Des élèves humiliés et maltraités au collège français Claude Monet de Mohammedia: les parents exigent la démission du proviseur et de son équipe

Des parents d'élèves manifestent devant le Groupe scolaire Claude Monet, à Mohammedia, le 25 septembre 2023.

Des parents d'élèves manifestent devant le Groupe scolaire Claude Monet, à Mohammedia, le 25 septembre 2023.

Depuis le 21 septembre, l’ambiance est explosive au sein du groupe scolaire Claude Monet, établissement français affilié à l’AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger), à Mohammedia. Les parents d’élèves ne décolèrent pas contre la direction et l’administration de l’établissement, depuis qu’une mesure répressive a été prise à l’encontre de leurs enfants. Explications.

Le 25/09/2023 à 19h19

Le 21 septembre au soir, comme à chaque début de rentrée scolaire, une réunion de rencontre entre les parents d’élèves, les professeurs et la direction de l’établissement était au programme. Comme le veut la tradition, les professeurs sont censés y exposer leur méthodologie et leur programme, tandis que la direction, elle, évoque notamment le règlement de l’établissement.

Au cours de ce type de réunions, les parents profitent aussi de l’occasion pour poser des questions ou faire part de certaines doléances. C’était précisément le cas ce soir-là, lorsqu’un même sujet est revenu avec insistance sur la table, celui des nouveaux horaires des cours.

C., maman qui assistait à la réunion consacrée aux élèves de 5ème et de 4ème, témoigne pour Le360: «Plusieurs parents ont posé la même question au sujet des horaires des enfants», jugés trop lourds l’après-midi, d’autant qu’ils sont précédés d’une pause méridienne d’à peine une heure qui les contraint à rester sur place et à déjeuner à la cantine. «Le planning affiche également de nombreux changements d’horaires qui sont problématiques pour les parents de plusieurs enfants de niveaux scolaires différents et les contraignent à une gymnastique infernale», explique quant à elle I., une autre maman d’élève.

«Mais à cette question récurrente, nous avons eu pour seule réponse l’air réprobateur du proviseur qui n’a pas souhaité répondre», poursuit C. Face aux parents, exaspérés par l’attitude du proviseur Tony Meistermann et de la conseillère principale d’éducation (CPE), K. V., le ton est monté crescendo. «Un parent d’élève a alors reposé à nouveau la question, mais le proviseur lui a alors littéralement ordonné de se taire», se souvient-elle, encore sous le choc de la violence de cette réaction.


«La situation a empiré», poursuit-elle, déplorant par ailleurs la présence d’enfants pendant cette réunion. En effet, «le parent d’élève a alors demandé au proviseur de faire preuve de respect à son égard», se rappellent plusieurs témoins de la scène consultés par Le360, car lui a-t-il rappelé, «nous ne sommes pas des élèves».

Mais faute d’obtenir des réponses et du respect, les parents ont alors assisté à un spectacle étonnant: l’épouse du proviseur, elle-même professeur, a alors demandé aux autres professeurs de se lever et de quitter la salle. «Ils sont sortis sur ordre de cette dame, alors que la CPE leur indiquait la sortie en pointant son index vers la porte», rapporte ce témoin qui n’en revient toujours pas.

Des enfants humiliés en guise de représailles contre les parents

Mais ces parents n’étaient pas encore au bout de leurs peines, car au lendemain de cette réunion pour le moins chaotique, venus chercher leurs enfants lors de la pause méridienne, ceux-ci ont eu une surprise de taille. Ils apprenant de la bouche de leur progéniture que les élèves avaient été contraints de quitter leurs salles de classe pour s’asseoir, pendant une heure, à même le sol de la cour, sous une pluie battante, avec interdiction de se lever sous peine de se voir sanctionner d’heures de colle.

