Sommet de la Ligue arabe: Lamamra annonce une nouvelle date «symbolique», dans l’espoir d’éviter un désaveu à Tebboune

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune et le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra.

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune et le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra. . Le360 (photomontage)

Le chef de la diplomatie algérienne cherche piteusement à dépêtrer Tebboune du bourbier où il l’a mis. Dans ce qui ressemble à une communication de crise, Lamamra a annoncé, hier, que Tebboune proposait pour le sommet de la Ligue arabe, prévu en Algérie, une nouvelle date «alliant la symbolique nationale historique et la dimension arabe». Analyse.

Le 23/01/2022 à 11h46

Le360 a annoncé dans un article publié vendredi dernier, que le sommet de la Ligue arabe, prévu en Algérie, a été reporté à la fin de l’année 2022. Ramtane Lamamra a confirmé nos révélations, hier samedi, en précisant, selon une dépêche de l’APS, que «le président de la République compte proposer une date (pour le sommet de la Ligue arabe, Ndlr) alliant la symbolique nationale historique et la dimension arabe, une date qui consacre les valeurs de la lutte commune et de la solidarité arabe».

Donc, après s’être engagé à organiser le sommet de la Ligue arabe au mois de mars, Tebboune a décidé de reporter le rendez-vous, car il a trouvé une bien meilleure date «alliant la symbolique nationale historique et la dimension arabe». Selon nos informations, cette fameuse date symbolique, non dévoilée par Lamamra, sera celle du mois de novembre 2022. Le 1er novembre 1954 marque en effet le début du soulèvement des nationalistes algériens contre la présence française. Selon les médias algériens, cette date commémore le déclenchement de la guerre de libération nationale contre le joug colonial français.

Première question qui s’impose: est-ce que la junte algérienne a perdu la raison au point de vouloir associer une commémoration à la fois locale et historique aux enjeux actuels dans le monde arabe? Deuxième question: est-ce avec le slogan d’une date symbolique que Lamamra compte sérieusement réhabiliter la parole du chef de l’Etat qui s’est engagé à organiser un sommet de la Ligue au mois de mars?

Troisième question: le Royaume du Maroc a massivement appuyé ce qu’on appelait à l’époque «l’armée des frontières», dont faisait partie Houari Boumédiène. Est-ce que le régime algérien va reconnaître, dans cet élan de «solidarité arabe», le soutien du Royaume à l’Algérie dans sa lutte pour l’indépendance ou bien va-t-il bloquer cette solidarité à ses frontières avec la Tunisie?

L’APS précise que Lamamra a formulé, au nom de Tebboune, la nouvelle proposition de date «lors d'une audience accordée au siège du ministère à des ambassadeurs de pays arabes accrédités en Algérie, dans le cadre d'une rencontre de concertation entrant dans le cadre des rencontres périodiques avec le corps diplomatique». Cette réunion a tout d’une communication de crise, dans l’espoir de dépêtrer le président Tebboune d’un cinglant désaveu.

Lors de cette rencontre, Lamamra a affirmé que le régime algérien va œuvrer lors de l’hypothétique sommet de la Ligue arabe, prévu au mois de novembre à Alger, à «unifier les rangs et créer un climat consacrant les valeurs de fraternité et d'unité et promouvant l'action arabe à des perspectives prometteuses». Où sont passées les déclarations de novembre dernier, quand Lamamra affirmait sans sourciller que «le sommet arabe prochain sera le sommet de la solidarité interarabe et le soutien de la cause palestinienne et du peuple sahraoui»? Le chef de la diplomatie algérienne semble avoir appris en trois mois le sens des réalités et pris la mesure du poids de l’Algérie dans le monde arabe.

De plus, comment le régime algérien peut-il parler d’«unifier les rangs et créer un climat consacrant les valeurs de fraternité et d'unité», alors qu’il a unilatéralement rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc et fermé son espace aérien avec son voisin de l’ouest? Sans parler des frontières terrestres, les seules en Afrique et dans le monde arabe qui sont fermées, depuis 1994. Est-ce dans ces conditions qu’on peut avoir la légitimité morale pour créer un «climat de fraternité et d’unité»? Le régime algérien est décidément celui des slogans creux et des paroles qui ne se concrétisent pas par des actes performatifs.

Néanmoins, retenons que pour le chef de la diplomatie algérienne, il n’est plus question dans le prochain sommet de la Ligue arabe de front contre les pays normalisateurs avec l’Etat d’Israël et encore moins de «cause sahraouie». Les pays arabes feront sans doute la charité au régime algérien de cette offre de «date symbolique», mais à la condition que le cahier des charges, à la fois protocolaire et administratif de même que le communiqué final, soient clairement définis au préalable par Etats membres de la Ligue arabe. La date de ce sommet, sous conditions, devrait être annoncée à l’occasion d’une réunion le 9 mars des ministres arabes des Affaires étrangères.

D’ici là, le régime algérien devrait faire profil bas et surtout éviter au président Tebboune de s’embourber dans une autre annonce avilissante.

Par Amine El Kadiri
Le 23/01/2022 à 11h46