Première prière musulmane à Sainte-Sophie: les mosaïques byzantines représentant des figures chrétiennes font polémique

Recep Tayyip Erdogan et son épouse à Sainte-Sophie, le 23 juillet 2020. 

Recep Tayyip Erdogan et son épouse à Sainte-Sophie, le 23 juillet 2020.  . AP/ Turkish Presidency

Alors que la basilique Sainte-Sophie à Istanbul débute sa nouvelle vie en tant que mosquée, la Turquie annonce quelques modifications afin d’adapter l'intérieur du bâtiment à la prière musulmane et s’attire le courroux des opposants à cette reconversion.

Le 24/07/2020 à 12h15

Le 10 juillet, le président turc, Recep Tayyip Erdogan annonçait la reconversion officielle de la basilique Sainte-Sophie en mosquée. Depuis sa construction au VIe siècle, Sainte-Sophie a tour à tour été une basilique byzantine, une mosquée ottomane puis un musée afin de redevenir, aujourd’hui, à l’occasion de la première prière musulmane qui y est tenue, une mosquée.

Toutefois, cette décision de reconvertir la célèbre basilique turque en mosquée préoccupe la communauté internationale, car le sort des mosaïques byzantines ne semble pas encore tranché par les autorités turques. Seront-elles recouvertes de plâtre comme à l’époque ottomane de Sainte-Sophie?, se demandent ainsi ceux qui craignent voir disparaître tout un pan de la culture byzantine.

Pour rassurer ces voix qui s’élèvent, Ibrahim Kalin, porte-parole du président turc, Recep Tayyip Ergogan a accordé une interview à la chaîne télévisée NTV, dans laquelle celui-ci explique que des mosaïques représentant Marie ou encore l’Archange Gabriel et qui se trouvent dans la direction de la Qibla, vers laquelle se tournent les musulmans pendant la prière, seront dissimulées derrière un rideau.

Il a par ailleurs soutenu que les autres mosaïques, représentant Jésus mais aussi d’autres figures chrétiennes, qui ne figurent pas dans la direction de la Qibla ne sont pas un obstacle à la prière sans pour autant mentionner si celles-ci seraient dissimulées également ou non.

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La question de la visibilité des mosaïques n’est pas anodine, car en Turquie, les visiteurs et touristes de toutes confessions pourront continuer à visiter l’endroit en dehors des heures de prière. Dissimuler ce qui représente une partie intégrante de la basilique et du patrimoine culturel turc porterait ainsi préjudice à l’endroit, qui reste la principale attraction touristique du pays avec 3,8 millions de personnes venues visiter la basilique l’an dernier.

Derrière la foi, une stratégie politique?Mais le sort des mosaïques n’est pas la seule préoccupation des opposants à cette reconversion, parmi lesquels la Grèce, qui garde un œil sur le devenir du patrimoine byzantin en Turquie et qui voit dans cette reconversion, qui intervient sur fond de tensions entre Ankara et Athènes, une provocation envers le monde civilisé.

Le pape François s’est de son côté dit «très affligé» par cette reconversion en mosquée dans laquelle beaucoup d’observateurs voient une opération de séduction d’Erdogan pour gagner les voix des conservateurs et des nationalistes.

Enfin, en la reconvertissant en mosquée, Erdogan défait le symbole de la Turquie laïque que représentait Sainte-Sophie en tant que musée depuis 1934 et enfonce le clou, selon Euronews, en choisissant pour cette première prière musulmane «le jour du 97e anniversaire du traité de Lausanne qui fixe les frontières de la Turquie moderne. Frontières que le président, nostalgique de l’Empire ottoman, appelle souvent à réviser.»

Par Zineb Ibnouzahir
Le 24/07/2020 à 12h15