Tribune. Quand l’Algérie joue avec le feu du séparatisme

L'ambassadeur du Maroc à Alger, Lahcen Abdelkhalek.

L'ancien ambassadeur du Maroc à Alger, Hassan Abdelkhalek. DR

Le régime algérien, dirigé par la junte militaire, a franchi un cap dangereux dans son hostilité contre le Maroc en fondant ce qu’il appelle le «Parti national rifain» et en le dotant d’une représentation à Alger. Dans cette tribune, l’ancien ambassadeur du Maroc à Alger, Hassan Abdelkhalek, revient sur les dessous de cette nouvelle escalade.

Le 06/03/2024 à 14h57

Avant de franchir ce pas, le régime militaire algérien, à travers ses services du renseignement extérieur, a essayé d’utiliser le Hirak du Rif, en 2017, pour tenter d’affaiblir le Maroc et attenter à son intégrité territoriale. Dans cette optique, il a financé la création de comités pro-Hirak du Rif dans plusieurs capitales européennes en plus de l’organisation d’une marche à Bruxelles en célébration du 101ème anniversaire de la proclamation de la prétendue «république du Rif».

En septembre 2023, et toujours à Bruxelles, les services du renseignement extérieur algériens ont créé le «Parti national rifain» pour lequel ils ont mobilisé une poignée de personnes sans réelle influence au Rif et qui sont réputées pour être proches de l’ancien parlementaire Saïd Chaou qui porte également la nationalité néerlandaise et qui fuit la justice marocaine qui le recherche pour trafic de drogue. Cet individu essaie depuis de donner à ses activités hostiles au Maroc une teinte politique.

L’Algérie avait à l’époque ordonné aux médias proches de la junte militaire de réserver une grande médiatisation à ce prétendu parti et à ses leaders, dont le dénommé Yuba El Ghaddioui. Cet individu, s’exprimant dans une déclaration sur la télévision officielle algérienne, a demandé aux locataires d’El Mouradia de réserver à son parti le même traitement, et les mêmes faveurs dont bénéficient les séparatistes du Polisario, en l’occurrence des centres d’accueil et d’entraînement au maniement des armes en plus de la reconnaissance de la prétendue république du Rif. Ce qui revient à dire que les médias officiels algériens ont relayé des appels à commettre des attentats terroristes contre le Maroc.

Et les autorités algériennes ont accédé à la demande de cette bande criminelle, le 2 mars 2024, en leur réservant une villa appartenant aux renseignements algériens, située sur le boulevard Bachir Ibrahimi au cœur de la capitale pour en faire le siège de la représentation du Rif.

Lors de toutes ces tentatives de déstabilisation du Maroc, le régime algérien n’a même pas caché son rôle dans le financement, au mépris des deniers du peuple algérien, d’agents au service de ses funestes desseins et pour encourager les tendances séparatistes dans la région du Rif marocain.

Dans cet ordre d’idées, rappelons que l’actuel ambassadeur algérien en Turquie, Amar Belani, ancien envoyé spécial en charge du Sahara et des pays du Maghreb au ministère des Affaires étrangères, avait décliné, dans des déclarations à l’agence de presse officielle APS en mai 2022, l’ignoble plan de son pays pour persévérer dans ses complots contre le Maroc et son intégrité territoriale après avoir échoué à séparer le Royaume de ses régions sahariennes. Le funeste Belani avait déclaré que «les dignes fils du Rif vivaient sous le joug d’un État voyou, eux qui rêvent d’une vie meilleure avec l’espoir d’une autodétermination dans le cadre de la mythique république du Rif proclamée par le grand leader Mohamed Ben Abdelkrim El Khattabi le 18 septembre 1921 et devant qui nous nous inclinons en tant que symbole de liberté et de justice».

Mais la réalité est que les divagations du régime algérien et de la bande de séparatistes qu’il a embrigadée n’a rien à voir avec les vérités historiques et géographiques. Mohamed Ben Abdelkrim El Khattabi était un unioniste et n’a jamais appelé à séparer le Rif du Maroc.

