alimentaire qui augmente de manière significative. Cette solution sera lancée prochainement, avec le soutien d’un fonds d’investissement international», confie Yassine Bentaleb.

Par Elimane Sembène
Le 02/04/2024 à 12h32