Panne sèche d’eau en Algérie: pourquoi le régime déclare la guerre… au Maroc

Pour camoufler sa gestion désastreuse de l'eau dans le pays, le régime d'Alger s'en prend au Maroc. (Y. El Harrak/Le360).

Pour camoufler sa gestion désastreuse de l'eau dans le pays, le régime d'Alger s'en prend au Maroc. (Y. El Harrak/Le360).

Alors que tout l’ouest algérien, totalement privé d’eau potable, fait les frais de la gestion catastrophique par la junte d’une ressource aussi précieuse, le régime d’Alger accuse le Maroc d’être derrière cette misère. En cause, des décisions souveraines du Royaume de rationaliser l’accès à l’eau qui impactent par un effet domino le voisin. Le «Système» y voit une mesure vindicative et belliqueuse du «Makhzen», mais rien n’est plus faux. D’autant que par ses innombrables mesures hostiles prises contre le Maroc, il est très mal placé pour émettre la moindre critique. Décryptage.

Le 22/05/2024 à 10h41

La phrase est a priori laconique, vide de sens et tout juste bonne à cibler ce bon vieux Maroc qui sert de principal dérivatif à la doxa du régime d’Alger et de cache-misère à une gestion désastreuse du pays. Proférée au détour d’une sortie en marge de la tenue du 10ème Forum mondial de l’eau, qui se tient du 18 au 25 mai à Bali, en Indonésie, elle est l’œuvre du ministre algérien de l’Hydraulique, Taha Derbal. Que nous apprend cet obscur responsable algérien dans sa déclaration, faite in situ au principal quotidien algérien et porte-voix de la junte, Al Khabar, qui en fait sa Une du mardi 21 mai? Que «l’Algérie est préoccupée par les agissements dont souffre le pays sur sa frontière ouest, commis par un État voisin (le Maroc donc, NDLR) et qui portent préjudice à l’équilibre environnemental et nuisent aux animaux, aux plantes et à l’homme (algérien, donc!)». Un problème que l’Algérie «souhaite porter à l’attention du monde, afin que celui-ci décide d’une stratégie pour y mettre fin».

Vague, l’assertion n’en est pas moins illustrée par un titre des plus sensationnalistes: «L’Algérie dévoile le Makhzen devant le monde». Et d’expliquer -façon de parler- que «Rabat commet des atteintes aux intérêts algériens en asséchant les ressources hydriques» et que celles-ci ne sont plus un secret pour personne. Oui, mais de quoi s’agit-il? On n’en saura rien.

On passera sur la médiocrité des propos, l’absence d’une accusation claire, le caractère alambiqué de «l’argumentaire» et la naïveté de croire que le monde accorderait une quelconque attention à la déclaration d’un obscur fonctionnaire algérien donnée, au coin d’une table, à un journal on ne peut plus «local». On retiendra surtout que le régime d’Alger s’échauffe pour mener une autre «guerre» au Maroc, celle voulant que le Royaume soit responsable de son impéritie, en l’occurrence dans la gestion d’un secteur aussi stratégique que l’eau.

Une gestion catastrophique, illustrée par la décision des autorités du pays voisin de couper net tout approvisionnement en eau de la deuxième plus grande agglomération du pays: Oran et toute sa région.

Misère ordinaire

Les arrêts par intermittence ou sporadiques d’approvisionnement en eau, les Algériens en ont la triste habitude. Mais là, et du 21 au 26 mai courant, pas une goutte ne mouillera les robinets de tout le Nord-Ouest algérien. Le régime d’Algérie parle d’une population concernée de 800.000 âmes, équivalant à 200.000 ménages, qui n’aura plus accès, une semaine durant, à cette ressource vitale. Et même après ce délai, il faudra compter plusieurs semaines de «rationnement». Vérification faite, l’aire urbaine d’Oran compte non pas 800.000, mais 1.700.685 d’habitants, selon un décompte officiel remontant à 2020. Sans parler du fait que, depuis toujours, les coupures d’eau potable sont la règle en Algérie, y compris dans ses plus grandes villes et même dans la capitale Alger. La question qui se pose est: que deviennent les 1,3 milliard de m3 d’eau dessalée par jour dès cette année, comme promis avec beaucoup d’assurance par le président algérien Abdelmadjid Tebboune, le mardi 19 septembre, dans son discours à la 78ème Assemblée générale de l’ONU à New York?

«Le miracle, c’est quand il y a de l’eau qui sort des robinets», ironise le célèbre et talentueux rappeur algérien Tif, qui a dû fuir l’Algérie à l’âge de 18 ans pour s’installer en France, dans un documentaire dédié à «son» Alger et qui trahit la misère ordinaire que vivent les Algériens au quotidien.

Mais qu’à cela ne tienne, c’est le Maroc qui, dans une logique vindicative et belliqueuse, prive l’Algérie de «son» eau. Le même Al Khabar, dont «les révélations» sont reprises par la quasi-totalité des titres algériens, remet le couvert ce mercredi 22 mai en titrant cette fois sur les «atteintes du Maroc au droit international», affirmant révéler «la conspiration ourdie par le voisin pour assécher la frontière ouest du pays». Là encore, passez votre chemin si vous voulez en savoir un peu plus. Mais on va y arriver.

