La junte algérienne aura beau jouer des coudes dans les coulisses, activer ses réseaux et une panoplie d’armes de désinformation, à coup d’annonces de chimériques victoires, et ouvrir grand son chéquier pour peser sur la balance, rien n’y fait. Tenu ces 18 et 19 février 2023, le Sommet de l’Union africaine apporte de nouveau la preuve que le vent a définitivement tourné à l’échelle du continent en ce qui concerne le dossier du Sahara atlantique.
De la 36e session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UA, une rencontre majeure de l’organe suprême de l’institution panafricaine, on retiendra que le dossier du Sud marocain n’en est plus un. Et pour cause, aucune référence, citation ou débat sur cette question n’a été ne serait-ce qu’évoquée. Absence totale dans les documents de l’UA de la moindre référence au Sahara atlantique dans tous ses aspects, y compris la question des droits de l’Homme que le régime répressif d’Alger a vainement essayé de glisser.
Il a été question d’une conférence sur la Libye, de la création d’une zone de libre-échange continentale africaine et du maintien de la suspension du Burkina Faso, du Mali, de la Guinée et du Soudan. Mais la question du Sahara, dans tous ses aspects, n’a fait l’objet d’aucune citation ou référence ni dans le rapport annuel du Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA, ni dans les documents de travail et projets de décision examinés par le Sommet. La preuve que désormais, le dossier est du ressort exclusif des Nations unies et une confirmation de plus de la validité de la décision 693, adoptée à l’unanimité lors du Sommet de Nouakchott en 2018 déjà, qui stipule l’exclusive de l’ONU sur la question, le rôle de l’Union africaine consistant uniquement à apporter un soutien efficace aux efforts conduits par les Nations unies.
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La neutralité actée de l’Union africaine s’agissant de la question du Sahara est d’autant plus fâcheuse pour la junte au pouvoir en Algérie que celle-ci ne cesse de faire pression pour influer sur des pays africains de plus en plus nombreux à s’aligner sur la position marocaine et la légitimité de sa souveraineté sur la partie sud de son territoire. L’annonce faite au cours de ce sommet au nom du président algérien Abdelmadjid Tebboune est un cas d’école en la matière. Comptez 1 milliard de dollars promis à l’Agence algérienne de coopération internationale pour la solidarité et le développement, officiellement destiné «au financement des projets de développement dans les pays africains». C’est en tout cas l’essentiel du discours prononcé à cette occasion, au nom du président algérien, par le Premier ministre Aïmene Benabderrahmane.
«J’ai décidé d’injecter un montant d’un milliard de dollars US, au profit de l’Agence algérienne de coopération internationale pour la solidarité et le développement, pour le financement de projets de développement dans les pays africains, notamment les projets d’intégration ou ceux à même de contribuer à accélérer le développement en Afrique», a dit Abdelmadjid Tebboune, relayé par les médias algériens. Rien que cela.
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Mieux: l’agence, créée en avril 2020 et qui se clame bras financier de l’influence diplomatique algérienne en Afrique, «entamera les procédures d’exécution de cette initiative stratégique en coordination avec les pays africains souhaitant en bénéficier». Entendez un appel clair au ralliement avec la promesse d’une alléchante carotte, sonnante et trébuchante, à l’adresse d’éventuels «Swing States» africains s’agissant du Sahara. Un véritable appel d’offres à l’adresse des candidats qui acceptent de monnayer une hostilité au Royaume.
La méthode est ancienne. En 2021, le même Tebboune avait déjà fait «don» de 100 millions de dollars à l’Autorité palestinienne. L’Algérie a également octroyé pareille somme, en plus d’un prêt de 200 millions de dollars, à la Tunisie d’un Kaïs Saïed ouvertement autocrate et qui a transformé une vieille nation en satellite vassalisé à Alger. Mais s’il a un temps fonctionné, il est peu probable que l’attrait de l’argent opère de nouveau. L’Afrique a changé et ses pays aspirent à bien mieux qu’une aumône en échange d’un alignement sur une junte qui continue de se prendre pour une grande puissance aux infinies richesses, alors que les budgets colossaux consacrés au dossier du Sahara sont débloqués au détriment d’un peuple algérien qui manque, encore aujourd’hui, de tout. Il n’y a qu’à voir les chaînes interminables d’Algériens qui se lèvent à 4 heures du matin dans l’espoir de se procurer un sachet de lait pour comprendre que charité bien ordonnée commence par soi-même.
Malgré une répression aussi brutale que massive des voix dissonantes qui osent notamment dénoncer ce paradoxe algérien, cette annonce n’a pas manqué d’horripiler les rares médias algériens qui s’expriment depuis l’étranger. Un quotidien comme Le Matin d’Algérie ne s’y trompe pas quand il s’interroge sur la crédibilité même d’une telle «fable». «Ainsi donc, l’Algérie est assez riche et développée pour sortir une somme aussi importante pour des pays africains! Qui peut croire à une telle fable? À l’heure où des millions d’Algériens tirent le diable par la queue, Tebboune s’amuse à utiliser la diplomatie du chèque pour gagner les grâces de pays pauvres», peut-on y lire. «Quelles retombées pour l’Algérie et son peuple? Aucune. L’Algérie a-t-elle une plus grande influence depuis sur ces pays africains? Peu sûr», relève encore ce média qui souligne que Tebboune et ses ordonnateurs dilapident de la sorte l’argent public sans qu’aucune autorité ne pipe mot. Ainsi va l’Algérie mais une question s’impose: jusqu’à quand?