En annonçant vouloir créer un «Maghreb» sans le Maroc, le régime d’Alger pousse la Libye vers la sortie

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune, le président tunisien Kaïs Saïed et le président du Conseil présidentiel libyen Mohamed Younes El-Menfi, lors de leur rencontre le 22 avril 2024 à Tunis.

Alors que le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, ne cesse de crier sur tous les toits que la réunion du 22 avril courant à Tunis entre les présidents algérien, tunisien et le chef de l’exécutif de Tripoli ne vise pas à supplanter l’Union du Maghreb arabe (UMA), l’agence officielle du régime algérien, l’APS, a révélé les intentions cachées de cette réunion: remplacer l’Union du Maghreb arabe (UMA) par un «G3» excluant le Maroc et tendant les bras à une Mauritanie plus que jamais réticente. Face à cet aveu quasi officiel, l’on se demande comment va réagir la Libye, qui ne veut pas se laisser berner par les manœuvres destructives du régime d’Alger.

Le 30/04/2024 à 11h36

L’Union du Maghreb arabe (UMA) est morte, décrète l’agence de presse officielle algérienne. En lieu et place, il faut désormais parler de l’«Accord de Carthage» ou du «G3» (Algérie, Tunisie et Libye), claironne le porte-voix officiel de la junte algérienne, qui reconnaît ainsi qu’Alger a bel et bien l’intention, jusqu’ici cachée pour berner la Libye et la Mauritanie, de créer un mini-Maghreb dont serait exclu le Maroc. Lundi 29 avril, dans un écrit qui n’a rien d’une dépêche ou d’une quelconque forme d’article d’agence, intitulé «Le G3 est né à Carthage: le Maghreb de l’action succède au Maghreb des slogans», l’APS donne à la rencontre tripartite du 22 avril courant à Tunis un cachet funéraire.

Car cette rencontre vise, selon elle, à enterrer définitivement l’UMA. «La rencontre de Carthage est arrivée pour discuter du… cadavre. N’importe quel praticien aura la lucidité de conclure, après un coma aussi profond qu’irréversible, qu’une entité déclarée morte ne peut ressusciter après un aussi long décès cérébral. L’UMA est dans ce cas», écrit l’APS. Et d’ajouter que «le 22 avril est une rencontre fondatrice d’une approche nouvelle. L’année prochaine, 2025, équivaudra à exactement 30 ans depuis que la mort clinique de l’UMA a été actée, et que l’UMA n’existe plus sur le terrain».

Le timing et l’objectif de cette sortie de l’APS sont révélateurs du malaise consécutif au cumul d’échecs que la junte algérienne ne cesse d’engranger et qu’elle cherche maladroitement à cacher. Intervenant moins de 24 heures après l’élimination sur tapis vert de l’équipe algéroise de l’USMA, qui quitte la coupe de la CAF aux portes de la finale et dans le déshonneur le plus total, l’APS a cru sauver les meubles en faisant croire qu’Alger a remporté une victoire en créant un «bloc» maghrébin dont elle a exclu le Maroc. Le régime d’Alger a en effet besoin de brandir une victoire, donquichottesque soit-elle, après la double bérézina qu’il a subie à Alger même, puis à Berkane, suite à la terreur puis à l’humiliation que lui a infligées la carte du Maroc avec son Sahara floquée sur les maillots du club de l’Oriental, une carte qui a reçu l’aval de la Confédération africaine de football.

Ce maillot a rendu hystériques les caciques du régime. Ils ont donné des instructions aux douaniers algériens pour le confisquer, ainsi que les effets personnels des joueurs. Cette confiscation par la douane des tenues d’une équipe étrangère qui se déplace chez le pays hôte, dans le cadre d’une rencontre sportive officielle, est une première dans le monde du football -dont la paternité appartient au duo d’incompétents Tebboune-Chengriha. Non contents d’avoir signé une saisie à l’aéroport qui restera dans les annales, les autorités algériennes, familières du faux et du pillage des propriétés d’autrui, ont confectionné une copie du maillot de l’équipe de Berkane avec le logo de son équipementier et de son sponsor.

Et comble de l’irrationnel, le président de la Fédération algérienne de football a loué devant les médias la haute qualité du faux que son pays vient de produire. La gestion catastrophique par le régime hystérique de ce match a fait des gorges chaudes aussi bien dans les milieux footballistiques que dans les chancelleries étrangères. Rarement on aura vu pareille impéritie. Alors, dans l’espoir de faire diversion de cette débâcle, le régime brandit comme un trophée l’acte d’enterrement de l’UMA.

