Le ministre marocain de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a estimé que la hausse du nombre de divorces au Maroc ne devrait pas être perçue comme un phénomène alarmant, mais plutôt comme un indicateur à analyser pour comprendre ses causes réelles, qu’elles soient économiques, sociales ou culturelles. «Répondant à une question orale lors d’une séance à la Chambre des représentants, il a rappelé que le divorce n’est pas un crime, mais un contrat mettant fin à une union, tout comme le mariage en est un qui la fonde», indique le quotidien Assabah dans son édition du mercredi 5 novembre. Selon lui, la séparation relève de la liberté personnelle et de la vie privée, deux principes qu’il convient de respecter.
Le ministre a tenu à relativiser l’ampleur du phénomène, soulignant que les chiffres enregistrés au Maroc restent inférieurs à ceux observés dans plusieurs pays voisins. Il a précisé que 97% des divorces sont des divorces pour discorde, dans lesquels c’est la femme qui prend l’initiative de la rupture, un droit qu’elle exerce aujourd’hui plus librement qu’autrefois. Ouahbi a ajouté que la réforme attendue du Code de la famille introduira de nouveaux mécanismes destinés à garantir davantage d’équité pour les femmes, notamment en matière de pensions et d’indemnités après la séparation.
«Revenant sur l’évolution de la société, le ministre a rappelé qu’autrefois, une femme pouvait passer des années devant les tribunaux avant d’obtenir un jugement de divorce», rapporte Assabah. Il s’est étonné de la façon dont la société s’intéresse au divorce comme s’il s’agissait d’une faute ou d’un scandale, insistant sur le fait qu’il s’agit d’un choix naturel: «de la même manière que deux personnes décident librement de se marier, elles peuvent décider de se séparer». Il a également rejeté les interprétations qui réduisent le divorce à une conséquence des décisions judiciaires ou administratives. «Voulez-vous que nous inscrivions le mariage, le divorce et les relations privées dans le programme gouvernemental? Ce sont des aspects de la vie intime, laissons les gens vivre», s’est-il demandé avec ironie.
Les chiffres officiels tendent d’ailleurs à appuyer cette lecture. Le ministère de la Justice a récemment indiqué que le Maroc a enregistré environ 24 000 divorces à l’amiable pour 240 089 mariages, un rapport qui, selon Ouahbi, ne traduit pas une explosion des séparations mais plutôt une progression du nombre d’unions.
Cependant, les données de la Haute Commission au Plan dressent un constat plus nuancé. Dans son rapport annuel intitulé La femme marocaine en chiffres, l’institution relève une hausse marquée des dossiers de divorce au cours de la dernière décennie: 44 408 cas en 2014, 67 556 en 2023, avant un léger recul à 65 475 en 2024. Le rapport note aussi une évolution significative dans la nature des divorces: la proportion de divorces à l’amiable est passée de 63,1% en 2014 à 89,3% en 2023, signe d’une tendance croissante à la résolution pacifique des conflits familiaux.
Cette évolution, loin d’illustrer une crise des valeurs familiales, semble témoigner d’une transformation sociale plus profonde. Elle traduit une autonomisation progressive des femmes, une reconnaissance accrue de leurs droits et une volonté partagée, chez les couples, de clore leurs unions dans un climat d’entente plutôt que de confrontation.







