C’est un fait. La culture démocratique, mais pas que, en France voudrait que les différentes composantes de la scène politique ne soient d’accord sur rien. Que ce soit pour des affaires strictement internes (réforme des retraites, impôts, politique migratoire…) ou liées à la place de la France dans le monde, le débat, avec des positions divergentes, s’installe presque naturellement à chaque événement. On aurait donc pu s’y attendre s’agissant d’une annonce aussi capitale et engageante que la reconnaissance exprimée par le chef de l’État Emmanuel Macron de la souveraineté du Maroc sur le Sahara et le soutien désormais franc et net à l’option d’autonomie comme «la seule base» d’une solution au conflit. Mais peu fut fait.
Doit-on le rappeler? Dans un message adressé le mardi 30 juillet au roi Mohammed VI, à l’occasion du 25ème anniversaire de l’accession du Souverain au Trône, le Président de la République française a considéré que «le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine» et que la proposition d’autonomie «constitue désormais la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée». Une position fièrement réaffirmée par Stéphane Séjourné, le ministre français des Affaires étrangères, lors d’une cérémonie organisée par l’ambassade du Maroc à Paris.
S’il était légitime que la nouvelle position française -en rupture avec l’appui réel, mais timide, exprimé depuis 2007 quant à l’approche marocaine- clive et donne lieu à une guerre de tranchées, les réactions des forces politiques sont largement favorables. À quelques exceptions près.
Le Pen: «Sahara occidental, partie intégrante du royaume chérifien»
On remarquera à ce titre la véritable exaltation témoignée par un parti radicalement opposé au président français, dont la diplomatie est un domaine réservé, et sa «Macronie». Nommons le Rassemblement national (RN), premier parti politique à l’issue des dernières législatives, fort de plus de 10 millions de votes. Véritable numéro 1 du parti présidé par Jordan Bardella et présidente de son groupe à l’Assemblée nationale, Marine Le Pen n’y est pas allée de main morte, faisant sienne la nouvelle position de la France.
«Le gouvernement français n’a que trop tardé pour reconnaître l’engagement constant du Maroc depuis des décennies dans la stabilisation et la sécurisation du Sahara occidental, partie intégrante du royaume chérifien. Nous devons soutenir toutes les initiatives pragmatiques des autorités marocaines qui permettront de consolider la pacification de ce territoire, garante de son développement», écrit-elle sur X. Le RN aujourd’hui, ce sont 126 sièges sur un total de 577 à l’Assemblée nationale, où ce parti de droite occupe la première place.
Toujours à droite de l’échiquier, et défenseur de la marocanité du Sahara, le président du parti Les Républicains (LR), Éric Ciotti, ne dira pas le contraire. «Je me réjouis de l’évolution du Président Macron sur ce sujet essentiel. J’espère que cette déclaration se traduira par un rapprochement indispensable et durable avec notre ami marocain», souligne-t-il également sur X.
Pour lui, il est urgent de tourner la page de 7 ans de vexations inutiles, de stratégie illisible et d’hostilité absurde envers un allié historique. «Vive l’amitié entre la France et le Maroc», conclut-il.
Mélenchon: «Aimer le Maroc, c’est s’inscrire dans l’esprit de la Marche verte»
À gauche, la donne est plus nuancée et la division de mise. Leader de La France Insoumise (LFI) et du Nouveau Front populaire (NFP), coalition sortie victorieuse du scrutin législatif du 7 juillet dernier, Jean-Luc Mélenchon, natif de Tanger et fortement attaché au Maroc, ne s’est pas exprimé jusqu’ici. On retiendra que lors de son déplacement à Al Haouz moins d’un mois après le séisme du 8 septembre 2023, il a été on ne peut plus clair sur le sujet. Pour lui, «Aimer le Maroc, c’est s’inscrire dans la continuité de la Marche verte» et Paris devait tenir compte des nouvelles réalités sur la question du Sahara, notamment à la lumière du soutien exprimé au Maroc par les États-Unis et l’Espagne.
«Il n’existe aucune relation institutionnelle de La France Insoumise avec qui que ce soit d’autre que les partis de la démocratie marocaine», avait-il précisé, levant toute ambiguïté quant aux liens supposés que son mouvement entretiendrait avec le Polisario. Et de conclure: «Je ne peux pas faire autrement que de constater la ferveur marocaine sur cette question. Je ne peux que constater que le Maroc n’a jamais manqué à sa parole à l’ONU. Et je ne peux qu’observer les paramètres nouveaux auxquels les Français devraient réfléchir avec plus d’attention.»
On notera aussi, dans ce sens, la position franche de Karim Ben Cheïkh, grand vainqueur sous la bannière NFP des législatives dans la 9ème circonscription des Français de l’étranger, qui «salue la position de la France sur le Sahara». «Ma position, défendue de longue date, est que la proposition d’autonomie au Sahara est la seule solution autour de laquelle il est réaliste et possible d’articuler les questions de développement, de sécurité et de stabilité régionale, au bénéfice des populations locales», écrit le député dans un communiqué.
Son point de vue n’est cependant pas partagé au sein de LFI et quelques voix dissonantes sont bien là. «Alors qu’il a perdu les élections, Emmanuel Macron reconnaît la marocanité du Sahara occidental. Quoi qu’on pense du fond, ce geste précipité en pleins JO de Paris, contre le droit international, sans débat, est une erreur», a estimé le député LFI Hadrien Clouet sur X.
Ailleurs, le chaos continue de régner. Si au Parti socialiste, aucune voix ne s’est pour l’heure fait entendre, la gauche radicale, elle, a joué sa partition. Celle d’une idéologie surannée et d’une supposée neutralité de la France. Ainsi, et pour Fabien Roussel, secrétaire général du Parti communiste (PCF), «Emmanuel Macron trahit la position historique et équilibrée de la France sur les droits du peuple sahraoui comme sur les résolutions de l’ONU». Pour lui, le chef de l’État vient d’ouvrir une «crise diplomatique grave». Avec l’Algérie, cela va sans dire.
Même son de cloche chez la cheffe des Écologistes, Marine Tondelier, qui dénonce «une erreur historique prise par un homme seul, à la tête d’un État sans gouvernement ni majorité».
Elle oublie néanmoins qu’Emmanuel Macron est toujours président de la République, que les Français lui ont renouvelé leur confiance pour une deuxième mandat qui court jusqu’à 2027 et qu’il s’exprime au nom d’un État et non pas d’un parti. Tout comme elle omet le fait que la diplomatie fait constitutionnellement partie de ses charges et attributions. La caravane passe. Celle qui mène de Paris à Rabat, à travers le Sahara, est déjà passée.