Procès Bouachrine. Voici la réponse du Parquet au Groupe de travail sur la détention arbitraire (GTDA)

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Le rapport-avis du Groupe de travail sur la détention arbitraire (GTDA) sur l’affaire Bouachrine a été au centre du procès qui a repris cette semaine, en appel. En audience publique, le représentant du Parquet en a disséqué, point par point, amalgames et incohérences. Les détails.

Le 16/05/2019 à 12h21

Le rapport-avis du Groupe de travail sur la détention arbitraire (GTDA) sur l’affaire Bouachrine s’invite de nouveau au procès du journaliste-éditeur, poursuivi pour de graves crimes (viols, tentatives de viol et traite d'êtres humains, entre autres) devant la Cour d’appel de Casablanca et condamné, en première instance, à 12 ans de priso ferme. 

Sur insistance de la défense de Taoufik Bouachrine, le représentant du Parquet a répondu, point par point, sur des dizaines de pages, au groupe de travail onusien.

Lors d’une audience qui a duré plusieurs heures, en présence de l’accusé et de ses avocats, le représentant du ministère public est revenu à la charge pour rappeler que le GTDA n’était pas une juridiction internationale, mais un organisme consultatif dont les avis ne revêtent pas un caractère contraignant.

Organisme consultatif, rappelle le Parquet, il n’est habilité ni à recevoir des plaintes, ni à instruire des affaires.

Au tout début de son intervention, le représentant du ministère public a tenu une fois encore à rappeler que Taoufik Bouachrine est poursuivi à cause des graves délits dont il a été responsable et non en relation avec son travail de journaliste ou de ses écrits.

La preuve, s’interroge le Parquet, est que le journaliste-éditeur a pu bénéficier de facilités exceptionnelles pour être en mesure gérer ses sociétés médiatiques tout en se trouvant derrière les barreaux.

Quant à la question de la détention arbitraire, le ministère public a rappelé que le journaliste n’a pas été arrêté sur son lieu de travail, mais dans les locaux de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) au moment où les enquêteurs ont eu la conviction que les graves délits reprochés au journaliste justifiaient une telle mesure, et ce, sur ordre du Parquet.

Devant la Cour, le représentant du Parquet a rappelé qu’un procureur au Maroc, selon les lois en vigueur dans le royaume, fait partie intégrante du corps des magistrats et que, de ce fait, est en droit d’ordonner la mise sous écrou.

Donc, dans ce cas, on ne saurait parler de détention arbitraire. Comme on ne saurait parler de violation des droits du prévenu quant à la garde à vue, qui n’a pas excédé 63 heures, sachant que, dans ce genre d’affaires, celle-ci est de 36 heures renouvelable une fois, soit 72 heures.

Le magistrat a rappelé aussi comment, et par quels moyens, le prévenu a pu bénéficier de tous les droits garantis par la loi: sa famille a été tenue au courant, il a eu le droit de se faire assister par un avocat, et les audiences de son procès en première instance se sont tenues publiquement…

Le Parquet a rappelé que Taoufik Bouachrine lui-même, en prenant la parole le 9 novembre 2018, avait remercié la cour de lui avoir consacré, ainsi qu’à sa défense, le temps nécessaire pour exposer leur point de vue et évoquer tous les aspects qui leur paraissaient de quelque intérêt pour le déroulement du procès.

Quant aux perquisitions effectuées dans le siège du journal, le magistrat a précisé qu’elles avaient été menées par seulement 5 officiers de la BNPJ, et non 20, comme le prétendent les avocats de la défense et le GTDA. Avec cette précision, en sus: les officiers de la PJ ont le droit de faire appel aux renforts qu’ils estiment nécessaires pour que leur travail ou intervention se déroulent dans les meilleures conditions.

Que dire alors d’une opération qui s'était déroulée dans une tour (soit la tour des Habous, siège des locaux d'Akhbar Al Yaoum) abritant des dizaines de structures, dont un consulat, et où travaillent des centaines de personnes qui s’y servent de six ascenseurs?, s’interroge le Parquet.

Dans un rapport-avis récemment décliné en langue arabe (l’une des langues de travail de l’ONU), le GTDA avait demandé la relaxe immédiate et même une indemnisation du journaliste, alors que l’affaire était toujours devant la justice.

Le procès de Taoufik Bouachrine, en appel, reprendra le 21 mai prochain.

Ce sera surtout l’occasion pour le représentant du ministère public de décliner la deuxième partie de sa réponse à ce rapport du GTDA.

Par Rahim Sefrioui
Le 16/05/2019 à 12h21