Dar El Beida la prestigieuse n’est pas aussi propre qu’elle le mérite! Elle compte plus de 3 millions d’habitants, en plus de 2 autres millions de sa région qui s’y déplacent quotidiennement pour le travail ou autre. Une immense population pour une ville qui s’est agrandie à un rythme bien plus rapide que son développement. Vu son rôle économique majeur, elle absorbe l’exode rural le plus important du Royaume.
Casablanca a longtemps souffert de mauvaise gouvernance et de négligence. Mais depuis une décennie, il y a une réelle volonté, surtout royale, de rattraper le retard accumulé et de redonner à cette ville une aura à la hauteur de son statut.
En tant que Casablancaise, je suis agréablement surprise par son embellissement, ses moyens de transport modernes, ses voies de circulation ou la restauration de ses parcs… Cependant, il existe deux Casablanca: le centre-ville et les quartiers périphériques qui restent à la traîne, à part l’équipement en transport et en voies de circulation, telles les trémies qui haussent la ville au niveau des métropoles modernes.
Mais deux points noirs demeurent. D’abord la circulation automobile, une véritable plaie, une anarchie qui ternit notre réputation et qui occasionne un stress immense. Ensuite, il y a la propreté ou plutôt son absence. Instaurer une police de la propreté est une excellente initiative, même si j’aurais souhaité qu’elle n’existe pas, car sa présence dénote du manque d’éducation et de civisme.
Le paradoxe est que la propreté est bien ancrée dans notre culture. Les maisons sont régulièrement nettoyées, à l’eau et aux détergents, parfois exagérément. Mais les habitants peuvent balayer juste le seuil de leur maison, jetant parfois les ordures à la porte des voisins. Pourtant, l’Islam recommande la propreté. Tous les gens reprennent une parole, attribuée au Prophète: la propreté fait partie de la foi. Mais si nos rues sont si sales, c’est que cette parole reste en l’air.
Ne pas salir sa ville fait partie de règles qu’inculquent les parents. Mais eux-mêmes jettent les déchets dans la rue, par la vitre d’une voiture, sur le sable… L’école n’éduque pas à la propreté ni au respect des lieux et des espaces publics.
Les mosquées et les émissions religieuses dans les médias et les réseaux sociaux doivent éduquer la population, lui expliquer que l’Islam recommande le respect de l’intérêt général. Salir est un péché, parce que cet acte dégrade l’espace public et crée des préjudices pour les autres. L’Islam recommande le respect des autres. Quand on salit la rue, on ne respecte ni les passants ni les pauvres employés responsables de la propreté. Rappelons le hadith du Prophète: «Aucun d’entre vous ne sera véritablement croyant jusqu’à ce qu’il aime pour son frère ce qu’il aime pour lui-même.»
Au feu rouge, la portière d’une voiture, y compris les luxueuses, s’ouvre. La tête du chauffeur se penche dehors pour cracher. Parfois, tu croises un passant, sur un trottoir, qui se racle la gorge et crache presque à tes pieds, sans penser que son geste est écœurant et que lui-même ne pourrait le supporter venant d’une autre personne.
Parmi les villes les plus propres au monde, citons Copenhague, au Danemark, Calgary, au Canada. Il y a aussi Singapour, où une «Politique de propreté et de verdure» a été instaurée dans les années 1960, avec des lois strictes. Il est ainsi interdit de cracher dans la rue sous peine d’amendes salées et les chewing-gums sont prohibés. Une politique draconienne qui a donné ses fruits.
Zurich, en Suisse, est une ville propre grâce à la gestion rigoureuse des déchets, une réglementation stricte et une sensibilisation sociale pour modifier le comportement humain.
Certains sites classent Ifrane parmi les villes les plus propres, mais c’est une petite ville de près de 160.000 habitants, qu’on ne peut comparer à Casablanca.
En Afrique, Kigali, capitale du Rwanda, occupe la première place. Le premier pays africain à avoir interdit le plastique à usage unique, les sachets et les matériaux d’emballage, et qui a instauré une politique de nettoyage communautaire, appelée «Umuganda» («Se rassembler dans un même objectif»). Le dernier samedi de chaque mois, les habitants nettoient leur quartier. Sinon, ils sont sanctionnés par des amendes de près de 70 DH.
Vivre dans une ville propre fait partie du bien-être. C’est le rôle de la Commune, mais également des habitants. La Commune doit équiper les rues en poubelles adaptées à la taille de sa population. À Casablanca, les poubelles sont insuffisantes. Parfois elles sont posées sur la chaussée, à gauche des voitures qui doivent les contourner. Elles débordent de déchets et dégagent des odeurs nauséabondes. Les cendriers pour mégots de cigarettes sont inexistants, même devant les portes des commerces luxueux.
La police de la propreté aura beaucoup à faire pour changer les habitudes. Tout écart mènera à une amende allant jusqu’à 100 dirhams, majorés en cas de récidive. Outre la surveillance par cette police, la Direction générale de la sûreté nationale fournit les enregistrements des caméras.
S’il y a assez de rigueur, les habitants cesseront de jeter leurs ordures n’importe où, à côté des bennes et hors des horaires fixés pour le passage des éboueurs. Cette police devra également surveiller les commerçants, les marchés ou les usines qui contribuent grandement à la saleté.
Avec des lois strictes, l’efficacité des collectes des ordures par la Commune et une forte sensibilisation, on peut faire de Casablanca une ville propre et peut-être même un exemple en matière de recyclage des déchets ménagers.