Les chercheurs gardent à l’esprit ses déclarations en 1947 à la radio égyptienne quand il a affirmé qu’il n’avait aucune ambition pour s’emparer du trône et moins de créer un état indépendant du Royaume marocain. En 1960, pour ceux qui ont la mémoire courte, le même Mohamed Ben Abdelkrim El Khattabi avait reçu, chez lui au Caire, Feu Mohammed V qui lui avait accordé une retraite prélevée sur le budget de l’État alors que ses deux fils, Mohammed et Abdeslam, avaient rejoint les rangs des Forces armées royales (FAR). Est-il aussi utile de rappeler les déclarations de sa fille Aïcha qui affirmait que son père lui disait que le fait que la constitution de la république du Rif stipule que cette région n’appartenait pas au Maroc était une simple manœuvre politique et que cela était plutôt destiné à contrer la colonisation espagnole et les arguments utilisés par le régime franquiste contenus aussi bien dans l’accord d’Algésiras de 1906 que dans l’accord du Protectorat signé en 1912.

En accueillant à bras ouverts et en finançant les prétendus séparatistes rifains, le régime algérien ne fait que s’enfoncer dans ses propres contradictions et se dévoiler devant l’opinion publique internationale. C’est ce même régime qui, en mai 2021, avait classé comme organisation terroriste le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) qui milite pour l’indépendance de plusieurs régions avant d’en emprisonner plusieurs leaders et militants. Comment dès lors prétendre que le parti national rifain était un mouvement de libération nationale?

En réponse aux hostilités algériennes et à son appui sans faille aux séparatistes du Polisario, sous prétexte de défendre le droit à l’autodétermination, le ministre algérien des Affaires étrangères était revenu à la charge, les 13 et 14 juillet 2021, lors de la tenue du Sommet des pays non-alignés. Le représentant du Maroc auprès de cette organisation avait alors adressé une lettre à la présidence azerbaïdjanaise dans laquelle il démonte la position du pays voisin qui se permet de s’ériger en «grand défenseur du droit à l’autodétermination, tout en déniant ce même droit au peuple kabyle, l’un des plus anciens de l’Afrique».

Le Maroc s’est contenté de souligner la duplicité des positions algériennes sur le volet du droit à l’autodétermination sans aller jusqu’à recevoir sur son sol les leaders du MAK, financer leurs activités ou leur réserver une représentation à Rabat. Le Maroc s’en tient aux valeurs de bon voisinage et de non-ingérence dans les affaires intérieures du voisin algérien.

Cette noble position a été soulignée et renouvelée par le roi Mohammed VI dans son discours du Trône en 2021. «Je rassure nos frères en Algérie: vous n’aurez jamais à craindre de la malveillance de la part du Maroc qui n’est nullement un danger ou une menace pour vous. En fait, ce qui vous affecte nous touche et ce qui vous atteint nous accable. Aussi, Nous considérons que la sécurité et la stabilité de l’Algérie, et la quiétude de son peuple sont organiquement liées à la sécurité et à la stabilité du Maroc», avait affirmé le Souverain.

Il est donc regrettable de voir le régime algérien, aveuglé par sa haine du Maroc et ne reconnaissant pas les sacrifices consentis par le Royaume au profit de la révolution algérienne depuis le Rif qui lui avait servi comme base arrière, placer cette même région au centre de ses prétentions en faisant appel à des individus liés à un trafiquant de drogue.

Cette ignoble tentative de porter atteinte à l’intégrité territoriale du nord du Maroc est purement vouée à l’échec. Ce même échec qui a été le résultat de 48 ans de complots contre l’intégrité du Royaume au sud. Cette tentative est condamnable à plusieurs égards, partant du fait que la communauté internationale a érigé la non-ingérence dans les affaires des autres pays en valeur suprême.

«Aucun État n’a le droit d’intervenir, directement ou indirectement, pour quelque raison que ce soit, dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre État. En conséquence, non seulement l’intervention armée, mais aussi toute autre forme d’ingérence ou toute menace, dirigées contre la personnalité d’un État ou contre ses éléments politiques, économiques et culturels, sont condamnées», lit-on dans la résolution 36/103 de l’Assemblée générale de l’ONU en date du 9 décembre 1981.

Isolé au niveau de la région et dos au mur face à de graves problèmes intérieurs, le régime algérien cherche à rompre ce cercle vicieux en inventant des épouvantails et des complots étrangers. Il joue avec le feu en recourant à la carte du Rif et ses tentatives sont vouées à l’échec.

Plus que jamais, ce régime doit comprendre que l’intégrité territoriale de l’Algérie dépend aussi du respect de l’intégrité territoriale des pays voisins. La raison veut qu’on privilégie l’unité et non pas le séparatisme.

Tribune publiée initialement en langue arabe par nos confrères du site Anfaspress. Nous la reproduisons avec l’accord de l’auteur.

Par Hassan Abdelkhalek
Le 06/03/2024 à 14h57