Communauté de destin entre le Maroc et les pays du GolfeEntre le Maroc et les pays du Golfe, il est davantage question de destin commun que de partenariat stratégique. C’est le sens que confère Mohammed VI à cette première réunion entre le Maroc et les pays du Golfe. «Le partenariat entre le Maroc et les pays du Golfe n’est pas le produit d’intérêts conjoncturels ou de calculs éphémères. Il puise plutôt sa force dans la foi sincère en la communauté de destin et la concordance des vues concernant nos causes communes», explique le souverain. Et d’ajouter : «la défense de notre sécurité n’est pas uniquement un devoir commun, elle est une et indivisible. De fait, le Maroc a toujours considéré que la sécurité et la stabilité des pays du Golfe Arabe sont indissociables de la sécurité du Maroc. Ce qui vous porte préjudice nous affecte aussi et ce qui nous touche vous touche également». C’est la première fois que le roi du Maroc exprime aussi ouvertement la solidité des liens entre le Maroc et les pays du Golfe. Cette alliance prend l’allure d’un bloc homogène pour peser contre les dangers et menaces qui guettent l’un des pays membres. Avec des accents d’une sincérité rare, le roi affirme que «Le monde arabe traverse une période critique car ce que vivent certains pays n’est pas une exception, mais s’inscrit plutôt dans le cadre de plans programmés qui nous visent tous.» D’ailleurs, ce programme de déstabilisation n’épargne pas le Maroc.
Tentative de briser l’expérience singulière du MarocAvec un ton à la fois ferme et franc, qui rompt avec le langage diplomatique et les précautions rhétoriques, le roi a pris le taureau par les cornes pour pointer du doigt les défis auxquels sont confrontés le royaume du Maroc et les pays du Golfe, ainsi que la tentative de saboter le modèle marocain. Le souverain affirme: «après ce qui fut présenté comme un printemps arabe qui a occasionné tant de ravages, de désolations et de drames humains, nous voilà vivant aujourd’hui un automne calamiteux, avec le dessein de faire main basse sur les ressources des autres pays arabes et de briser les expériences réussies d’autres Etats, comme le Maroc, en portant atteinte à son modèle national original qui le distingue.»Pour la première fois, le chef de l’Etat parle aussi ouvertement de forces conspiratrices, en vue de faire échouer l’expérience, à la fois singulière et réussie, du modèle marocain dans le monde arabe. Ce programme qui a montré son efficacité au Machreq cible aussi la partie occidentale du monde arabe. «Après avoir morcelé et détruit nombre de pays du Machreq Arabe, les voilà qui s’en prennent aujourd’hui à son flanc occidental. Le dernier en date concerne les manœuvres orchestrées contre l’intégrité territoriale de votre deuxième pays, le Maroc», précise Mohammed VI à l’adresse des chefs d’Etat des pays du Golfe.
Le Sahara, carte à jouer pour déstabiliser le Maroc Aux yeux des forces ciblant la stabilité du Maroc, le Sahara fait office de talon d’Achille de notre pays. Sans nommer personne, Mohammed VI utilise “ils“ ou bien “les voilà“ pour désigner ceux qui manœuvrent contre les intérêts du Maroc. Le souverain ne nomme aucune partie, aucun pays, ce qui contribue à dramatiser les attaques auxquelles fait face le Maroc. Dans son discours, il y a des messages à décrypter. Et ceux que le roi désigne sans les nommer se reconnaîtront sans doute facilement. «Ils tentent, selon les conjonctures, soit de délégitimer la présence du Maroc dans son Sahara, soit d’appuyer l’option de l’indépendance et la thèse séparatiste, ou encore d’affaiblir l’Initiative d’autonomie dont la communauté internationale atteste le sérieux et la crédibilité», explique le roi.
