Si d’aucuns peuvent facilement comprendre la mise à l’écart du ministre de l’Industrie, Ahmed Zeghdar, qui quitte le gouvernement algérien après avoir osé démentir, il y a tout juste quelques jours, le président Tebboune sur la date de la commercialisation des voitures Fiat montées en Algérie, il est tout aussi aisé d’expliquer les raisons derrière la mise à l’écart brutale du désormais ex-ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra. Ce dernier est à la fois victime de l’échec de la diplomatie algérienne, qu’il n’a fait qu’enliser davantage, et surtout de ses prétentions présidentielles à l’approche de la fin du mandat de l’actuel locataire de la Mouradia.
Celui qui fut chef de la diplomatie algérienne de 2013 à 2017 a été rappelé le 7 juillet 2021 par le duo Tebboune-Chengriha, avec un seul objectif. Les promoteurs de «l’Algérie nouvelle» voyaient en effet en Lamamra l’homme providentiel qui allait redonner vie à la diplomatie algérienne, et surtout, croyaient-ils, contrer le Maroc sur le dossier du Sahara, sur lequel le Royaume venait de marquer deux points décisifs durant les deux derniers mois de 2020. Il s’agit, d’une part, de la reconnaissance par Washington de la marocanité du Sahara et, d’autre part, du rétablissement de l’ordre à El Guerguerat, désormais interdite, comme toutes les zones tampons du Sahara, au Polisario.
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Qualifié de diplomate chevronné dès son retour, et porté aux nues par une presse aux ordres de la junte algérienne, Lamamra va rapidement faire étalage de sa marocophobie en conseillant, et annonçant lui-même, la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc, en attendant que d’autres mesures suivent, comme la fermeture de l’espace aérien aux avions marocains et l’arrêt de la fourniture de gaz naturel au Royaume, à travers la fermeture du gazoduc Maghreb-Europe. Ces décisions, qui lui servirent de baptême de feu choc pour ouvrir les hostilités diplomatiques avec le Maroc, ont été justifiées par un long argumentaire farfelu remontant jusqu’à 1963 qui n’a servi qu’à mettre l’Algérie dos au mur face à la communauté internationale.
En 20 mois à la tête de la diplomatie algérienne, le bilan de Ramtane Lamamra a été plutôt catastrophique aux yeux de ses employeurs. En effet, il a lamentablement échoué dans sa mission principale, à savoir freiner la dynamique de la diplomatie marocaine sur le dossier du Sahara. Mieux, le Maroc a continué à engranger, durant ces 20 derniers mois, d’importants acquis, que ce soit à travers le nombre de pays européens ayant soutenu le plan marocain d’autonomie au Sahara comme seule solution à ce conflit factice, ou les dizaines de pays d’autres continents qui ont ouvert des consulats dans les deux grandes villes du Sahara marocain, Laâyoune et Dakhla, en guise de soutien ferme à la marocanité du Sahara.
L’échec le plus cuisant de Lamamra, c’est celui dont il a fait montre lors du Sommet de la Ligue arabe d’Alger en novembre dernier, lorsqu’il commit l’impair, devant tous les dirigeants arabes, de ne pas accueillir, ne serait-ce que durant une minute, son homologue marocain, Nasser Bourita, venu représenter le roi Mohammed VI à ce sommet. Cette attitude honteuse, car contraire à tous les usages diplomatiques, poursuivra Lamamra à vie comme son ombre.
Ahmed Attaf, qui l’a remplacé ce jeudi, est un revenant, puisqu’il a été ministre des Affaires étrangères sous les présidents Liamine Zeroual et Abdelaziz Bouteflika, de janvier 1996 à décembre 1999. Attaf a, par le passé, estimé ouvertement, et à plusieurs reprises, que la fermeture des frontières algériennes, voire le différend sur le Sahara, ne peut indéfiniment rester en suspens. Défend-il toujours la même position, lui qui justifia en son temps et reconnaît avoir rédigé, en 1994, la note préconisant la fermeture des frontières entre les deux pays voisins?
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En attendant, on croit savoir que l’autre raison expliquant le départ peu surprenant de Ramtane Lamamra, c’est probablement sa volonté de présenter sa candidature à la prochaine présidentielle algérienne. L’armée se tâte concernant le deuxième mandat de Abdelmadjid Tebboune, en raison de son incapacité à incarner une stature d’homme d’Etat. Qui mieux que Lamamra, qui bénéficie de solides appuis dans la junte, pourra succéder à Tebboune? Et Lamamra, qui a pu mesurer l’erreur de casting présidentiel, ne cache plus son ambition.
Selon le site d’information Africa Intelligence, Lamamra ne cache plus son appétit pour la présidence de l’Algérie. Et il le fait même savoir à l’international. «De présumés contacts téléphoniques entre Ramtane Lamamra et des personnalités du premier cercle du président français Emmanuel Macron –les deux hommes entretiennent des relations très cordiales– sans que le président algérien en soit prévenu, ont en outre été rapportés à Abdelmadjid Tebboune», rapporte le très informé média.
Très peu sûr de lui, Tebboune préfère s’entourer de ministres fidèles plutôt que de compétences qui peuvent lui faire de l’ombre. Au final, c’est le peuple algérien qui en pâtit.