Boualem Sansal a porté un coup terrible au «Système» algérien en brisant le tabou sur lequel repose la fausse histoire fabriquée depuis 1962, et sur laquelle est comme momifiée la gérontocratie algérienne à bout de souffle.
Le 2 octobre 2024, lorsque Boualem Sansal déclara à un média français que «quand la France a colonisé l’Algérie, toute la partie ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc», il ne faisait qu’énoncer une évidence partagée par tous les historiens sérieux. Benjamin Stora, qui considère quant à lui qu’une telle déclaration «blesse le sentiment national algérien», semble donc ne pas appartenir à cette catégorie. Curieuse remarque en effet pour un «historien de l’Algérie» auquel on aimerait pouvoir demander ce qu’il a à opposer à cette évidence historique…
Un Benjamin Stora qui aurait donc bénéfice à lire mon livre «Le Sahara occidental en dix questions», dans lequel je donne la cartographie des amputations territoriales subies par le Maroc.
En effet, avant d’être colonisée par la France, l’Algérie n’existait pas, et le Touat, le Tidikelt, le Gourara, Tindouf, Béchar et Tabelbala étaient dirigés par des caïds nommés par le sultan du Maroc. Or, la France arracha ces territoires au Maroc pour les donner à l’Algérie française puis, en 1962, à l’Algérie algérienne, son héritière, ce que les dirigeants d’Alger refusent d’admettre.
«L’unité algérienne est un legs de la France, jusqu’à son nom qui lui fut donné en 1839 par le général Schneider.»
Ces derniers refusent également tout débat au sujet de la question même de l’existence historique de la nation algérienne, alors que le pays est directement passé de la colonisation turque à la colonisation française.
L’unité algérienne est en effet un legs de la France, jusqu’à son nom qui lui fut donné en 1839 par le général Schneider. Auparavant, l’on parlait de Maghreb al-Awsat, Maghreb central ou médian puis, à l’époque ottomane, de Régence d’Alger ou Sandjak ou Odjak de l’Ouest. La période ottomane ne vit d’ailleurs pas une évolution vers un État-nation algérien, car, à la différence des Karamanli en Libye et des Husseinites en Tunisie, il n’y eut pas dans la Régence d’Alger d’apparition d’une dynastie nationale ou pré-nationale.
À ce sujet, le général de Gaulle a résumé la situation de l’Algérie en quelques phrases lumineuses :
«Depuis que le monde est monde, il n’y a jamais eu d’unité, ni, à plus forte raison, de souveraineté algérienne. Carthaginois, Romains, Vandales, Byzantins, Arabes syriens, Arabes de Cordoue, Turcs, Français ont tour à tour pénétré le pays sans qu’il y ait eu à aucun moment, sous aucune forme, un État algérien.» (Charles de Gaulle, 16 septembre 1959, déclaration à la RTF).
Par la conquête, la France rassembla les régions qui allaient former l’Algérie française. Elle s’employa à les désenclaver, à travers une ambitieuse politique de création de voies de communication. D’abord des pistes, puis des ports et des voies ferrées. Enfin, elle lui donna ses frontières qui, à l’Ouest, furent tracées par l’amputation territoriale du Maroc (Touat, Tidikelt, Gourara, Tindouf, Béchar, Tabelbala, etc.) et qui, au Sud, ouvrirent l’Algérie sur un Sahara qu’elle n’avait, et par définition, jamais possédé.
Le «crime» de Boualem Sansal est d’avoir rappelé ces vérités historiques.