Sahara: comment Alger s’est payé au prix fort les services d’un ami de John Bolton pour contrer les intérêts du Maroc

David Keene, lobbyiste US pro-polisario, avec John Bolton, conseiller du président Trump pour la sécurité intérieure. 

David Keene, lobbyiste US pro-polisario, avec John Bolton, conseiller du président Trump pour la sécurité intérieure.  . DR

La révélation faite mardi dernier a produit l’effet d’une bombe: pas moins de 26.000 euros (286.000 DH) sont versés chaque mois par Alger à un ami du conseiller du président Trump pour la sécurité, John Bolton, pour contrer l’intégrité territoriale du Maroc. Décryptage.

Le 09/05/2019 à 10h46

L’information ébruitée, mardi 8 mai dernier à Las Palmas, par le président du Forum sahraoui-canarien, Miguel Ortiz, secoue le landerneau médiatico-diplomatique. Une mensualité de 26.000 euros (286.000 DH) est mensuellement versée aux frais du contribuable algérien au profit de la firme-Conseil américaine, Keene Consulting, dirigé par David Keene, qui fait partie du cercle d’influence de John Bolton, conseiller du président américain Donald Trump pour la sécurité intérieure.

Pas besoin d’être grand devin pour connaître les tenants et aboutissants de cette offre sonnante et trébuchante faite par Alger à l’ami de John Bolton, David Keene, ancien président de la très puissante National Rifle Association (NRA), le lobby des armes à feu, résolument pro-Républicaine, et où J. Bolton avait lui-même été recruté en tant que chargé des Affaires internationales.

Il suffit de consulter les billets publiés par David Keene dans la rubrique «Opinion» du Washington Times, dont il était responsable, pour se rendre à l'évidence de son parti-pris flagrant et non moins intéressé en faveur de la pseudo-«cause sahraouie». En octobre 2013, il publiait ainsi un appel pour «l’autodétermination du Sahara occidental». En mai 2015, suite au décès de l’ex-chef du polisario, Mohamed Abdelaziz, il rendait à ce dernier un hommage appuyé dans le même quotidien.

Le360 a d’ailleurs été on ne peut plus explicite en épinglant, dans un article publié pas plus tard que le 13 février 2019, sous l’intitulé «les tartufferies de l’ambassadeur d’Alger à Washington», les offres généreuses faites par le voisin de l’est aux lobbies américains, dont Keene Consulting, dirigé par David Keene, pour servir les thèses séparatistes du polisario.

Précisément, le contrat conclu avec David Keene remonte au 1er novembre 2018, et donc quelques heures après l’adoption par le Conseil de sécurité d’une résolution à charge contre le tandem Alger-polisario, en l’occurrence la 2440. Signe des temps: jamais Alger n’avait été citée autant de fois en tant que «partie» au conflit (au moins trois fois).

Le deal conclu par Alger avec le cabinet de lobbying de David Keene, entre autres firmes de conseil américaines (notamment le cabinet Foley Hoag, basé à Boston), avait également pour objectif de redorer l’image écornée d’Alger auprès de l’Administration américaine, et asseoir sa présence au sein d’un Sénat américain, où les Républicains ont renforcé leur domination à l’issue des élections de mi-mandat du 6 novembre 2018. David Keene devait alors compter sur ses soutiens indéfectibles à la Chambre haute du Parlement, notamment Lindsey Graham, James Inhofe (Républicains) et Patrick Leahy (Démocrate), réputés être de fidèles relais de l’Algérie et du Polisario.

Sahara: quand John Bolton faisait part de sa «frustration» quant à la longévité du conflit

Rappelez-vous bien: le 13 décembre 2018, le Conseiller du président Trump pour la sécurité nationale, John Bolton, exprimait sa «frustration» sur la manière dont est géré le dossier du Sahara par l’ONU. Un constat en passant: John Bolton, qui s’exprimait devant le Think Tank américain Heritage Foundation, avait fait part de cette «frustration» un mois après la conclusion du contrat, le 1er novembre 2018, entre Alger et le cabinet de lobbying dirigé par son ami David Keene. Est-ce une coïncidence? Son ami l’ex-président de la NRA est-il pour quelque chose dans la sortie de Bolton?

En tout cas, John Bolton s’était montré à cette occasion particulièrement irascible, au point d’avoir eu des mots assez durs à l’endroit de la Minurso, dont l’utilité avait même été remise en question, à la grande stupeur du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, pour ne pas parler des autres membres influents du Conseil de sécurité, dont la France, membre permanent de cette instance décisive onusienne.

Il faut rappeler aussi que, dès avril 2018, à l’issue de l’adoption de la résolution 2414, la durée du mandat de la Minurso a été écourtée à six mois seulement, au lieu d’une année supplémentaire, comme c’était le cas auparavant.

Là encore, il n’échappe à personne que c’est John Bolton qui est à l’origine de cette initiative, dont l’objectif serait de «presser» les parties au conflit de revenir à la table des discussions et remettre sur les rails le processus de négociations, engagé en 2007, à Manhasset, pour trouver une issue politique au conflit créé autour du Sahara.

Par M'Hamed Hamrouch
Le 09/05/2019 à 10h46