Quand l’Otan s’engage à ne pas s’engager

Rachid Achachi.

ChroniqueLe sommet de l’Otan qui s’est tenu à Vilnius, en Lituanie, a été présenté la veille par la plupart des médias occidentaux comme devant être une rencontre décisive pour l’avenir de l’Alliance, avec comme perspective, une adhésion de la Suède… et de l’Ukraine. Oui, on parle bel et bien de l’adhésion potentielle d’un pays en conflit ouvert avec la première puissance nucléaire mondiale: la Russie.

Le 13/07/2023 à 10h59

Cependant, la montagne a accouché d’une souris. Heureusement, ai-je envie de dire. Car, je ne sais pas pour vous, mais me concernant, j’ai quand même encore quelques projets dans la vie, que je n’aimerais aucunement voir écourtés en raison d’un Armageddon nucléaire.

Les dirigeants des pays membres de l’Alliance ont certes bien des défauts, mais ils n’ont, semble-t-il, pas celui d’être suicidaires. L’Ukraine attendra, puisqu’une éventuelle adhésion signifierait de facto l’activation de l’article 5, et donc potentiellement l’entrée en guerre de tous les pays membres, dont trois possèdent l’arme atomique, à savoir les États-Unis, le Royaume-Uni et la France. Chose que Biden n’a pas manqué de rappeler à plusieurs reprises ces derniers jours.

De l’autre côté, la doctrine militaire russe stipule le fait que si l’existence même de la Russie en tant qu’État est menacée par une invasion, ou si elle est l’objet d’une attaque nucléaire, le recours à son arsenal militaire sera systématique.

Certains ont proposé, pour dépasser cette impasse, de procéder à une intégration partielle de l’Ukraine, qui ne couvrirait que les territoires contrôlés directement par Kiev. Une manière de tracer une ligne rouge face à une potentielle avancée de l’armée russe, mais qui n’inquiéterait aucunement la Russie sur les territoires ukrainiens qu’elle contrôle et qu’elle a annexés. Une intégration en «kit» qui impliquerait que l’Otan devra être rebaptisée Otea ou Bricotan, c’est au choix.

Plus sérieusement, la prudence a fini par l’emporter, et Kiev devra se contenter d’une simple promesse d’intégration future sans calendrier aucun, qui n’est en fait qu’un renouvellement du vœu pieu prononcé en 2008 par l’Alliance concernant son adhésion. Concrètement, une manière de dire que l’Otan ne s’impliquera aucunement directement dans le conflit. «Nous nous contenterons de donner des armes, mais c’est à vous de mourir sur le champ de bataille, pour la prospérité de notre GNL et de notre complexe militaro-industriel… pardon, je m’égare… je voulais dire pour le triomphe de la démocratie, de la liberté et des droits de l’Homme». De quoi donner raison à ceux qui disent que l’Otan est prête à combattre la Russie jusqu’au dernier Ukrainien…

Parlons-en d’ailleurs, des droits de l’homme. Car en attendant, face à la pénurie de munitions de calibre 155 mm dont souffrent les stocks de l’Otan, et vu leur incapacité industrielle à tenir le rythme de livraison nécessaire dans le cadre de ce conflit à forte intensité, l’armée ukrainienne a commencé déjà à recevoir de la part de Washington les premières livraisons d’obus à sous-munitions en guise de remplacement. Je rappelle que ce type d’armes est interdit par une convention internationale regroupant 192 pays. Mais ni les États-Unis, ni l’Ukraine, ni la Russie ne sont signataires de ce traité.

Un palliatif militaire qui sera certainement perçu comme une petite nouvelle par l’état-major ukrainien, mais qui risque de faire très certainement que beaucoup d’enfants ukrainiens vont, à l’avenir, se retrouver avec une ou deux jambes en moins.

Le Cambodge en sait quelque chose, puisqu’au début des années 1970, il a été victime de bombardements américains avec ces armes, et il en a souffert bien des années après, ce que l’actuel Premier ministre Hun Sen n’a pas manqué de rappeler à travers un tweet dimanche dernier en écrivant: «Ce serait le plus grand danger pour les Ukrainiens pendant de nombreuses années, voire jusqu’à cent ans si des bombes à fragmentation étaient utilisées dans les zones occupées par la Russie sur le territoire ukrainien».

Pire encore, la Russie, comme l’a annoncé son ministre de la Défense Sergueï Choïgou, a décidé selon le principe de réciprocité, de recourir à son tour de manière importante à ces mêmes obus à sous-munitions, qu’elle possède en quantité quasi-illimitée en raison notamment des stocks soviétiques dont elle a hérité.

De même, et jusqu’à présent, Washington refuse toujours de livrer ses chars M1 Abrams à l’armée ukrainienne, de peur de voir des vidéos de ces tanks calcinés faire le tour des réseaux sociaux. Ce n’est pas bon pour l’export. Par contre, ils n’ont pas hésité à pousser les Allemands à livrer leurs Leopard 2, dont les mésaventures sur le champ de bataille en Ukraine ont annihilé toute crédibilité. Comme certaines vidéos le démontrent, de simples drones rôdeurs russes de type Lancet 3 sont capables d’en venir à bout. Pire, des soldats ukrainiens simuleraient même des pannes de leurs chars Leopard 2, juste pour ne pas finir en compote sur le champs de bataille, comme le rapporte le journal allemand Spiegel, repris par le magazine français Capital.

Comme a dit Voltaire: «Mon Dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m’en charge!»

Par Rachid Achachi
Le 13/07/2023 à 10h59