De quoi s’agit-il?

Le fond du problème pour l’Algérie est que, jusqu’à récemment, tout l’Ouest de son territoire dépendait totalement du Maroc pour son approvisionnement en eau. Ce sont en effet les ressources hydriques marocaines, en surface comme souterraines, qui ruisselaient sur le voisin. Ceci, notamment à travers la Moulouya, fleuve qui prend naissance à la jonction du massif du Moyen et du Haut Atlas. Long de 600 km, il se jette dans la mer Méditerranée avec une embouchure située… à la frontière algéro-marocaine. Sauf que, stress hydrique chronique oblige, le Royaume a déployé toute une stratégie pour une meilleure gestion de l’eau. En l’espèce, il s’agit d’empêcher la déperdition en mer d’une ressource aussi rare en érigeant des barrages.

L’effet collatéral de cette politique souveraine du Maroc (qui nous change du discours algérien résumant ce concept… aux maillots de football) est que certaines régions algériennes ne sont plus en mesure de détourner les eaux de la Moulouya à leur profit.

Autre exemple, celui de la rivière Guir, l’un des plus longs oueds d’Afrique du Nord, qui prend sa source dans les monts du Haut Atlas avant de se perdre dans le désert… algérien. À Béchar, territoire marocain annexé par l’Algérie française, le régime d’Alger avait construit Djorf Torba, quatrième plus grand barrage du voisin. Sauf qu’en 2021, le Maroc mis en service le barrage de Kaddoussa, d’une capacité totale prévue de 220 millions de m3, qui vise à protéger les périmètres oasiens en aval contre les inondations, mais aussi à sécuriser l’irrigation de 5.000 hectares de terres et à alimenter en eau potable la population de la région, notamment celle de Figuig. L’impact en a été l’arrêt du débit qui alimentait le barrage algérien. Une mesure dictée, faut-il le préciser, par l’impératif pour le Maroc d’assurer l’approvisionnement de sa population et de son agriculture en eau. D’ailleurs, bien d’autres mesures et projets sont prévus dans ce sens.

Un sérieux souci de légitimité

On l’aura compris, ce n’est en rien et nullement l’Algérie qui est ciblée par un quelconque «assèchement». C’est naturellement et strictement l’incurie et l’incompétence de ses responsables qu’il faut interroger, un pays riche en ressources pétrolières et gazières se retrouvant ainsi dans l’incapacité de servir ses citoyens… en eau. Mais c’est compter sans leur fâcheuse tendance à céder à la facilité en accusant le Maroc, pays dont la seule richesse sont ses femmes et hommes, de tous les maux.

L’hostilité et les mesurettes vindicatives, ce n’est pas vraiment le style du Royaume. «Qui se sent morveux se mouche», dit l’adage, et c’est du côté algérien qu’il faut se tourner en la matière. Les actes malveillants envers le Maroc sont les seuls et uniques trophées au tableau de chasse du régime d’Alger. À l’ancienne marque d’animosité qu’est le maintien de la fermeture des frontières terrestres sont venues s’ajouter, sous le «règne» du duo Tebboune-Chengriha, une infinité d’autres. Retenons-en la rupture par l’Algérie, de manière unilatérale, le 24 août 2021, de ses relations diplomatiques avec le Royaume.

Citons également la fermeture, le 22 septembre de la même année, du ciel algérien aux avions civils et militaires marocains, ainsi qu’aux appareils immatriculés au Maroc. Notons aussi la décision du président algérien Abdelmadjid Tebboune, le 31 octobre 2022, de ne pas reconduire le contrat du Gazoduc Maghreb-Europe passant par le Maroc et de stopper la fourniture de gaz algérien au Royaume.

On se souvient à cet égard de la douce pensée du régime d’Alger pour les Marocains, qui n’auraient désormais d’autre recours que le bois pour se chauffer. Ou encore de la vaseuse bouffonnerie d’un certain Amar Belaini, ancien numéro 2 du ministère algérien des Affaires étrangères, «mis au placard» en 2023 par une nomination au poste d’ambassadeur en Turquie. L’homme avait suggéré au Maroc de transformer son gazoduc en Didjeridoo, cet instrument à vent des aborigènes d’Australie. «Rira bien qui rira le dernier», veut un autre dicton. N’ayant ni l’indécence ni le mauvais goût du régime algérien, il ne nous viendrait pas à l’idée de rire du malheur des Algériens, sevrés d’eau depuis des jours…

Pendant ce temps-là, Tebboune vante le miracle d’une récolte record de céréales… dans le désert. Ne cherchez surtout pas à comprendre comment des millions d’Algériens sont privés d’eau potable, alors que des champs fleurissent dans le désert. Cela fait longtemps que rien n’étonne plus «au pays du monde à l’envers».

Par Tarik Qattab
Le 22/05/2024 à 10h41