Clap de fin pour la 11e édition des Atlantic Dialogues: ce qu’il faut retenir

Lors de la clôture de la 11e édition de la Conférence Atlantic Dialogues, organisée, du 14 au 16 décembre à Marrakech, par le Policy Center for The New South. . PCNS

Les travaux de la 11e édition des Atlantic Dialogues se sont achevés hier, vendredi 16 décembre 2022, à Marrakech. Les défis liés aux inégalités, les nouvelles voies de coopération possible entre le Nord et le Sud, les relations du Maroc avec son voisinage atlantique… Autant de thèmes abordés lors de trois jours de discussions intenses. Le récap.

Le 17/12/2022 à 11h00

Clap de fin pour la 11e édition de la conférence internationale annuelle The Atlantic Dialogues, organisée du 14 au 16 décembre 2022 par le Policy Center for The New South (PCNS). Lors de trois jours de débats, animés par une pléiade d'experts de haut niveau, un large éventail de thématiques intéressant l'espace atlantique ont été abordés, notamment la démocratie, le multilatéralisme et les questions relatives à la sécurité alimentaire ainsi qu'au changement climatique. Voici ce qu’il faut retenir des interventions des panélistes.

Changement climatique: l’heure est aux solutionsFerid Belhaj, vice-président du Groupe de la Banque mondiale pour la région MENA.Aujourd'hui, le climat est le grand sujet dont tout le monde parle, et à juste titre: qu'avons-nous fait ces 5, 10, 20 dernières années? Pas grand-chose à part parler. Quand je regarde les résultats de la COP27, on ne peut pas se contenter d'espérer. Il se passe des choses et les décideurs ne prennent pas les bonnes décisions. C'est là que les institutions internationales deviennent très importantes, car elles ont dans leur mandat la capacité de regarder au-delà de demain et de suggérer aux vrais décideurs des voies à suivre.

Amine Derj, fondateur de l’organisation Jodoor.

Pour l'instant, nous devrions nous concentrer sur la résilience climatique. Cela signifie que nous devons nous demander comment nous allons survivre, avec nos paramètres actuels, dans divers secteurs, à un climat qui va changer.

Hafez Ghanem, Senior Fellow, Policy Center for the New South.

Il y a 230 millions de personnes dans des foyers de famine qui souffrent de la faim et de la sous-alimentation. C'est le nombre le plus élevé jamais constaté depuis que la FAO et le PAM ont commencé à produire leurs rapports, il y a dix ans. Sur ces 230 millions de personnes, plus des deux tiers se trouvent en Afrique.

Miguel Ángel Moratinos, haut représentant pour l'Alliance des civilisations des Nations unies.

Dans les objectifs de développement durable, la lutte contre la pauvreté et la faim est l'objectif 1 et 2. La lutte contre le changement climatique est l'objectif 13. Qu'est-ce qui est le plus important? Le changement climatique? La sécurité alimentaire? L'éducation? Les villes? Lequel? Nous faisons de graves erreurs, que nous devons rectifier, car c'est la gouvernance mondiale qui est la plus importante.

Pour un multilatéralisme reconfiguré dans ses modes opératoires

Youssef Amrani, ambassadeur du Maroc en Afrique du Sud.

Le multilatéralisme à deux vitesses, deux mesures, n’a rien de multilatéral dans son essence. Il est aujourd’hui, au regard des contextes, des ambitions et des menaces, impératif de repenser l’interaction du monde sur la base de lectures géopolitiques autrement moins focalisées sur le pouvoir et la force que sur l’interdépendance et la vulnérabilité.

Le multilatéralisme est le moteur qui anime et conditionne la cohérence même de l’exercice diplomatique. Rien ne s'impose, tout se négocie. Le monde globalisé ne peut et ne doit se permettre de retomber dans les travers du repli. Seules des solutions collectives peuvent apporter la paix et la sécurité collectives.

Matata Ponyo Mapon, ancien Premier ministre de la RDC.

La question du multilatéralisme s'inscrit dans une logique de partage, mais aussi dans celle du capitalisme, afin d'échanger au profit de tous. L'importance de chaque membre dans l'ensemble tient compte de ce qui la porte, comme élément de partage. Il est important de souligner que l'attention qui doit être portée à chacun est essentiellement justifiée par la contribution. Il faut que les pays du Sud puissent davantage produire, non seulement en termes de quantité, mais aussi en termes de qualité.

Réformes, gouvernance, inégalités…

André Azoulay, conseiller du roi Mohammed VI.

