L’émission «J’irai dormir chez vous», animée par Antoine de Maximy et diffusée sur la chaîne RMC, est l’un des programmes phares du paysage audiovisuel français. Très suivie en France, elle l’est tout autant à l’international, dans les pays visités à travers le monde par le reporter français. Le principe de l’émission, qui consiste pour ce dernier à partir à la rencontre des gens, filmer leur quotidien et in fine se faire inviter à dormir chez eux, est un révélateur du climat ambiant du pays, comme des us et coutumes de ses habitants.
À double tranchant, cette émission a le mérite de démanteler les préjugés sur des pays lointains, parfois diabolisés par les médias, aux cultures méconnues, en sortant des sentiers battus du tourisme de masse. Car c’est dans les endroits reculés qu’aime se rendre le journaliste, au contact de la population locale, souvent désargentée, pour donner lieu à des instants spontanés.
Le 8 mars, l’émission était consacrée à l’Algérie. Un épisode non dénué d’intérêt en ce que peu d’images circulent de l’envers du décor de ce pays où les touristes ne se rendent pas. Cette occasion inédite de donner à voir une jolie facette de l’Algérie et de redorer son blason s’est, in fine, transformée en catastrophe pour les autorités du pays. Plusieurs séquences, partagées sur les réseaux sociaux, donnent le ton de ce reportage qui risque de faire du tort à l’Algérie et de la couper un peu plus du monde. L’Algérie figure désormais parmi les pays les plus inhospitaliers visités par l’émission, au grand dam d’une certaine diaspora, affligée par l’expérience vécue par le reporter dans son pays d’origine.
Et pour cause, c’est principalement aux forces de l’ordre que l’animateur a été confronté. Parti à la découverte de Ghardaïa, à 600 km au sud d’Alger, dans le désert algérien, Antoine De Maximy espérait se faire inviter chez les habitants de cette ville où vit une importante communauté mozabite. Mais ici, c’est surtout à la police et à l’armée que l’animateur a eu affaire.
Les habitants qui ont invité le reporter ont très vite été dissuadés de mettre en application leur hospitalité par des policiers en civil. En effet, constamment suivi, De Maximy s’est vu interdire par les forces de l’ordre de se rendre chez les gens. «Dommage», proteste un couple qui l’avait pourtant invité de bon cœur, après un rappel à l’ordre d’un policier en civil. Même douche froide avec un épicier, qui change prestement d’avis après s’être retrouvé encerclé par plusieurs policiers en civil.
Chaque invitation de la population a ainsi été annulée quelques minutes plus tard, sans compter les demandes de personnes filmées à Alger, qui ont contacté l’animateur quelques semaines après le tournage pour le prier de ne pas les faire figurer dans le reportage.
Même topo à Djanet, principale ville du sud-est du Sahara algérien, située à 2.300 km d’Alger, non loin de la frontière avec la Libye. Le climat est suspicieux. «Circulez, y a rien à voir!» est le mot d’ordre, alors qu’il s’invite à la table d’un groupe d’hommes qui le sermonnent sur le fait qu’il ne demande pas l’autorisation de filmer aux personnes installées dans ce café. Réussissant à s’inviter chez l’un des hommes, on lui fait comprendre qu’ici, la pauvreté est telle qu’on ne peut pas appliquer les règles de l’hospitalité comme il se doit et qu’il doit garnir la table. Une invitation sous conditions qui tombe à nouveau à l’eau quand un policier se manifeste et dissuade, par sa seule présence, son hôte de le recevoir chez lui.
«C’est pour votre sécurité», lui sera-t-il expliqué tout au long de l’émission. On aurait peur pour lui. Il pourrait lui arriver quelque chose, se perdre dans le désert par exemple, lui explique un soldat qui procède à un véritable interrogatoire sur les circonstances de sa présence à Djanet et lui ordonne de couper sa caméra. Enfin, précisera Antoine de Maximy, une fois rentré en France, dans un accès de fausse naïveté, on aurait surtout eu peur pour… sa sécurité alimentaire. Un comble pour ce reporter habitué à déguster toutes les street foods du monde, des plus exotiques au moins affriolantes.
Fort heureusement, c’est en Kabylie qu’Antoine de Maximy pourra goûter à l’hospitalité algérienne, chez un vieil homme qui partagera avec lui sa maigre pitance, composée d’œufs durs et de pommes de terre. Un Kabyle qui sauve la face du soft power algérien et devient la star de l’émission: voilà une publicité dont se serait bien passée la junte militaire au pouvoir qui, faute d’avoir su promouvoir la beauté souvent vantée du pays, a fait la démonstration de la chape de plomb sous laquelle vit une population désargentée, à laquelle on refuse jusqu’au droit d’exercer l’un des principes les plus chers aux pays arabo-musulmans, celui de l’hospitalité.
Si les émissions d’Antoine de Maximy nous apprennent bien une chose sur le monde, c’est que jamais la pauvreté n’a expliqué l’inhospitalité. Bien au contraire. Invité à l’émission «Touche pas à mon poste», le journaliste avait partagé il y a quelques mois les pires et les meilleurs souvenirs de ses reportages. En termes d’hospitalité, principe phare de ce programme, l’animateur à la chemise rouge, se remémorant quelques expériences de voyage, avait notamment déploré l’accueil cassant qui lui a été réservé aux Émirats arabes unis, et qu’il avait dans un premier temps mis sur le compte de la culture. Une idée préconçue de laquelle il s’est détourné en visitant des villages reculés du Maroc, où l’accueil chaleureux reçu, malgré le dénuement de ses hôtes, l’a convaincu de classer notre pays parmi les plus hospitaliers au monde.