L’autre objectif de ce nouveau torchon de l’APS n’est autre que de saboter la récente initiative libyenne visant à remettre l’UMA sur les rails. En effet, Mohamed Younes El-Menfi, président du Conseil présidentiel libyen, a clairement montré au duo Abdemadjid Tebboune-Kaïs Saïed qu’il ne peut cautionner la création d’une UMA-bis, qui plus est tournée contre le Maroc, alors que l’UMA, même à l’arrêt, existe toujours.

Le rôle central du Maroc dans la construction maghrébine

Dès le lendemain du sommet tripartite de Tunis, Mohamed El-Menfi a dépêché à Rabat un émissaire spécial, Sami El-Menfi, porteur d’un message écrit au roi Mohammed VI. En reconnaissance du rôle central du Maroc dans toute construction maghrébine, mais aussi de son rôle dans les tentatives de règlement de la crise libyenne, le Conseil présidentiel libyen entend montrer à Rabat qu’il ne s’engagera jamais dans des manœuvres visant à porter atteinte au Royaume, et que la Libye tient à la réactivation des structures de l’UMA telles qu’établies à Marrakech en février 1989.

Un autre émissaire libyen, Imad El Fellah, directeur au ministère libyen des Affaires étrangères, a remis, le mercredi 24 avril, une autre missive de Mohamed El-Menfi au président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani. Cette correspondance est bien évidemment relative à l’activation de l’UMA, selon les déclarations mêmes de l’émissaire libyen à Nouakchott. Mieux, selon certains médias mauritaniens, cet émissaire aurait divulgué à Ghazouani le nom du futur secrétaire général de l’UMA, un diplomate tunisien, et demandé à la Mauritanie de le soutenir en vue de succéder à l’autre Tunisien, Taïeb Baccouche, dont le mandat a expiré depuis quelque temps.

Reste maintenant à savoir quelle sera la réaction des autorités libyennes quand elles auront pris connaissance de cet aveu du porte-voix de la junte algérienne, qui écrit que «Tebboune n’a jamais caché ses intentions dès qu’il s’est agi de coopération, d’échanges politiques et économiques, dans la confection de la feuille de route tripartite». Autrement dit, Tebboune veut créer un cadre maghrébin sans le Maroc, car, justifie l’APS, «tous les pays africains sont organisés en communauté régionale, sauf l’Afrique du Nord, à cause du Maroc qui a privilégié des alliances avec l’entité sioniste et en s’invitant dans d’autres structures organiques du Machrek».

Pourtant, le 30 mars dernier, lors d’une entrevue avec deux directeurs de médias publics, Tebboune a déclaré qu’en «raison du vide actuel», il souhaite «organiser des rencontres maghrébines, sans exclure aucune partie», précisant encore que «ce bloc (sic !) n’est dirigé contre aucun autre État (le Maroc, NDLR) et la porte est ouverte aux autres pays de la région». Jeudi 25 avril, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a affirmé pour sa part, lors d’une rencontre avec les médias algériens, que le sommet tripartite de Tunis n’était pas une alternative à l’UMA. Il a, à son tour, précisé que la réunion consultative de Tunis «n’est dirigée contre aucune partie» et que «la porte reste ouverte à tous si l’intention et la volonté politiques sont réunies», réaffirmant que l’UMA reste toujours «un projet et un objectif historique».

Or, ce discours lénifiant tenu par le président algérien et son chef de la diplomatie sur un Maghreb inclusif ne trompe plus personne, du moment qu’il est aujourd’hui battu en brèche par le langage martial adopté par l’APS qui, sur son ton propagandiste habituel, conclut que «l’Alliance née à Carthage a déjà le mérite d’être une alternative régionale proactive qui s’imposera, avec le temps, comme un interlocuteur crédible et responsable face aux autres entités partenaires». L’APS demande même à l’Union européenne et à l’Union africaine de reconnaître cette bâtardise née d’un mariage contre nature entre un président illégitime, Abdelmadjid Tebboune, et un autre vassalisé à Alger, Kaïs Saïed.

Par Mohammed Ould Boah
Le 30/04/2024 à 11h36