Il n’aura fallu qu’une phrase, lâchée presque à la dérobée, pour dynamiter un mensonge patiemment entretenu par Alger depuis près d’un demi-siècle. Dans un entretien avec le think tank italien ISPI (Istituto per gli Studi di Politica Internazionale), l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU au Sahara, Staffan de Mistura, habituellement réservé et diplomate jusqu’à l’excès, a cette fois choisi la clarté. Et quelle clarté! En quelques mots seulement, il a balayé des décennies de propagande, réduisant à néant la fable fabriquée par le régime algérien et son relais docile, le Polisario.
Staffan de Mistura a osé dire tout haut ce que ses prédécesseurs n’avaient jamais franchi le pas de formuler: le conflit du Sahara n’est pas une affaire de «peuple en lutte» ou de «mouvement de libération». Non. Il s’agit bel et bien d’une confrontation directe entre deux États, le Maroc et l’Algérie. Tout le reste n’est que mise en scène.
«Aujourd’hui encore, je m’occupe d’essayer d’éviter un conflit lié à une tension entre deux nations en particulier, le Maroc et l’Algérie, et un groupe appelé Polisario, dans le Sahara occidental», a-t-il déclaré.
Il n’en dira pas plus mais en prononçant ces mots, de Mistura a porté le coup de grâce à l’un des piliers du narratif algérien: la prétendue existence d’un «peuple sahraoui» représenté par le Polisario. Ce dernier, selon les termes du diplomate lui-même, n’est rien d’autre qu’un «groupe». Pas une voix légitime, ni une population, et encore moins un peuple, mais un simple conglomérat de personnes qui tiennent en bande, parce que percussionnées par l’Algérie.
Le message est limpide. Le Polisario n’a jamais été qu’un instrument, un pion sur l’échiquier régional, logé, nourri, armé et financé par Alger pour servir sa stratégie de nuisance contre le Maroc. L’Algérie n’est donc pas un simple «soutien extérieur» qui défend une «position de principe». Elle est la partie prenante et le véritable protagoniste. En reconnaissant cela publiquement, Staffan de Mistura a brisé un silence diplomatique soigneusement entretenu et a pointé du doigt les deux protagonistes d’un conflit qui n’a que trop duré. En parlant ainsi, de Mistura rompt aussi avec le langage onusien et ses subtilités consistant à ne pas nommer un chat, un chat.
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C’est une gifle magistrale pour Alger et son front par procuration. À elle seule, cette phrase pulvérise le récit fabriqué par Alger. Celui d’un conflit présenté comme une «décolonisation» ou une prétendue «lutte pour l’autodétermination». Le slogan du «droit des peuples à disposer d’eux-mêmes», brandi par le régime voisin pour masquer sa véritable implication, se dégonfle. Le vernis idéologique craque, et avec lui, le mythe fondateur du Polisario s’effondre comme un château de cartes. Car ce «groupe» n’existe que par la perfusion de son parrain et sponsor algérien, qui le maintient artificiellement en vie.
Un secret de polichinelle
L’Algérie en tant que protagoniste direct et principal adversaire du Maroc sur la question du Sahara n’est un secret pour personne. Dans les couloirs onusiens comme dans les textes officiels, cette vérité transparait. Rien que dans la résolution 2756 du Conseil de sécurité, adoptée en 2024, Alger est citée cinq fois comme partie prenante et appelée explicitement à s’asseoir à la table des négociations. Les faits parlent d’eux-mêmes: alors même qu’elle siégeait comme membre non permanent du Conseil, l’Algérie a tout tenté pour influencer le texte. Cette année-là, elle a manœuvré, marchandé, tenté de tordre le bras du Conseil. Mais elle a échoué.
