Plus de 200.000 Afghans sont partis du Pakistan en pleine campagne d’expulsions

Une réfugiée afghane avant son expulsion vers l'Afghanistan, près de la frontière pakistano-afghane à Torkham, le 19 avril 2025

Une réfugiée afghane avant son expulsion vers l'Afghanistan, près de la frontière pakistano-afghane à Torkham, le 19 avril 2025. AFP or licensors

Plus de 200.000 Afghans sont rentrés dans leur pays depuis que le Pakistan a lancé le 1er avril une campagne d’expulsion massive contre les quelque trois millions d’Afghans présents sur son sol, qu’il accuse d’être liés au « terrorisme et au narcotrafic».

Le 04/06/2025 à 08h14

Le rythme des départs, en partie volontaires mais résultant également de descentes de police, a considérablement décru malgré tout: si en avril, 135.865 Afghans avaient franchi la frontière, seuls 67.478 l’ont fait en mai.

Les deux premiers jours de juin semble suivre la même tendance que le mois précédent --avec environ 1.500 départs par jour, selon les chiffres révélés à l’AFP par le ministère de l’Intérieur pakistanais.

Au 1er avril, après plusieurs mois de campagne de presse contre les Afghans, accusés d’être liés au «terrorisme» mais aussi de soutenir la contestation politique contre le pouvoir, Islamabad avait purement et simplement annulé les 800.000 cartes de résidence qu’il avait distribuées à des Afghans, parfois nés sur son sol ou y résidant depuis des décennies.

Le Pakistan menace désormais de lever fin juin la protection accordée au 1,3 million d’Afghans détenteurs d’une carte de réfugié délivrée par le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR).

Doublement des expulsions d’Iran

Pour les humanitaires et les défenseurs des droits humains, pousser au retour des Afghans, c’est «les mettre en danger».

Le pays, dirigé par les autorités talibanes revenues au pouvoir à l’été 2021, est officiellement en paix. Mais il constitue toujours la deuxième plus grande crise humanitaire au monde, selon l’ONU, avec un tiers des 45 millions d’habitants qui souffrent de la faim.

Forcés au retour par leur voisin de l’Est, les Afghans sont également poussés au départ par celui de l’Ouest, l’Iran.

Téhéran a donné «jusqu’au 6 juillet» aux «quatre millions d’Afghans illégaux» pour quitter son territoire, annonçait la semaine passée un responsable du ministère iranien de l’Intérieur à la télévision d’Etat.

Mardi, l’ONU s’inquiétait d’une «tendance nouvelle et préoccupante» apparue en mai: deux fois plus de familles afghanes avaient été expulsées par Téhéran que le mois précédent --et alors que le pays forçait jusqu’ici au retour des jeunes hommes en majorité, il expulse désormais des familles avec femmes et enfants.

Au total, depuis fin 2023 et la première campagne d’expulsions de masse d’Islamabad, plus d’un million d’Afghans ont dû partir du Pakistan, et plus du double ont quitté l’Iran.

Plus de la moitié des Afghans de retour sont des enfants, d’après l’ONU.

Cette nouvelle vague de départs forcés intervient alors qu’Islamabad voit les violences exploser dans ses régions frontalières avec l’Afghanistan --et accuse Kaboul de manquer de fermeté face à des groupes qui utilisent son sol pour attaquer le voisin.

Pays «pas prêt»

Le gouvernement taliban, reconnu par aucun pays au monde, entretient des relations en dents de scie avec Islamabad.

En avril, Kaboul a accusé son voisin de «maltraitance» contre les migrants et de les utiliser «à des fins politiques». Depuis, le ton semble s’être adouci entre les deux capitales, qui ont même accepté il y a quelques jours de nommer de nouveau des ambassadeurs dans leurs chancelleries, élevant ainsi leurs relations.

Des ministres se sont rendus chez le voisin et alors que les relations semblaient se réchauffer, le sujet des migrants expulsés a peu à peu disparu des déclarations publiques.

Aux deux postes-frontières de Torkham (nord-ouest) et de Chaman (sud-ouest), en avril, 3.000 personnes en moyenne transitent dans les deux sens chaque jour, contre environ 100 avant cette nouvelle campagne, d’après l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Une fois en Afghanistan, ils séjournent dans des camps temporaires aux conditions de vie précaires, souvent sans savoir où se rendre par la suite, dans un pays où 85% des habitants vivent avec moins d’un dollar par jour.

«Ils retournent dans un pays qui n’est pas prêt à les accueillir», estime le HRC. Les «pressions» iraniennes et pakistanaises «accablent des systèmes d’accueil et de réintégration fragiles en Afghanistan», note de son côté l’OIM.

Par Le360 (avec AFP)
Le 04/06/2025 à 08h14