Le sommet de la Ligue arabe reporté, le régime algérien ne sait pas comment l’annoncer pour ne pas désavouer Tebboune

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune . DR

Le sommet de la Ligue arabe, prévu en Algérie, a été reporté à la fin de cette année. Le président algérien, Tebboune, avait pourtant annoncé sa tenue au mois de mars. Désavoué et humilié par ce report, le régime algérien ne sait comment l’annoncer au peuple algérien.

Le 21/01/2022 à 11h09

Le sommet de la Ligue arabe n’aura pas lieu en Algérie. Ni en mars, ni au printemps, pas même au cours de l’été prochain. Il est question d’un sommet «sous conditions» à Alger à la fin de l’année 2022, a appris Le360 auprès d’une source bien informée au Caire.

Une dépêche de l’APS, datée du 19 janvier, rend compte d’une conférence de presse, animée à Alger par le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, Houssam Zaki. Pour ne pas embarrasser le régime algérien plus qu’il ne l’est déjà, celui-ci a affirmé que la date du sommet de la Ligue arabe sera fixée au mois de mars, et que «ce qui est certain c'est que le Sommet ne sera pas tenu avant le mois sacré du Ramadan, en avril prochain».

Même si elle prépare, avec des mots formulés à doses homéopathiques, un report sine die du sommet, la déclaration du secrétaire général adjoint de la Ligue arabe vient tout de même apporter un démenti au président Tebboune, alors qu'il avait annoncé la tenue de ce sommet au mois de mars.

D’ailleurs, peu de commentateurs ont relevé le caractère humiliant du déplacement, en début de cette semaine, d’une délégation de la Ligue arabe, venue s’enquérir des capacités de l’Algérie à organiser un sommet. Une telle démarche serait impensable si ce sommet devait se tenir en Egypte, au Maroc, en Arabie Saoudite, au Qatar ou aux Emirats Arabes Unis. Mais passons, car l’essentiel est ailleurs. 

Le régime des paroles vainesEn novembre 2021, le président Abdelmadjid Tebboune a prononcé une allocution à l'occasion de la Conférence des chefs de missions diplomatiques et consulaires algériennes. Dans cette intervention, le président algérien a annoncé que «le sommet de la ligue se tiendra en Algérie au mois de mars».

Au cours de ce même mois de novembre 2021, le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, a déclaré lors de la fin des travaux du colloque qui a réuni les chefs de missions diplomatiques et consulaires algériens, que «le sommet arabe prochain sera le sommet de la solidarité interarabe et le soutien de la cause palestinienne et du peuple sahraoui». Cette déclaration été relayée tambour battant par les médias de la junte, dont le quotidien L’Expression.

Une question se pose dès lors avec insistance: pourquoi l’Algérie est-elle incapable d’organiser un sommet, pourtant annoncé par le chef de l’Etat? Qu’est-ce qui a empêché le régime algérien de concrétiser ses annonces, ses promesses et ses menaces? Où est ce retour en force de la diplomatie algérienne sur la scène arabe et internationale? C’est la première fois dans les annales de la Ligue arabe qu’un pays annonce un sommet, dont il s’avère ensuite qu’il est incapable de l’organiser.

A ce jour, les médias affiliés à la junte continuent de parler d’un sommet «dans les prochaines semaines», ce qui traduit bien l’embarras du régime à annoncer le report de fait du sommet de la Ligue arabe à la fin de l'année 2022, alors que le président Tebboune avait annoncé sa tenue en mars, devant un parterre composé du chef d’état-major, Saïd Chengriha, et de hauts responsables du régime.