Là aussi, Le360 a recueilli les témoignages de plusieurs parents d’élèves qui tous s’accordent sur la même version de cet épisode cauchemardesque pour leurs enfants. «Le proviseur a fait sortir les élèves de toutes les classes de collège dans la cour, en signe de protestation, leur a-t-il dit, contre leurs parents mal élevés». Ce à quoi, la CPE, elle aussi présente, aurait rectifié: «À cause du comportement irrespectueux de certains de vos parents», rapporte cette maman indignée. «Cinq enfants qui ont seulement bougé parce qu’ils avaient mal à force de rester assis par terre et voulaient changer de position ont reçu des heures de colle», s’insurge-t-elle.

Une punition collective qui a donc été épousée par le corps professoral et administratif pour protester contre le comportement des parents dont le seul tort, faut-il le rappeler, était d’exiger des réponses à leurs questionnements.

Les parents ne décolèrent pas

À la sortie de cette matinée infernale, les parents témoignent pour Le360 de l’état dans lequel ils ont récupéré leurs enfants. «Ils étaient terrorisés, ils avaient honte, ils se sentaient humiliés», se souvient cette maman encore sous le choc. Plus grave encore, nous rapporte-t-on, une élève a fait une crise d’asthme après une heure passée dans de telles conditions, tandis qu’une autre a contracté une grippe. Sans compter que les élèves de maternelle et de primaire, dont la cour d’école jouxte celle des collégiens ont cru, en voyant leurs aînés, parfois leurs frères et sœurs, assis de la sorte par terre, «qu’il y avait un attentant terroriste ou un tremblement de terre», poursuit I., encore sous le coup de la colère.

«Tout cela par vengeance à l’égard des parents! C’est inadmissible!», tempêtent les parents, bien décidés à faire bloc contre le proviseur et son équipe.

L’Union de conseil des parents d’élèves (UCPE), association de parents d’élèves, dénonce ainsi dans un communiqué un évènement d’une «gravité sans précédent», estimant que «les collégiens ont été pris à partie par un principal et son administration» lesquels «ont usé et abusé de leur autorité envers nos enfants».

Outrés, les parents ont alors organisé un sit-in l’après-midi même devant l’établissement, de midi à 18 heures, afin de manifester contre la punition inhumaine et injustifiée infligée à leurs enfants. Les choses ne se sont pas arrêtées là et dès ce matin, entre 8 heures et 8 heures 30, une autre manifestation était organisée devant les portes du collège. Une autre l’était encore en fin de journée à 17 heures, et d’autres se tiendront également aux mêmes horaires dans les trois jours à venir. À ce stade, «un collectif de plusieurs parents d’élèves s’est constitué pour exprimer leur contestation contre des actes humiliants et inadmissibles», explique le communiqué de presse de l’UCPE.

La démission immédiate du proviseur et de son administration exigée

Mais au-delà de cette dénonciation, ce collectif de parents d’élèves, représenté par l’UCPE et la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), a également adressé un courrier à l’ambassadeur de France au Maroc, Christophe Lecourtier, ainsi qu’au consulat de France, au Service de coopération et d’action culturelle de France (SCAC), au Lycée Lyautey, qui dirige le pôle Casablanca-Mohammedia, au rectorat, au représentant de l’AEFE au Parlement français, ainsi qu’aux autorités marocaines, avec pour objet une «demande d’intervention suite à un abus de pouvoir».

Après être revenus sur les faits dans ce courrier, dont Le360 a reçu une copie, l’ensemble des parents d’élèves se disent aujourd’hui «ahuris et stupéfaits du traitement dénigrant subi par leurs enfants», est-il expliqué.

Et d’interpeller le premier destinataire de cette missive: «Monsieur l’ambassadeur, comment peut-on prendre à partie des élèves et leur imposer une punition collective d’un autre âge, d’abord pour un différend qui ne les concerne pas et ensuite à cause de l’incapacité du chef d’établissement à dialoguer et à gérer les relations avec les parents d’élèves?», questionnent-ils. Et de rappeler que «ce genre de comportement n’est certainement pas une première du genre, et beaucoup de fâcheux évènements jalonnent le mandat de l’administration actuelle du Groupe scolaire Claude Monet».

