Violations de la liberté religieuse: Antony Blinken épingle l’Algérie et la place sur la liste de «surveillance spéciale»

La Basilique Notre-Dame d'Afrique, à Alger.

La basilique Notre-Dame d'Afrique, à Alger.. DR

Le 4 janvier, le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a publié, comme chaque année, la liste des pays qui ne respectent pas la promotion de la liberté de religion ou de conviction. Il a nommément cité l’Algérie, qui est épinglée pour ses graves manquements. La junte est prise d’une peur panique.

Le 06/01/2024 à 18h01

Comme chaque année, le département d’État américain établit la liste des pays dits «particulièrement préoccupants pour avoir commis ou toléré des violations particulièrement graves de la liberté religieuse». Décrite comme un objectif essentiel de la politique étrangère américaine depuis que le Congrès a adopté et promulgué la loi sur la liberté religieuse internationale en 1998, la promotion de la liberté de religion ou de conviction s’inscrit aux États-Unis dans le cadre d’un «engagement durable», rappelle le secrétaire d’État Antony Blinken dans un communiqué de presse.

Cette année, on retrouve dans cette liste des pays comme la Birmanie, Cuba, l’Érythrée, l’Iran, le Nicaragua, la Russie, le Tadjikistan et le Turkménistan. Également dans le viseur des États-Unis, d’autres pays figurent «sur la liste de surveillance spéciale pour avoir commis ou toléré de graves violations de la liberté religieuse». On y retrouve l’Azerbaïdjan, la République centrafricaine, le Vietnam et, sans grande surprise, l’Algérie.

La fermeture des églises, un signal fort d’un antichristianisme latent

En effet, l’Algérie s’impose à travers le temps comme une grande habituée de cette liste de surveillance, sur laquelle elle figurait déjà en 2020, en 2021 et en 2022. En 2020, le Rapport sur la liberté de religion établi par le même département d’État américain faisait état de plusieurs violations des droits en Algérie, notamment la fermeture de plusieurs églises. «Le gouvernement a fermé 13 églises et ordonné la fermeture de sept autres depuis 2018 parce qu’elles n’avaient pas l’autorisation nécessaire pour organiser des services non islamiques», s’alarmait-on alors.

Une répression dénoncée par la Commission américaine pour la liberté religieuse internationale (USCIRF), qui qualifiait cette politique de «répression contre la communauté protestante évangélique en Algérie» et s’inquiétait de la fermeture des deux plus grandes églises protestantes du pays. Même son de cloche du côté du Parlement européen, qui, cette même année 2020, critiquait l’Algérie pour l’oppression des chrétiens et des minorités religieuses.

Le département d’État américain et le Parlement européen ne sont pas les seuls à épingler ces violations en Algérie. C’est aussi le cas de l’ONG «Portes ouvertes», qui défend les chrétiens persécutés de par le monde. En janvier 2023, l’organisation publiait ainsi un nouveau rapport accablant l’Algérie en matière de libertés religieuses. «Les fonctionnaires de l’État font pression pour restreindre la liberté des chrétiens et les pousser à renoncer à leur foi», pouvait-on lire dans ce rapport qui relevait également que «les chrétiens sont limités dans l’exercice de leur foi. Les lois qui régissent le culte non musulman interdisent tout ce qui pourrait “ébranler la foi d’un musulman” ou “attirer un musulman vers une autre religion”».

Autre élément d’inquiétude: la fermeture des églises par le pouvoir, «qui s’est lancé dans une campagne contre l’Église Protestante d’Algérie». Les chiffres parlent d’eux-mêmes: à ce jour, 43 des 47 églises de l’Église protestante d’Algérie, dont la plupart se trouvent en Kabylie, ne peuvent plus se rassembler.

La propagande de la haine, une litanie algérienne

Des années noires pour la communauté chrétienne en Algérie qui, en 2020, a vu sa situation empirer. Et pour cause, le pays a entrepris un virage majeur en constitutionnalisant une politique bâtie sur le rejet des différences et qui lui a valu d’être mis sur liste noire sur recommandation de la Commission des États-Unis sur la liberté religieuse internationale (USCIRF).