Ce raté monumental de l’organisation du sommet de la Ligue arabe met les feux des projecteurs sur la façon épidermique et émotionnelle dont est dirigée l’Algérie après la mise à l’écart de Bouteflika. Le président Tebboune parle pour parler, dégradant ainsi le poids de la parole du chef d’Etat qu'il est censé être, en multipliant les effets d’annonce et les fanfaronnades. Les annonces du président Tebboune évoquent davantage des paroles proférées au café du commerce que des propos dûment réfléchis, et qui se traduiraient par des actes performatifs. L’échec humiliant de l’organisation en Algérie d’un sommet arabe au mois de mars vient donc apporter la preuve supplémentaire que ce régime s’engage dans des dossiers qu’il est ensuite incapable de gérer.

Le régime algérien paie cash l’escalade contre le MarocLe régime algérien est aussi en train de payer au prix fort les tensions qu’il a créées avec le Maroc. Les Etats influents de la Ligue arabe n’apprécient guère l’escalade alimentée par le régime algérien contre le Royaume et estiment même que les conditions ne sont pas réunies pour organiser un sommet à Alger. «En réalité, le régime algérien a voulu exploiter une échéance et s’est rendu compte, avec la position ferme des pays du Golfe en faveur de la marocanité du Sahara, de l’intransigeance du secrétariat général de la Ligue arabe sur la carte officielle des Etats membres comprenant l’intégrité territoriale du Maroc, qu’il n’a plus de marge [de manoeuvre] correspondant à l’instrumentalisation qu’il voulait faire de ce sommet», explique, contactée par Le360, une source diplomatique bien informée.

Quand il s’est rendu compte que l’intégrité territoriale du Maroc était une ligne rouge, le régime algérien a essayé d’envelopper cet échec avec des expédients du genre: «il faut davantage œuvrer pour le retour de la Syrie dans la Ligue arabe», «unifier les pays arabes», alors que tout le monde sait que ce sommet n’a jamais été conçu par le régime algérien pour unifier les rangs des pays arabes, puisqu’il été clairement dit par Lamamra qu’il sera celui de la cause palestinienne et de la «cause sahraouie». «Le régime algérien s’est rendu compte qu’il n’a pas d’influence et pas de marge [de manœuvre] dans le monde arabe. C’est pour cela qu’il a été contraint aujourd’hui de reporter le sommet et n’ose même pas donner de date», poursuit cet interlocuteur.

Constatant l’échec sévère de ses manœuvres, la junte se cramponne maintenant à la Syrie, élevée au rang d’enjeu. Ce vendredi, les médias algériens continuent d’affirmer que «le sommet de la Ligue arabe qui se tient à Alger devrait être celui du retour de la Syrie». Il convient de souligner que le Royaume du Maroc ne fait même pas partie des pays qui s’opposent au retour de la Syrie à la Ligue arabe. Donc, ce qui est présenté aujourd’hui par les médias algériens comme un nouvel enjeu qui contrarierait les visées du Maroc est en fait une manœuvre de diversion qui fait bien rire tous les Etats, bien au fait des revers humiliants de la junte dans l’organisation de ce sommet.

La seule constante dans ces palinodies en série, c’est que le régime algérien fait une annonce au plus haut niveau de l’Etat et ensuite, il fait marche arrière. Ce rétropédalage laborieux est ce qui définit le mieux le régime algérien. Il ne faut pas dès lors s’étonner du très peu d’influence de ce pays.

Une réunion ministérielle aura lieu au mois de mars au siège de la Ligue arabe au Caire. «Lors de cette réunion, le régime algérien va devoir décliner le cahier des charges à la fois protocolaire et administratif, s’il ne veut pas voir un report sine die se transformer en annulation du sommet ou sa délocalisation dans un autre pays», confie cette source. Le cahier des charges de ce sommet, ce sont les Etats membres de la Ligue arabe qui le définissent et non le pays hôte. Visiblement, ce «diplomate chevronné», qualificatif avec lequel les Algériens aiment à présenter Lamamra, a oublié d’expliquer cette évidence à Tebboune et de lui éviter ainsi une cuisante humiliation publique.

Par Wadie El Mouden
Le 21/01/2022 à 11h09