Un journaliste algérien explique comment Alger tente d'entraver le retour du Maroc au sein de l'Union africaine

Ramtane Lamamra chuchotant à l'oreille de dlamini Zuma.

Ramtane Lamamra chuchotant à l'oreille de dlamini Zuma. . DR

Dans un article publié par notre confrère "Jeune Afrique", Farid Alilat, journaliste algérien établi en France, explique comment le retour du Maroc au sein de l'Union africaine passe mal auprès des officiels algériens, qui n'ont d'ailleurs lésiné sur aucun moyen pour entraver ce retour.

Le 04/01/2017 à 15h58

Un éclairage d'autant plus édifiant et crédible sur les manoeuvres orchestrées et menées par Alger dans la tentaive de "faire échec à la volonté du Maroc de réintégrer l'Union africaine" qu'il émane d'un Algérien. C'est celui que apporte le journaliste Farid Alilalt, dans une tribune publiée mardi 3 janvier par l'hébdomadaire parisien "Jeune Afrique". Sous ce titre "Adhésion du Maroc à l'UA: Alger bien décidé à faire échec à la volonté de Rabat d'exclure le Polisario", notre confrère algérien souligne que ce retour des Marocains au sein de l'organisation panafricaine passe mal auprès des officiels algériens, qui ne font d'ailleurs aucun mystère de leur crainte que ce retour implique l'éjection de la "RASD" de cette structure continentale. "A peine Rabat avait-elle exprimé son souhait de réintégrer l'instance panafricaine qu'Alger déclenchait sa machine politico-diplomatique pour lui faire échec", relève Farid Alilat, ressortissant algérien établi en France.

Les faits datent très précisément du 18 juillet 2016, lorsqu'à l'occasion du 27e Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UA, 28 pays africains amis répondent favorablement au souhait du Maroc de réintégrer sa famille africaine, qu'il n'a jamais vraiment quitté depuis son départ de l'UA en 1984 suite à l'admission scandaleuse de la "RASD" au sein de l'OUA (ancêtre de l'UA). Un souhait qui a pris forme en septembre dernier lorsque Rabat a saisi officiellement la présidente sud-africaine de la Commission de l'UA, Dlamini-Zuma, au sujet de sa décision de réintégrer la structure continentale, mais contre lequel Alger a agi férocement, via ses canaux diplomatiques et par médias interposés.

"Pour se convaincre de l’hostilité des autorités algériennes à un retour du Maroc au sein de l’Union africaine (UA), il suffit de lire un éditorial paru le 7 novembre dans les colonnes du quotidien El Moudjahid, répondant du tac au tac au discours prononcé la veille à Dakar par Mohammed VI à l’occasion du 41e anniversaire de la Marche verte", indique notre confrère algérien. "Porte-voix officiel du régime, El Moudjahid jugeait que ce retour allait "accentuer les divisions" entre pays africains, voyant dans la démarche du voisin de l’Ouest une "vaste campagne de propagande dont le but est de restaurer son image de marque, gravement altérée depuis son occupation du Sahara occidental"."Le quotidien du 20, rue de la Liberté invitait même le souverain marocain à y organiser "le plus tôt possible" un référendum d’autodétermination", relève encore Farid Alilat.

Retour du Maroc à l'UA: la contre-offensive algérienne

Notre confrère prête même attention aux détails sémantiques de la contre-offensive politico-diplomatico-médiatique enclenchée par son pays pour, sinon "saborder", du moins "contrecarrer" le souhait de Rabat. "En diplomatie, on ne dira jamais assez combien un mot peut changer le cours de l’Histoire. La contre-offensive s’est donc jouée d’abord sur un plan sémantique. Réintégration ou intégration, après trente-deux ans de politique de la chaise vide ? Pour Abdelkader Messahel, ministre algérien des Affaires maghrébines et africaines et de la Ligue arabe, il s’agit d’une "adhésion" plutôt que d’un "retour". Mettant en avant l’article 29 de l’acte constitutif de l’UA, qui fixe les conditions d’une adhésion, Messahel précise qu’"un pays africain qui veut adhérer à l’UA ne peut pas le faire sous condition, comme le stipule l’acte constitutif de l’organisation continentale".

Il apparaît à l'évidence qu'Alger, à défaut d'arguments recevables, voulait noyer le débat dans des vétilles lexicologiques, car elle savait que l'éjection de la "RASD", dont l'admission en 1982 a été une erreur monumentale, était inévitable dès lors que le Maroc décidait de réintégrer l'UA.

Ejection de la "RASD", panique à Alger

Plus directe, est la déclaration du Premier ministre Abdelmalek Sellal. "Le retrait du Front Polisario de l’Union africaine est impossible", soutenait, l’été dernier, le chef de l’Exécutif, cité par notre confrère Farid Alilat. Même son de cloche relevé du côté de Ramtane Lamamra, ministre algérien des Affaires étrangères. "Le Maroc serait le bienvenu en tant que 55e membre de l’Union africaine, sur un pied d’égalité avec les 54 États membres actuels en droits et en devoirs", affirmait le chef de la diplomatie algérienne, réputé être farouchement hostile au Maroc.

"Le Maroc une fois admis, les Algériens redoutent que les instances de l’UA ne deviennent de nouveaux théâtres d’affrontement entre Rabat et le Polisario", certifie Alilat, relayant aussi les déclarations d'un ex-ministre de la Communication et ex-ambassadeur d’Algérie en Espagne, soit Abdelaziz Rahabi. "Le Maroc, s’il s’avisait de contester la présence de la RASD à toutes les réunions de l’Union, lancerait un mauvais signal aux Africains. Pis: cette mise en cause des Sahraouis pourrait entraîner des blocages dans le fonctionnement même de l’UA", croyait savoir ce diplomate.

Lakhdar Brahimi, à contre-courant du discours officiel

"La voix de Lakhdar Brahimi passe pour être celle de la raison et de la sagesse. Au cours d’une conférence-débat, le 10 décembre, à Alger, ce diplomate au long cours a plaidé pour une remise à plat des relations entre son pays et le Maroc, passant, selon lui, par la réouverture des frontières terrestres. Ce n’est pas la première fois que ce proche d’Abdelaziz Bouteflika -que le président ne rate pas une occasion de recevoir- se montre favorable à une détente", constate Farid Alilat.

"Fermées depuis août 1994, au lendemain de l’attentat terroriste qui a ciblé un hôtel de Marrakech, les frontières constituent plus que jamais un motif de crispation entre les deux voisins", note-t-il.

Seulement voilà, "cette barrière n’est bien sûr pas le seul contentieux qui empoisonne les relations algéro-marocaines, le Sahara occidental étant, et de loin, la grande pomme de discorde obérant toute normalisation entre les deux capitales. Du coup, Lakhdar Brahimi appelle Alger et Rabat à "laisser de côté le problème du Sahara occidental afin de construire une économie commune fondée sur les échanges".

Un souhait louable mais qui risque de rester un "voeu pieux" du côté d'Ager qui, hélas, poursuit sa politique hostile, au mépris des relations de bon voisinage et de la communauté d'histoire et d'avenir.

Par Ziad Alami
Le 04/01/2017 à 15h58