Le président algérien Abdelmadjid Tebboune évoque parfois le nif, le nez, c’est-à-dire, métaphoriquement, le sens de l’honneur ou plutôt la fierté ou l’orgueil dont il prétend avoir le monopole, lui et ses congénères.
Qu’il ait un appendice nasal, nul ne le conteste: il le précède un peu partout, arrive avant lui et l’annonce. L’homme n’a plus qu’à débouler, la panse en avant. Mais qu’en est-il du sens de l’honneur, de la fierté, etc.?
On se souvient de sa proclamation devant des journalistes à sa botte (littéralement à sa botte: il les haranguait d’une sorte de balcon et eux étaient en bas, tête levée pour recueillir ses augustes -quoique confuses- paroles):
- La Palestine, je m’en occupe!
On allait voir ce qu’on allait voir! On a vu. Quelques semaines après cette mâle proclamation, Netayahou a rasé Gaza et a tellement massacré de civils qu’il est sous le coup d’une accusation de génocide à la Cour internationale de Justice. Qu’a fait Tebboune? Rien. Rigoureusement rien. Il est où, le nif? S’il en avait vraiment un, il devrait se faire hara-kiri ou, au moins, démissionner.
Quelques mois auparavant, il avait annoncé -bien imprudemment- l’entrée fracassante de sa «nouvelle Algérie» sur la scène internationale avec l’adhésion au club très fermé des BRICS, adhésion qu’il était allé lui-même, en personne, quémander à la Russie et à la Chine. On l’avait écouté poliment puis on l’avait oublié dès son avion reparti. Il avait été tellement convainquant que les BRICS lui avaient préféré les Émirats arabes unis et l’Éthiopie, ô misère… Il est où, le nif? S’il en avait vraiment un, etc.
Plus récemment, il a fait annoncer par ses plumitifs usuels, début juillet 2023, que son équipe de foot allait «remettre les pendules à l’heure» -c’est-à-dire qu’elle allait tellement briller à la CAN qu’on en oublierait l’exploit des Lions de l’Atlas demi-finalistes de la Coupe du Monde.
On allait voir ce qu’on allait voir! On a vu. Les Fennecs ont terminé derniers de leur groupe, incapables de battre ni l’Angola ni le Burkina Faso et humiliés dans le dernier match par la Mauritanie -un média d’Alger avait affirmé, juste avant la rencontre: «Si nous ne pouvons même pas battre les Mauritaniens, alors oublions le foot»… Ça, c’est de l’orgueil, hélas très mal placé. Qu’a fait, qu’a dit Tebboune? A-t-il mis l’entraîneur aux galères, les joueurs à l’amende, le masseur en prison avec les anciens premiers ministres Ouyahya et Sellal? Non, il n’a rien fait, rien dit. Il est où, le nif?
Bref, Tebboune, la prochaine fois que tu évoqueras le nif pour t’en gargariser, j’espère que quelque lettré sera présent pour te répondre avec panache, comme Cyrano: «Moi, monsieur, si j’avais un tel nez / Il faudrait sur-le-champ que je me l’amputasse!»