Il n’a jamais eu à gérer ne serait-ce qu’une téléboutique ou un stand de street-food mais le voilà propulsé, excusez du peu, patron du plus grand aéroport d’Algérie, celui de la capitale Alger. Son expérience du secteur aérien se résume à sa carrière, datant d’une ancienne vie, de colonel de l’armée de l’air. Et c’est à lui qu’incombe désormais la tâche de matérialiser les ambitions aussi farfelues les unes que les autres dont se gargarise le régime en place, faute de les mettre en œuvre. Sa nomination a eu hier lieu lundi 19 février, comme par enchantement. Et c’est ainsi, un peu «comme ça», que Mokhtar Saïd Mediouni, l’une des étoiles filantes de la marocophobie dans le paysage audiovisuel et sur les réseaux sociaux en Algérie, est devenu le nouveau PDG de la Société de gestion des infrastructures et des services aéroportuaires (SGISA), qui gère l’aéroport international d’Alger Houari Boumediene. Ceci, en remplacement de Mohamed Salah Kaouach, qui n’aura pas tenu longtemps à ce poste puisqu’il avait été nommé en novembre 2022.
Mais qui est donc ce Mokhtar Saïd Mediouni et de quoi peut-il se targuer pour prétendre mériter un tel honneur et, surtout, une aussi glorieuse réhabilitation? De sa carrière militaire, on ne saura pas grand-chose si ce n’est qu’il trainait tellement de casseroles qu’il a été mis à la retraite prématurément. Son come-back, il l’a effectué surtout sur les plateaux de télévision en sa qualité tantôt d’expert militaire, tantôt de géostratège et, à ses heures perdues, de politologue. Mission principale: cirer les bottes de ses militaires de patrons et dire combien l’Algérie est grande. C’est notamment lui qui était en charge de distiller, dans des monologues de comptoir, les éléments voulant que «le Hirak est infiltré et manipulé», allant jusqu’à dire que des gens sont formés dans des centres de l’Institut Canva en Serbie pour organiser une révolution en Algérie. Comme c’est lui qui s’est rétracté, passé l’orage, pour dire qu’en fait, le Hirak est «béni», mais ses activistes honnis. Ce fut mal fait mais ce fut fait.
Éloge du terrorisme, viol et autres marques de sympathie
La qualité première de Mokhtar Saïd Mediouni est cependant ailleurs: c’est un marocophobe-né. Sa haine du Maroc, il la distille avec passion et fougue, mais sans talent aucun. Ses «chroniques» sur la chaîne Al Hayat TV, dont il a fini par être jeté, sont pour ainsi dire «mémorables». Florilège: «Le Maroc veut imposer son hégémonie, raison pour laquelle il a eu recours à des puissances de provenance étrangère»; «le Maroc vise l’unité morale de l’Algérie. Il cherche à la compromettre par de trop fortes infiltrations, par une insidieuse mainmise sur tous les ressorts de notre front intérieur, sur toutes les sources où elle alimente notre pensée»; «nous ne sommes pas frères. Il faut refouler les 700.000 Marocains présents sur le sol algérien».
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Tout est de savoir qui sont ces 700.000 Marocains d’Algérie et d’où ils viennent. Mieux encore, en novembre 2021, l’ex-officier algérien n’a pas hésité à appeler les milices du Polisario à recourir à des actes terroristes sur le territoire marocain: «Déplacez la guerre sur le territoire marocain pour semer le chaos et la terreur à Casablanca, à Marrakech. Si vous voulez l’indépendance, vous devez mourir en martyrs», a-t-il lancé.
Mokhtar Saïd Mediouni, c’est aussi une large panoplie de poursuites judiciaires. Dès 2015, il est ainsi accusé d’agression sexuelle et tentative de viol… dans l’ascenseur d’un immeuble. Une plainte est déposée par la victime, mais l’affaire est étouffée, le colonel déchu ayant fait intervenir son «réseau». Ceci, malgré plusieurs témoins oculaires au moment des faits. Tout comme il a fait l’objet d’une plainte déposée par des Marocains auprès d’Interpol pour apologie du terrorisme.
Expert ès verbiage
Ce n’est pas tout. Si Mokhtar Saïd Mediouni a été limogé d’Al Hayat TV, où il officiait en tant qu’animateur de l’émission «Crisis», c’est, entre autres, pour une affaire liée… au secteur aérien. En janvier 2021, l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV) a convoqué le directeur de la chaîne suite à une plainte déposée par Verital, entreprise publique en charge du contrôle et de la vérification dans l’aviation civile.
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Dans sa défunte émission, l’«expert» a cité plusieurs cas de non-respect de procédures par l’entreprise publique: un avion envoyé à l’étranger avec une carte grise expirée, un autre qui vole dans un pays étranger sans certificat de navigabilité, un appareil piloté par un commandant de bord et un copilote ayant plus de 60 ans, ou encore un vol de rapatriement d’Air Algérie vers Washington (AH 2915)… sans plan de vol.
Depuis, le concerné était au chômage et devait se contenter d’une petite lucarne à faible impact, Ifrikya FM. Et dire que c’est désormais lui qui aura la lourde tâche de gérer l’aéroport d’Alger, qui est le plus grand du pays et qui ambitionne de devenir un hub de transit des passagers entre, tant qu’à faire, l’Afrique, l’Europe, l’Asie et l’Amérique. Le tout, sans la moindre stratégie si ce n’est une vague annonce d’acquisition d’une grande quantité d’avions, avec des commandes de 8 appareils Boeing 737 Max 9, de 5 Airbus 1330-900 et de 2 Airbus A350-1000. Attention, crash en vue et une énième preuve d’un régime à la dérive qui, à la compétence, préfère ressusciter les morts.