Mais de qui l’ambassadeur d’Alger à Washington se moque-t-il? Invité du Think Tank américain, Center for The National Interest, hier mardi 12 février à Washington, Majid Bouguerra devait initialement se prononcer sur ce thème cher aux Américains: la lutte antiterroriste. Mais le compte rendu de l’agence officielle algérienne, APS, de cette rencontre est complètement anglé sur les relations entre l’Algérie et le Maroc. Dans une dépêché inhabituellement intitulée «La question sahraouie n’est pas un obstacle au développement des relations (entre l’Algérie et le Maroc)», l’APS nous sert une musique différente des sirènes de haine en direction de Rabat auxquelles elle nous a habitués.
Le régime algérien a décidé depuis une année de mener une campagne de séduction tous azimuts en direction des Etats-Unis afin de faire passer la pilule de la candidature à un cinquième mandat d’un président, invalide et incapable de s’exprimer en public. Les yeux doux d’Alger en direction de Washington ont pris plusieurs avatars. Il suffit de citer le recours par le PDG de la Sonatrach, Abdelmoumen Ould Kaddour, aux services d’International Policy Solutions (IPS), un cabinet de lobbying dont il est attendu de favoriser les partenariats entre l’entreprise étatique algérienne et les industriels américains, la finalisation d’un contrat avec un autre cabinet de lobbying, Foley Hoag, davantage actif en politique et dont la principale mission consiste à contrer l’intégrité territoriale du Maroc, le déplacement aux USA du chef du patronat algérien, Ali Haddad (très proche de Saïd Bouteflika), en compagnie d’une délégation d’hommes d’affaires du 14 au 17 janvier. Et enfin le recrutement par l’ambassadeur d’Algérie à Washington, Majid Bouguerra, de David Keene, un ancien président de la très puissante Nationale Rifle Association (NRA), qui défend la vente des armes à feu, et homme réputé proche de John Bolton, conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump.
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C’est dans ce contexte de séduction des Etats-Unis et de tentative de redorer le blason d’Alger bien terni par une candidature qui suscite à la fois indignation et moqueries que le diplomate algérien s’est exprimé hier devant un Think Tank américain. Il croyait trouver un prétexte (providentiel!) pour déplier l’éphéméride des faux exploits réalisés par son pays en matière de lutte antiterroriste, notamment dans la région sahélo-saharienne, oubliant à son insu qu’il se trouvait devant un panel de diplomates américains plutôt avertis.
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L'intéressé comprendra alors que la question qui lui était posée par un diplomate US portait plutôt sur «le manque de coopération» de l’Algérie avec le Maroc sur les questions sécuritaires, comme le confirment les incessants griefs formulés à cet effet par le patron du Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ), Abdelhak Khiame.
Or, ce n’est pas de cet œil lucide que semble le voir l’ambassadeur d’Alger à Washington. Il a affirmé, toujours d’après l’APS, qu’«il existait une coordination entre les services chargés de la lutte antiterroriste des deux pays»!
Bien sûr, la lumineuse trouvaille du diplomate algérien n’emballe même pas un enfant de chœur, à fortiori des diplomates américains qui sont tout sauf naïfs.
Mais passons, car une tartufferie devrait en appeler d’autres. «La position de l’Algérie à l’égard de la cause sahraouie est constante», a embrayé ledit diplomate algérien– à juste titre d’ailleurs. Pas besoin de rappeler cette «position constante» délibérément hostile à l’intégrité territoriale d’un pays voisin, membre des Nations unies, en l’occurrence le Maroc. Toutefois, le diplomate algérien ne trouve aucun embarras à dire que cet acte d’hostilité «ne pouvait être un obstacle au développement des relations entre l’Algérie et le Maroc»! Il ajoute même: le contentieux sur le Sahara «n’empêche pas, pour autant, le développement d’une coopération bilatérale avec le Maroc.» Et on n’est pas au bout de nos surprises car l’ambassadeur algérien déplore que «les appels de l’Algérie à l’adresse du Maroc pour discuter directement des problèmes de la migration et du trafic de drogue n’ont pas trouvé échos auprès de la partie marocaine.»
On croit rêver ! Pas plus loin que le 6 novembre 2018, le roi Mohammed VI a appelé dans un discours commémorant le 43ème anniversaire de la Marche verte à un dialogue «direct et franc» entre l’Algérie et le Maroc. Il a même proposé la création d’un «mécanisme politique conjoint de dialogue et de concertation», précisant que «le niveau de représentation au sein de cette structure, son format, sa nature sont à convenir d’un commun accord». «Le Maroc est ouvert à d’éventuelles propositions et initiatives émanant de l’Algérie» pour asseoir les relations entre les deux pays «sur de solides bases de confiance, de solidarité et de bon voisinage», a ajouté le souverain.
Etonnant que le diplomate algérien ne soit pas au courant de cette main tendue par le chef de l’Etat marocain au voisin de l’est. Encore plus étonnant qu’il ne sache pas que l’appel du roi n’a pas trouvé d’écoute attentive auprès du régime fossilisé d’Alger. Alors que Bouguerra vient chanter devant un parterre américain que «l’Algérie est prête à promouvoir ses relations avec le Maroc à une seule condition: que cette coopération ne soit pas assortie de conditions», cela relève d’un niveau qui n’est pas de nature à promouvoir l’image du régime algérien auprès d’un auditoire bien au courant de l’opposition du régime algérien à normaliser ses relations avec Rabat.
L’ambassadeur algérien à Washington pousse la schizophrénie jusqu’à dire qu'Alger va continuer à améliorer ses relations avec le Maroc, en dépit de la résistance de Rabat. A ce sujet, il a affirmé que le dossier du Sahara «n’affecte pas notre volonté politique d’œuvrer pour le développement de nos relations», relevant que l’Algérie est le seul pays maghrébin qui a signé et ratifié tous les accords de l’UMA (Union du Maghreb arabe). A moins d’être atteint de cécité, ce diplomate n’à qu’à se référer aux appels que le roi Mohammed VI n’a eu de cesse de lancer, depuis plus de deux décennies, pour la réouverture de la frontière terrestre commune entre les deux pays. Comment chanter le refrain de la collaboration entre deux pays voisins et de l’édification de l’UMA alors qu’Alger maintient fermées les frontières terrestres avec le Maroc ? Il n’y a décidément que la diplomatie algérienne pour oser ce gros bluff sans craindre le ridicule.