Dans le viseur de ladite commission, la nouvelle Constitution, adoptée par le voisin de l’est dans la foulée des protestations populaires civiles et qualifiée alors de facteur de «nouvelle érosion» des conditions de la liberté religieuse en Algérie. Et pour cause, cette nouvelle Constitution se caractérise par la suppression de la liberté de conscience. Le pays, avait alors relevé Antony Blinken, «a une longue histoire d’oppression et de persécution des minorités religieuses». Sans doute faisait-il référence au massacre des sept moines de Tibéhirine, commis il y a 25 ans et imputé faussement aux islamistes, puisque selon de récentes enquêtes, la responsabilité des services de renseignement algériens semble ne plus faire de doute.

Mais le pays ne s’est pas arrêté en si bon chemin, car plutôt que de faire amende honorable et de se familiariser avec la notion de respect des différences et du vivre-ensemble, c’est tout l’inverse qui s’est produit au fil du temps. En effet, on se souviendra qu’en octobre 2021, les autorités algériennes ont été jusqu’à limoger des responsables de la radio Cirta, basée à Constantine, pour avoir diffusé sur ses ondes la chanson «Laylet Eid» («Jingle Bells») de la célèbre chanteuse libanaise de confession chrétienne Fayrouz. Leur tort? «Glorifier la religion chrétienne» en diffusant une chanson de la diva de la chanson arabe. Affligeant.

Puis, en 2022, cette chasse aux sorcières s’est caractérisée par la fermeture, ordonnée sans raison précise par les autorités du pays, de l’association catholique Caritas, après 60 ans de bons et loyaux services en Algérie en direction des plus pauvres. Enfin, le 27 novembre 2023, c’est le vice-président de l’Église protestante d’Algérie, le pasteur Youssef Ourahmane, qui a fait les frais de cette politique. Celui-ci a en effet été condamné en appel à un an de prison et 100.000 dinars d’amende au motif d’avoir célébré un culte non autorisé dans un édifice non permis à cet effet. En mars de la même année, il avait supervisé quelques familles chrétiennes en vacances dans un complexe paroissial qui abritait une chapelle fermée par les autorités…

Autant de décisions qui ont bel et bien sonné le glas des libertés religieuses en Algérie et confirmé que l’antichristianisme marche désormais dans les pas de la haine des juifs, érigée en doctrine d’État de longue date, avec un recours de façon systématique et décomplexée à un lexique antisémite tant par les médias officiels que par les plus hauts arcanes de l’État, y compris l’armée, sous couvert d’un prétendu soutien à la cause palestinienne. Une preuve de cet antisémitisme assumé, qui n’est pas à confondre avec l’antisionisme, est le chant appelant au massacre des juifs, chanté à tue-tête, en 2015 déjà, par les troupes lors d’un exercice de marche ordonnée de la gendarmerie nationale algérienne, à l’occasion d’une fête nationale commémorant la libération de ce pays, à laquelle ont pourtant pris part de nombreux juifs algériens.

Le pouvoir algérien répondra-t-il, en 2024, à l’appel lancé par Antony Blinken aux gouvernements de «mettre fin aux abus tels que les attaques contre les membres des communautés religieuses minoritaires et leurs lieux de culte, la violence communautaire et les longues peines d’emprisonnement pour expression pacifique, la répression transnationale et les appels à la violence contre les communautés religieuses, entre autres violations qui se produisent dans de trop nombreux endroits du monde»?

Rien n’est moins sûr pour ce pays qui s’est classé en 2023 à la 19ème place de l’index mondial des pays qui persécutent les chrétiens, avec la mention «persécution très forte», selon l’ONG «Portes ouvertes».

Se retrouvant épinglé nommément par Antony Blinken, le régime algérien, qui a fait profil bas au Conseil de sécurité, où il siège en tant que membre non permanent, a été pris par une peur panique. Il a lâché ses médias pour dénoncer les paroles lénifiantes de l’ambassadrice américaine à Alger qui sont sans effet sur la politique des États-Unis à l’égard de l’un des pays les oppressifs au monde.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 06/01/2024 à 18h01