«Avec la persistance de ces manigances, le mois d’avril, qui coïncide avec les réunions du Conseil de Sécurité sur l’affaire du Sahara, est devenu un épouvantail qu’on agite à la face du Maroc et, parfois, un moyen de pression ou d’extorsion», affirme Mohammed VI. Les mots utilisés sont durs (extorsion). Ils expriment sans doute une irritation qui a atteint son point culminant. Car, «cette fois-ci, la situation est grave et inédite dans l’histoire de ce conflit artificiel suscité autour de la marocanité du Sahara.» La raison, nous la connaissons depuis que le SG sortant de l’ONU s’est rendu à Tindouf en multipliant les déclarations et gestes hostiles au Maroc. «Les choses en sont arrivées au point d’engager une guerre par procuration où le Secrétaire général des Nations Unies est instrumentalisé pour essayer de porter atteinte aux droits historiques et légitimes du Maroc concernant son Sahara, comme en témoignent les déclarations partiales du responsable onusien et ses agissements inacceptables afférant au Sahara Marocain», précise le souverain.
Ban Ki-moon manipulé par ses collaborateurs«Que peut faire le Secrétaire général alors qu’il est l’otage de certains de ses collaborateurs et de ses conseillers, auxquels il délègue la supervision de la gestion de nombre de dossiers importants, en se contentant, lui, d’appliquer les propositions qu’ils lui présentent?», s’interroge le roi. Et d’ajouter : «L’on sait aussi que certains parmi ces fonctionnaires ont des parcours nationaux et des backgrounds politiques particuliers, et qu’ils servent les intérêts d’autres parties, sans respect de l’obligation de neutralité et d’objectivité à laquelle ils sont tenus du fait de leur appartenance à l’Organisation des Nations Unies, et qui se trouve être le fondement de l’action onusienne». Nombre de commentateurs reconnaîtront dans ce passage Christopher Ross, envoyé spécial de Ban Ki-moon au Sahara, et Jeffrey Feltman, SG adjoint aux affaires politiques à l’ONU.
Et le souverain d’apporter ce distinguo : «Je tiens ici à souligner que le Maroc n’a aucun problème ni avec les Nations Unies dont il est un membre actif, ni avec le Conseil de Sécurité dont il respecte les membres avec lesquels il interagit en permanence. Le problème est, plutôt, avec le Secrétaire général, et plus particulièrement avec certains parmi ses collaborateurs en raison de leurs positions hostiles au Maroc.»
Le Maroc diversifie ses partenairesEn matière de géopolitique et de relations internationales, le roi a exposé l’orientation du Maroc à diversifier ses partenaires. «Et c’est dans ce cadre que s’inscrit Notre visite réussie en Russie, le mois dernier, visite marquée par le développement de nos relations hissées au niveau de partenariat stratégique approfondi et par la signature d’accords structurants dans de nombreux domaines vitaux.» Le souverain a également précisé : «Nous nous acheminons également vers le lancement de partenariats stratégiques avec l’Inde et la République Populaire de Chine, où Nous nous rendrons en visite officielle bientôt». Nombre de commentateurs pourront voir dans cette nouvelle orientation géopolitique du Maroc une possibilité de non alignement, voire de rupture, avec ses alliés traditionnels. D’ailleurs, le roi ne fera aucun mystère sur ce point. «Le Maroc est libre dans ses décisions et ses choix et n’est la chasse gardée d’aucun pays. Il restera fidèle à ses engagements à l’égard de ses partenaires, qui ne devraient y voir aucune atteinte à leurs intérêts», précise le souverain.
«La situation est grave, surtout au regard de la confusion patente dans les prises de position et du double langage dans l’expression de l’amitié et de l’alliance, parallèlement aux tentatives de coups de poignard dans le dos». Rarement on aura éprouvé autant d’amertume à l’écoute d’un discours royal comme dans cet extrait. Mais il est clair qu’il existe des coups bas de la part d’amis ou alliés traditionnels du Maroc.
Modifier l’image de l’islamLe dernier point important à retenir du discours royal est l’exploitation, l'amalgame fait aujourd’hui entre terrorisme et islam. «Le terrorisme ne fait pas que nuire à la réputation de l’islam et des musulmans. Certains s’en servent aussi comme un prétexte pour diviser nos pays et pour y semer la zizanie», avertit le roi. «Cette situation exige d’ouvrir un débat franc et profond entre les différents rites pour corriger les mystifications, mettre en lumière la véritable image de l’Islam et réactiver les valeurs de tolérance qui sont les nôtres». Un vaste programme qui comporte aussi une part d’autocritique en laissant à d’autres la possibilité de salir l’image de l’islam sans faire le ménage de l’intérieur en engageant un débat sincère et serein.