Le Maroc a eu la chance de faire les bons choix et de faire en sorte que ce pays, qui n'est pas forcément le mieux doté en termes de ressources et de matières premières, trouve une cohérence, une gouvernance, une stabilité et un leadership qui ont imposé un modèle de société qui fonctionne. C'est en Afrique, c'est en terre d'islam, c'est au Maroc, au Maghreb et en Afrique du Nord, et ça marche.

Paulo Portas, ancien ministre portugais des Affaires étrangères.

Il y a une chose sur laquelle nous sommes probablement tous d'accord: vous avez besoin de révolutions quand vous n'avez pas de réformes. Vous êtes ici au Maroc. Le Royaume a un chef d'Etat brillant et admirable. Sa Majesté le Roi est un réformateur. Un réformateur avant le printemps arabe, et avant toutes sortes de contestation populaire dans le monde arabe.

Serigne Gueye Diop, ministre conseiller du président de la République du Sénégal.

Nous devons corriger les inégalités. Au Sénégal, nous avons un programme réussi, le PUDC (Programme d'urgence de développement communautaire du Sénégal), pour faire en sorte que les populations vivant dans les zones reculées aient accès à l'eau, au transport, aux infrastructures et aux centres de santé.

João Vale de Almeida, ambassadeur de l'Union européenne au Royaume-Uni.

Nous avons encore une immense dimension d'inégalité dans l'Union européenne, des inégalités basées sur le genre, les revenus, les régions, parce que nous ne sommes pas un territoire totalement homogène.

Guerre en Ukraine

Helena Carreiras, ministre de la Défense du Portugal.

La guerre en Ukraine a montré qu'il y a des problèmes qui touchent aussi le Sud: sécurité alimentaire, crise énergétique, etc. L'interdépendance devient évidente. La guerre en Ukraine a également déplacé le centre de gravité de l'OTAN. Nous constatons aujourd'hui que le centre de gravité des intérêts, qui jusqu'à présent étaient plutôt d'ordre économique et géoéconomique, se déplace vers l'Est.

Birame Diop, conseiller militaire, Bureau des affaires militaires, Département des opérations de paix, Nations unies.

La situation en Ukraine présente une situation difficile dans laquelle une solution n’est pas aisée à atteindre.

L’Atlantique, un espace en construction

Daniel Hamilton, Senior Fellow, School of Advanced International Studies, Johns Hopkins University.

L’Atlantique est l'océan le plus fréquenté en termes de transport et de commerce. La région joue un rôle unique sur la planète car elle est en train de devenir l'un des principaux réservoirs d'énergie du monde.

Omar Hilale, représentant permanent du Maroc auprès des Nations unies.

L'Atlantique est un espace maritime plein de défis et de contradictions. C'est un espace qui réunit 40% des États membres des Nations unies qui représentent 1 milliard de la population mondiale et 43% du PIB mondial. Il réunit les États les plus riches et les plus pauvres, les États les plus stables et démocratiques, comme les États ayant des problèmes d'insécurité. C'est un espace en construction.

Les efforts internationaux restent fragmentés, et les intérêts des pays ne convergent pas toujours. Nous devons trouver une convergence pour que cet espace ne devienne pas un espace de compétition. C'est un espace de synergie qu'il faut protéger. Il y a donc des dynamiques Nord-Sud mais aussi des dynamiques Est-Ouest. Il faut trouver des zones de convergence pour favoriser une véritable coopération multilatérale: énergie, développement durable, changement climatique, migration…

Licínia Simão, coordinatrice générale du Centre atlantique.

Il est extrêmement important de construire de nouvelles connaissances précises et produites à travers l'Atlantique par des esprits partagés en différents points du bassin. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons construire une communauté de destin.

Pour une vision africaine

Fouad Yazourh, directeur général des relations bilatérales et des affaires régionales, ministère des Affaires étrangères.

La priorité devrait maintenant être accordée à la clarification de la vision africaine. Le travail actuel est un travail afro-africain. Nous nous organisons pour aller vers le monde. Nous n’allons pas chercher à faire de la pédagogie avec l’Europe ou un autre continent avant de comprendre nos propres objectifs en tant qu'Africains.

Jeunesse et politique

Pauline Batista, assistante au programme des médias à l’ONU.

Il y a une sorte de littératie émotionnelle, qui passe en quelque sorte à la politique. Quand il s'agit de la jeunesse, j'ai l'impression que nous devons vraiment passer le micro, nous concentrer sur des initiatives d'autonomisation qui garantissent que la jeunesse est au centre. Nous ne sommes pas de jeunes leaders émergents. Nous sommes des jeunes leaders, mais nous sommes discriminés pour notre âge.

Par Hajar Kharroubi
Le 17/12/2022 à 11h00