Hier soir, mardi 8 juin 2021, la chaîne Al Jazeera a diffusé une interview d’une demi-heure avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune. Le ton est donné dès l’entame de cette nouvelle rencontre médiatique, quand le président algérien s’est montré à nouveau indigne de la fonction qu’il occupe. Il a d'ailleurs lui-même notifié à la chaîne qatarie son accréditation en Algérie, exactement comme s'il n'était qu'un simple responsable en charge d'une obscure direction du ministère algérien de la Communication. C’est désormais officiel «à partir de cette interview», a-t-il cru bon de préciser. Mieux encore, ou pire, le président algérien a ajouté que la page du conflit «entre les deux parties», à savoir entre l’Etat algérien et la petite «boîte d’allumettes» de Doha, était tournée.
Cela n’a pas empêché Tebboune de commettre un lapsus à l’égard des propriétaires d’Al Jazeera en déclarant, sans citer de nom, «quelqu’un avait dit: “on termine le boulot en Syrie et on passe à l’Algérie“». Or ce «quelqu’un» n’est autre que Hamad ben Jassim Al Thani, ancien ministre qatari des Affaires étrangères, qui avait lancé cette phrase à son homologue algérien, à l'époque, Mourad Medelci, lors d’une prise de becs entre les deux hommes en pleine réunion ministérielle de la Ligue arabe.
La caméra qui le filmait a ainsi fourni une occasion à Tebboune de fustiger le «printemps arabe», de tisser des lauriers au Hirak algérien «authentique», avant de se déchaîner immédiatement contre un certain Hirak qu'il prétend apocryphe, parce que ses militants le qualifient de président «usurpateur».
Ainsi, selon lui, «le Hirak authentique béni a sauvé l'Algérie d'une véritable catastrophe qui a failli anéantir l'Etat et ouvrir la voie à la violence». A partir de sa désignation par le défunt Gaïd Salah comme président de l’Algérie, Teboune estime que le Hirak n’a plus eu de raison d’être après décembre 2019, soit la date de son arrivée au palais d'El Mouradia. D’ailleurs, tente-t-il de justifier, ce ne sont que «des centaines de personnes» qui marchent encore aujourd’hui dans «seulement 8 wilayas» sur les 58 que compte le pays.
Tebboune a ensuite affirmé que «plusieurs centaines de milliards de dollars ont été détournés», au cours de ces vingt dernières années en Algérie. Oui, il faut bien lire des «centaines de milliards de dollars» détournés, dans un pays où le PIB avoisine les 160 milliards de dollars... Cette tendance à l’exagération, au mensonge aussi, est devenue la marque de fabrique d’un président, sans doute peu préparé à la fonction qu’il occupe, et visiblement très mal conseillé.
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C’est aussi sans doute sur le plan du radotage qu’il convient de placer ses propos au sujet d’une intervention militaire en Libye. Tebboune a affirmé que son pays était prêt à «intervenir d'une manière ou une autre» en Libye pour stopper l’avancée des forces du maréchal Khalifa Haftar, lors de leur offensive lancée sur la capitale, Tripoli, en 2019-2020. «Nous n'acceptons pas que la capitale d'un pays maghrébin et africain soit occupée par des mercenaires. Nous allions intervenir», a déclaré Tebboune, avant de s’exclamer : «Tripoli est une ligne rouge!». Question: qui sont donc les mercenaires auxquels fait référence Tebboune? La Russie du président Vladimir Poutine, principal alliée de la junte militaire qui dirige l’Algérie? Les soldats de la compagnie de sécurité privée Wagner, proche de Moscou?
En tout état de cause, les propos de Tebboune sur une intervention militaire de l’Algérie en Libye participent d’une propension du président algérien à la vantardise. La bataille de Tripoli a duré du 4 avril 2019 au 5 juin 2020. Durant ces longs mois, l’Algérie s’est bien gardée de proférer, ne serait-ce que l’ombre d’une menace à l’adresse de la coalition qui a épaulé le maréchal Haftar. Et aujourd’hui, Tebboune nous apprend que «quand nous avons dit “c'est une ligne rouge“, le message est parvenu et Tripoli n'a pas été occupée». Pitoyable.
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Bien évidemment, Tebboune a déversé une fois encore toute sa haine et sa bile contre le Maroc. S’il s’est gardé cette fois-ci de s’attaquer nommément à l’institution royale, comme il l’a fait dans son piteux entretien avec le magazine Le Point, Tebboune a une fois encore eu recours au mensonge. «Nous n’avons pas de problème avec le Maroc. Il est évident que c’est le Maroc qui a des problèmes avec nous», a-t-il affirmé sans sourciller. Et de préciser que «les Nations Unies considèrent le Sahara occidental comme un territoire colonisé». Un mensonge éhonté de la part d’un chef d’Etat. L’ONU considère en effet «le Sahara occidental comme un territoire non autonome» et les résolutions du Conseil de sécurité appellent à «une solution politique, réaliste», consubstantielle à l’exercice d’une autonomie sous souveraineté marocaine. Pourtant, Tebboune ment sans vergogne, avant de proférer ce qui tient davantage de la fanfaronnerie que de la menace: «nous n’accepterons pas le fait accompli» au Sahara.
Le constat est clair: Tebboune multiplie les sorties médiatiques à la veille des élections législatives de samedi 12 juin, qui seront un scrutin sans public. Dans une fuite en avant pathologique, le président Tebboune cherche à transformer ce scrutin, impopulaire, en un rendez-vous qui mobiliserait des millions d’Algériens. Pourtant, personne n’est dupe.
La junte militaire devrait soigner son homme lige de cette logorrhée aigüe, avec laquelle il s'attache à ruiner le peu de crédibilité qui reste au pouvoir algérien. La mission des généraux ne sera pas toutefois facile. Car si la diarrhée se soigne, la logorrhée, non.