Il y a dix ans jour pour jour, au lendemain des attentats du 13 novembre 2015 qui ont frappé Paris en plein cœur et ont fait 130 morts et des dizaines de blessés, le Maroc a apporté une aide déterminante à la traque des auteurs. Les services secrets marocains avaient en effet débusqué le Belgo-marocain Abdelhamid Abaaoud, organisateur des attentats, alors que celui-ci se trouvait à Saint-Denis. L’information transmise à Paris avait permis de le neutraliser lors d’un assaut de la police, mais aussi d’orienter les enquêteurs français sur la piste belge des terroristes.
Maintes fois saluée par l’État français et ses représentants, cette collaboration franco-marocaine ne s’est jamais démentie et, dix années plus tard, c’est au tour de Nicolas Lerner, patron de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) depuis 2023, de saluer la collaboration des services secrets marocains avec leurs homologues français, dans un rare entretien, accordé au journal Le Figaro, le 13 novembre.
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Nicolas Lerner y rappelle que «l’histoire du terrorisme islamiste répond à des cycles» et appelle ainsi à la plus grande vigilance face à une menace qui sévit encore et s’organise dans trois cadres différents, scrupuleusement scrutés par la France et ses alliés, à savoir: «la Syrie, la zone afghano-pakistanaise et le théâtre africain, trois zones où tout doit être mis en place pour éviter que des groupes terroristes se sédentarisent et créent des sanctuaires territoriaux qui leur permettraient de projeter de nouveaux commandos vers la France», explique cette figure du renseignement.
Le Maroc face au Sahel, terreau fertile du terrorisme
Et c’est plus précisément en Afrique — aujourd’hui encore considérée comme «l’épicentre du djihadisme mondial» — que se joue la collaboration franco-marocaine. En effet, c’est sur le continent qui compte, rappelle Nicolas Lerner «l’essentiel des victimes du terrorisme islamiste (…) pour l’essentiel civiles», que se concentre aussi l’essentiel des attaques djihadistes, «avec des raids quotidiens au Sahel, dans la zone du lac Tchad, au Nigeria, dans la région des Grand Lacs et dans la Corne de l’Afrique». Sans compter, «la propagande d’al-Qaida et de Daech (qui) valorise fortement les opérations menées sur le continent africain».
Rappelons qu’aux premières loges de ce théâtre sahélien du terrorisme se trouve le Maroc, l’un des premiers pays au monde à avoir détecté cette menace liée à l’importance stratégique du continent africain dans l’agenda d’Al-Qaida, et devenu désormais une cible privilégiée dans l’agenda de toutes les organisations terroristes opérant dans la région du Sahel. Dernier épisode en date témoignant de cette menace qui plane sur le Maroc, l’opération terroriste d’envergure menée le 19 février 2025 dans plusieurs villes du Royaume ayant permis de saisir quantité d’armes à feu et d’explosifs, de procéder à plusieurs interpellations, mais aussi de révéler la nature des projets terroristes nourris par la «wilaya de Daech au Sahel»: établir une branche au sein du Royaume. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes: plus de 40 cellules ayant des liens directs avec les organisations terroristes du Sahel et du sud du Sahara ont été démantelées par les services de sécurité marocains.
Toutefois, de l’avis de Nicolas Lerner, si la situation est jugée préoccupante au premier chef au Sahel, «un autre phénomène africain retient notre attention: le départ de djihadistes maghrébins francophones pour rejoindre des organisations terroristes sur le continent, notamment en Somalie, où quelques dizaines de djihadistes venus du Maghreb combattent aux côtés des chebab affiliés à al-Qaida».
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Et d’expliquer le rôle joué par les services marocains dans la lutte contre ce phénomène: «Nous veillons à suivre ces déplacements aux côtés de nos partenaires du continent et notamment des services marocains, qui sont des partenaires très efficaces, précieux, essentiels en matière de lutte antiterroriste».
Au-delà de la coopération franco-marocaine, la coopération sécuritaire internationale s’impose donc comme un levier clé pour le Maroc pour contrer cette expansion, raison pour laquelle, expliquait Cherkaoui Habboub, le numéro un du BCIJ, dans une déclaration citée par le média français Le Point, «la DGST a formé des officiers de plusieurs pays africains, dont le Gabon, la Côte d’Ivoire, la Guinée Conakry, Madagascar et la Tanzanie, partageant avec eux son expertise en matière de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent».








