Wali de Bank al-Maghrib, Abdelatif Jouahri monte au créneau pour dénoncer le débauchage de cerveaux auquel même l’institution qu’il préside n’a pas échappé. En l’espace de deux ans, la Banque du Maroc a perdu 20 cadres hautement qualifiés, rapporte le quotidien Al Ahdath Al Maghribia dans son édition du vendredi 13 juin. Il a considéré que la fuite des cerveaux et des compétences nécessite une politique nationale globale pour faire face à cette saignée méthodique des talents et des compétences.
Jouahri, qui répondait à une question du journal concernant la capacité du marché du travail national à absorber les profils des diplômés de l’université Al Akhawayn, est allé jusqu’à qualifier la situation de «pillage». «Il faut faire face à ce pillage des cadres et des cerveaux, et nous devons, en tant qu’État, plaider avec force dans les forums et institutions internationales en faveur de notre capital national de compétences», a-t-il déclaré.
Jouahri, qui s’exprimait mercredi lors d’une conférence de presse dédiée au bilan des 30 ans de l’université Al Akhawayn, a ajouté avoir souvent eu l’occasion de dénoncer cette situation. «À chaque fois que j’en ai la possibilité, je proteste contre la manière dont les pays développés nous considèrent comme des pays sous-développés, tout en attirant et en séduisant nos compétences, ce qui reflète une double pensée. Ils nous voient comme des pays en retard, mais n’hésitent pas à nous exploiter comme des mines et des réservoirs de cerveaux», a-t-il expliqué.
Le wali a insisté sur la nécessité d’une action urgente pour mettre fin au phénomène. Le gouverneur de la banque du Maroc a ajouté que les pays occidentaux offrent des incitations professionnelles et financières que notre pays ne peut concurrencer, ce qui pousse les meilleurs de nos jeunes ingénieurs, médecins et chercheurs à émigrer à la recherche de meilleures perspectives, laissant derrière eux un vide difficile à combler. Il a mis en garde contre les répercussions négatives de ce phénomène sur l’économie nationale et les opportunités de développement humain.
Les statistiques officielles indiquent que le Maroc perd chaque année des milliers de cadres dans des secteurs stratégiques tels que la médecine, l’ingénierie et la recherche scientifique. Selon les données de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), entre 2000 et 2020, plus de 600.000 Marocains qualifiés ont émigré. Environ 10% des diplômés universitaires marocains partent s’installer à l’étranger dans les années suivant leur sortie, notamment vers l’Europe (France, Espagne), l’Amérique du Nord (Canada, États-Unis) et le Golfe.
Les secteurs les plus touchés sont les technologies de l’information, la santé, l’ingénierie et les sciences économiques. Le Maroc perd ainsi plusieurs milliards de dirhams chaque année en investissements humains et en potentiel d’innovation. Cette hémorragie ralentit la capacité du pays à améliorer ses infrastructures, ses services publics et sa compétitivité globale.