Le symbole est fort: pour la première fois, Alger n’a pas participé à un vote du Conseil de sécurité, en tant que membre non-permanent. Une non-participation lourde de sens, dictée par la réalité d’un texte qu’elle n’a pas pu empêcher. Et pour cause: cette résolution est la pire nouvelle qu’elle pouvait encaisser. Car elle introduisait un paramètre décisif, un véritable game changer: l’appel du Conseil de sécurité à saisir «le momentum récent» afin de faire progresser le dossier. Dans sa résolution 2756, le Conseil «se félicite du récent momentum et exhorte à le mettre à profit pour parvenir à une solution politique mutuellement acceptable». Tout est dit. Le momentum, c’est la dynamique internationale claire et assumée qui converge vers une seule option viable: l’autonomie sous souveraineté marocaine. Autrement dit, l’ONU elle-même enterre la fiction algérienne et réaffirme que la solution ne peut venir que d’un compromis réaliste, loin des chimères entretenues depuis cinquante ans. La résolution 2025 prévue en octobre prochain promet bien des ruptures dans ce sens.
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L’Algérie, elle, accuse les coups. Rappelons son rejet, en 2021 et 2022, des résolutions du même Conseil de Sécurité réaffirmant le soutien au plan marocain d’autonomie. Et retenons que pour un pays qui prétend n’être qu’un «observateur inquiet» et qui refuse obstinément de s’asseoir à la table des négociations aux côtés du Maroc, de la Mauritanie et du «groupe» Polisario, cette hostilité affichée ne laisse place à aucun doute: Alger est LA partie prenante, et rien d’autre.
Face-à-face
Même sur la scène africaine, la supercherie ne prend plus. L’Union africaine, où pourtant les adversaires de l’intégrité territoriale du Maroc sont actifs, ne désigne qu’un seul vis-à-vis dans ce dossier: l’Algérie. «Les pays de l’Union sont unanimes: les véritables protagonistes sont le Maroc et l’Algérie. Pour nous, c’est une évidence: le Polisario est un écran de fumée», confie une source avertie.
En réalité, Alger a raison de se tenir à l’écart du processus onusien. Les propos de Staffan de Mistura supposent qu’au lieu de perdre du temps dans de pseudo tables rondes, il serait bien plus utile d’ouvrir des négociations directes, frontales, entre Rabat et Alger. Un face-à-face qui couperait court aux subterfuges et aux échappatoires, mais qui contraindrait surtout le régime algérien à assumer enfin son rôle. Ce sera d’ailleurs le meilleur moyen d’éviter un inexorable cycle d’exposition et d’humiliations à l’avenir.
C’est précisément l’esprit du dernier discours du Trône, où le Mohammed VI a réaffirmé avec force la constance de la politique marocaine: celle de la main tendue. Le 29 juillet 2025, le Souverain a renouvelé son appel à l’Algérie, insistant sur son «attachement inébranlable» à un dialogue direct. Un dialogue «franc et responsable», «fraternel et sincère», qui seul peut lever les obstacles et tourner définitivement la page du conflit.
Dans son discours, le Roi a certes mis en avant un principe intangible de la diplomatie du Royaume: la défense ferme et sereine de son intégrité territoriale. Mais loin des discours de confrontation, le Souverain s’est félicité de la dynamique internationale croissante autour du plan d’autonomie. Cela n’exclut en rien la recherche d’une sortie honorable. Bien au contraire. Pour le Roi, l’autonomie constitue une motivation supplémentaire pour parvenir à une solution politique digne et pacifique. Une issue «consensuelle», selon ses propres mots, «qui sauve la face à toutes les parties», et dans laquelle «il n’y aura ni vainqueur ni vaincu». Voilà toute la force du réalisme marocain: défendre ses intérêts stratégiques tout en tendant la main à son voisin pour refermer un conflit qui a trop duré. Les voies de compromis existent. Les pistes de rapprochement ne manquent pas. À condition, toutefois, qu’en face, il y ait de véritables interlocuteurs prêts à assumer leurs responsabilités et à dépasser les faux-semblants.











