Retour à l’UA: comment le roi a fait du pragmatisme une politique d’Etat

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Le message adressé par le roi Mohammed VI au 27e sommet de l’Union africaine, qui se tient à Kigali, porte les marques d’une approche politique directe, fondée sur l’action et le pragmatisme. Décryptage de la vision d’un roi.

Le 18/07/2016 à 13h29

Discours de la méthodeDès son accession au trône en 1999, le roi Mohammed VI n’a pas cherché à dire, mais à faire. Là où son père, feu Hassan II, excellait dans les joutes verbales ou les conférences de presse, Mohammed VI semble avoir opposé l’action et les faits tangibles.

Cette approche directe, qui peut même rompre parfois avec les usages diplomatiques, nomme les choses au lieu de les suggérer. Cette approche directe a été pratiquée dans plusieurs discours du roi liés aux affaires intérieures, mais elle a été portée à son point culminant dans le discours, prononcé par le roi le 20 avril à Ryad.

Le message adressé par le souverain au 27e sommet de l’Union africaine participe du même esprit que celui de Ryad. Pas de langue de bois. Pas de phraséologie.

Les mots ne peuvent pas se substituer aux réalisations. On réalise, et après on commente. En linguistique, on appelle cela des actes performatifs : dire, c’est faire. Le roi fait et dit ensuite. Il a construit une politique africaine, fondée sur l’économie et le respect mutuel. Une approche Sud/ Sud où il n’y a pas de colonisé et de colonisant, où il n’y a pas de supposé supérieur et de subordonné.

Cette vision africaine, le roi l’a résumée ainsi dans son message : « L’importante implication des opérateurs marocains et leur forte présence dans le domaine de la banque, des assurances, du transport aérien, des télécommunications et du logement, font que le royaume est à l’heure actuelle le premier investisseur africain en Afrique de l’Ouest.» Et de continuer : «Il est déjà le deuxième investisseur du continent, mais pour peu de temps encore, avec sa volonté affichée de devenir le premier.»

Premier investisseur en Afrique de l’Ouest et deuxième investisseur sur l’échelle du continent. Quel argument imparable ? Qui peut y trouver à redire ? Nous ne parlons pas de la Chine ou d’un pays industrialisé, mais du Maroc qui à sa mesure et surtout grâce à une vision tracée par le roi a compris que son avenir est intimement lié au continent.

Cette vision s’est concrétisée par des projets, des actions tangibles, des réalisations. Elle n’est pas le fruit d’un caprice, mais d’une politique soutenue dans le temps et qui a fait ses preuves pendant des années avec une détermination et une cohérence dans l’approche, jamais démenties au fil des ans. Aujourd’hui : «Les résultats parlent d’eux-mêmes et se passent de tout commentaire.» C’est cela le pragmatisme de la politique du souverain : les mots disent mieux quand ils se fondent sur des résultats.

«Je connais la réalité du terrain»«Je connais la réalité du terrain et l’affirme en mesurant mes mots». Cette phrase, prononcée par le souverain, peut constituer l’abécédaire de l’approche politique du roi Mohammed VI. Une connaissance de la réalité. Une approche concrète du terrain pour en mesurer les besoins et les actions à initier. Encore une fois, apparaît cette préoccupation de subordonner les mots aux actions. La réalité du terrain prime sur les discours. Les mots prennent une juste mesure seulement quand ils coiffent des actions concrètes. Le roi du Maroc est un homme d’action.

La méthode du roi Mohammed VI apparaît de plus en plus comme une vision cohérente, fondée sur l’action pragmatique, la construction, l’esprit empirique et non pas sur les envolées lyriques et les mots qui frappent les esprits.

L’argumentation par les chiffresLa «RASD», dont l’intégration en tant que membre dans l’Union africaine est à l’origine du retrait du Maroc de cette institution le 12 novembre 1984, n’a pas été éludée dans le discours du roi. Mais là encore la méthode repose sur des faits, des arguments et surtout des chiffres. Il n’y a pas de trémolos, ni de phrases pour s’indigner. 

Le roi commence par mettre l’Union africaine face à ses propres contradictions : «L’Union africaine n’est-elle pas en contradiction évidente avec la légalité internationale ? puisque ce prétendu Etat n’est membre ni de l’Organisation des Nations Unies, ni de l’Organisation de la Coopération Islamique, ni de la Ligue des Etats arabes, ni d’aucune autre institution sous régionale, régionale ou internationale ?»

Et d’ajouter : «Mais ce qui m’intéresse plus particulièrement, c’est la position de notre continent. L’UA resterait-elle, en déphasage avec la position nationale de ses propres Etats membres, puisqu’au moins 34 pays ne reconnaissent pas ou plus cette entité ?» Avant de conclure cette suite de preuves par les chiffres : «Cette évolution positive est, d’ailleurs, conforme à la tendance observée au niveau mondial. Depuis l’année 2000, 36 pays ont retiré leur reconnaissance à l’Etat fantôme.»

Les arguments convainquent mieux quand ils reposent sur des faits tangibles et quantifiables. C’est cela aussi la méthode du roi qui a affirmé que «cette décision de retour, réfléchie et longuement mûrie, émane de toutes les forces vives du royaume.»

Selon nos sources, de nombreux chefs d’Etat africains ont sollicité le roi pour qu’il prononce son discours au sommet de l’UA à Kigali. Tout était prêt pour que les mots du roi résonnent à Kigali. Mais il semblerait que les parties adverses du Maroc aient poussé pour qu’une minute de silence soit observée à l’UA pour «saluer» la mémoire du chef du Polisario, Mohamed Abdelaziz, décédé le 31 mai 2016. Une provocation que le Maroc ne pouvait supporter et qui fait sans doute partie de la longue liste des égarements d’une poignée de pays africains, hostiles au Maroc. Mais quand un roi est dans l’action mûrement réfléchie, il ne change pas de cap à cause d’un vent contraire.

L’action du Maroc dans le continent plaide pour notre pays et les résultats de la politique, à la fois concrète, déterminée et cohérente de Mohammed VI, imposent aujourd’hui le royaume du Maroc comme un membre incontournable de l’Union africaine.

Par Aziz Bada
Le 18/07/2016 à 13h29