Les parents qui rapportent le traumatisme ressenti par leurs enfants face à des «méthodes inhumaines, humiliantes et anti pédagogiques» exigent «que des mesures appropriées et drastiques soient prises par les autorités de tutelle, et ce dans les plus brefs délais». Autrement dit, la démission immédiate de ce proviseur, et de son administration, plus précisément de la CPE.

La réponse hors-sol de la direction de l’établissement

Après avoir refusé de recevoir les parents d’élèves, le directeur de l’établissement a ensuite accepté de s’entretenir ce matin avec les représentants des associations de parents d’élèves, auxquels celui-ci aurait expliqué que l’action qui avait été menée était du fait du corps enseignant, qui aurait ainsi exprimé son droit de retrait. Une manière de renvoyer dos à dos parents et professeurs et de contredire surtout les témoignages des enfants qui ont tous affirmé que cette action avait bien été dirigée par le proviseur et son administration.

Le proviseur aurait par ailleurs déclaré: «Je n’ai pas à m’excuser». L’indignation des parents n’a fait que croître. Puis en fin de journée de ce 25 septembre, c’est cette fois-ci un courrier qui a été envoyé aux parents d’élèves, signé du proviseur, Tony Meistermann.

Celui-ci y explique que «durant la réunion avec les parents d’élèves de 5ème et 4ème du 21 septembre, les enseignants, la CPE et le chef d’établissement ont ressenti l’expression de violences verbales, d’intimidation et d’un comportement irrespectueux de la part d’un parent d’élève», renvoyant ainsi la responsabilité à un parent en particulier.

«Les enseignants, choqués par les évènements de la veille, ont décidé de ne pas faire cours de 10h30 à 11h25 et de prendre en charge leurs élèves dans la cour du collège afin de réaffirmer les valeurs de respect envers les personnes et de ne pas cautionner l’agressivité dont ils ont été témoins», justifie le directeur d’établissement.

Ainsi, poursuit-il, «durant cette heure, les élèves sont restés dans la cour de récréation, en sécurité sous la surveillance et la responsabilité des enseignants et de la vie scolaire», et de préciser la visée pédagogique de la chose selon lui, en arguant que «les professeurs ont pris le temps d’expliquer aux élèves les raisons de cette action dans un dialogue ouvert».

Mais quel est donc ce dialogue et cette pédagogie que l’on inculque à des enfants assis par terre sous la pluie, dont on blâme les parents, et qu’on sanctionne s’ils osent bouger?, est-on en droit de se demander. Et T. Meistermann de répondre avec un aplomb déconcertant, «durant cette séquence, aucun élève n’a été sanctionné; il ne pleuvait pas».

Dépôt de plainte collectif et menace de rupture financière

Qualifiant cette action des professeurs, auxquels ils rejettent donc la responsabilité, de «réaction à chaud dont l’objectif était d’interpeller les parents sur la notion de respect de la profession», le proviseur juge ensuite que «cette séquence n’a pas été comprise par les parents et a engendré une fracture dans la confiance entre l’école et les parents», ce qu’il déplore en se disant «sincèrement désolé» de cela.

Enfin, poursuit T. Meistermann, «tout en comprenant les raisons qui ont heurté les professeurs, je regrette cette action maladroite mise en place sans le recul nécessaire. Cela n’a apporté qu’incompréhension chez les parents d’élèves et s’est révélé contre-productif».

Consultés par Le360, les parents se disent outrés par cette lettre dans laquelle ils ne voient aucune excuse, mais qu’ils jugent au contraire insultante à leur égard. Quant au parent d’élève auquel le chef d’établissement avait ordonné de se taire, et qui est directement visé dans ce courrier comme étant responsable de l’incident, «celui-ci prend acte de ce qu’il juge être de la diffamation et compte porter plainte», nous informe une source proche de ce père de famille.

Les parents d’élèves exigent la démission immédiate du proviseur et de son administration. D’ici là, une plainte commune sera déposée et beaucoup de parents entendent retirer leurs enfants de l’établissement et entamer une rupture financière si l’équipe responsable de cet incident n’était pas démise de ses fonctions.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 25/09/2023 à 19h19